AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de TRIEB


La nostalgie est parfois une piqûre de rappel nécessaire au maintien de notre moral quotidien et à la perpétuation d'une espérance, aussi ténue soit-elle.

L'ouvrage de Jean-Paul Caracalla, Montparnasse, l'âge d'or » nous remplit de nostalgie tout au long de sa lecture .Il nous rappelle ce que fut , dans la période comprise entre le début du vingtième siècle et le milieu des années trente, la vie artistique à Montparnasse , quartier ayant concentré alors tout ce que l'Europe et l'amérique comptèrent d'écrivains, de sculpteurs, de poètes, d'éditeurs ,– et d'éditrices !- , de peintres qui marqueront de leur empreinte l'histoire des arts , chacun dans sa sphère d'activité .

L'ouvrage décrit le rôle joué alors par les cafés de ce quartier. Il débute par la Closerie des Lilas, lieu de débats agités, animés notamment par Léon Bloy et Henry de Groux, peintre belge. Les conversations y revêtent un caractère théologique et spéculatif. Cet endroit est également le point de rassemblement des partisans d'un nationalisme affirmé ; ils fonderont plus tard L'Action Française, ils se nomment Vaugeois, Pujo, Mazet.
En 1903, Paul Fort organise à La Closerie tous les mardis des lectures de poésie au cours desquelles on peut y entendre Max Jacob déclamer des poèmes. Jean-Paul Caracalla décrit bien sûr le quadrilatère magique du carrefour Vavin formé par La Rotonde, le Dôme, le Select, La Coupole. Ainsi, le Dôme est-il décrit par André Warnod, critique d'art de l'époque : « le café était un refuge, un quai d'embarquement, la station de chemin de fer où on attend un train qui n'arrivera jamais ». Ce ne sera pas le cas pour de nombreux artistes venus d'Europe Centrale tels Rudolf Levy et Walter Bondy , venus respectivement de Munich et de Prague .Pascin, jeune caricaturiste d'origine bulgare, est un familier du lieu.


La Rotonde est décrite par l'auteur comme un lieu de débats, de polémiques parfois violentes qui opposent des Russes de camps opposés .On s'y enthousiasme pour le cubisme. Cet établissement est décrit par Jean-Paul Caracalla comme un lieu où la bohème est des plus débridées : on s'y presse, toutes nationalités confondues, on peut y rester des heures sans consommer, s'y abriter en hiver, le tout grâce au concours bienveillant du patron de l'établissement, Victor Libion.
On y signale la présence de Soutine, Modigliani,Kisling.
Pour le Select, inauguré en 1924, il est décrit par l'auteur comme le point de ralliement de nombreux écrivains :Morand, Cendrars, Breton, Cocteau, Aragon .S'y ajoutent Joyce, Faulkner, Dos Passos, Fitzgerald, Hemingway .

Les controverses y sont vives, voire violentes ,des excommunications y sont prononcées entre écrivains. Tel est le cas de Roger Vitrac, exclu du groupe surréaliste pour sa pièce Victor ou les enfants du pouvoir.
le dernier élément du quadrilatère , La Coupole, inaugurée en 1927, jouera le même rôle de réceptacle de tous les débats du milieu artistique de l'époque , c'est ainsi que Louis Aragon y fera la rencontre d'Elsa Triolet le 6 novembre 1928 .Ce café deviendra par la suite un lieu de rendez-vous de toutes les personnalités parisiennes .
Jean-Paul Caracalla consacre également quelques chapitres au rôle de Montparnasse dans l'édition .Ainsi Gertrude Stein , égérie de la rue de Fleurus , fonde-t-elle une maison d'éditions à Paris pour publier ses propres oeuvres victimes des réticences des éditeurs américains , Plain Editions .
Nancy Cunard, petite-fille de l'armateur, fonde Hours Press en 1928, , elle publie Ezra Pound, Iris Tree, Lewis Caroll .
Montparnasse joue donc un rôle de catalyseur dans le domaine de l'édition . Cet aspect est bien souligné par Jean-Paul Caracalla qui laisse entrevoir l'aspect novateur de cette démarche : des femmes éditrices ,qui publient hors de leur pays d'origine à Montparnasse , havre de liberté et de créativité.

Ce qui frappe, dans l'évocation de l'auteur, c'est l'aspect débridé de cette vie de l'époque, la folie, la déraison dans les argumentaires employés, la passion introduite dans les débats artistiques .La véhémence était habituelle , tandis que nous mesurons nos propos, de crainte de tomber sous le coup d'une censure omniprésente. La passion était présente , là où nous pratiquons une modération de nos enthousiasmes. La nuit était fréquemment le domaine de ces artistes , alors que les cafés décrits dans ce libre ferment vers 2h du matin…

La bohème a-t-elle disparu de notre paysage ? L'ouvrage de Jean-Paul Caracalla nous y replonge avec grand plaisir et force délectation. Il cite le propos suivant :
« le Select a le charme désuet de ces vieux messieurs à monocle qui hantaient naguère les coulisses des Folies-Bergère », a écrit Patrick Tudoret , écrivain et client de l'établissement.
Souhaitons que la désuétude ne reste pas l'unique composante de ce charme…



Lien : http://bretstephan.overblog-..
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}