Entrons dans la citadelle en passant sous les portes dont la réfection est du règne de Louis XVI, comme le rappelle l'inscription que l'on lit encore sous le cartouche qui surmonte la voute.
Un de nos grands écrivains, Théophile Gautier, a dit dans son Voyage en Italie que chaque ville possède une place, une rue, un carrefour, où cette ville a un caractère tout spécial qui la distingue des autres, qui lui imprime son cachet particulier, et Théophile Gautier donne à cet endroit unique le nom pittoresque d'oeil de la ville. L'oeil de Venise serait la Piazza San Marco, l'oeil de Florence la Piazza de la Signoria... L'oeil de Bastia au XVIIIe siècle eut été certainement pour lui la Piazza di Corti, la place actuelle du Donjon.
Le vieux-port de Bastia, le berceau de la ville, l'ancien Porto-Cardo, fut toujours un quartier des plus pittoresques.
A l'époque où nous nous plaçons, les quais n'existaient pas. Les maisons bâties sur le rocher étaient baignées par le flot ou bordaient la plage sur laquelle venait mourir la mer. L'anse était fermée au nord par le grand môle génois remontant à 1671 au sud par le rocher fantastique du Lion.
Les personnes qui dans leur jeunesse en se baignant dans le port se sont précipitées du haut de sa plate-forme supérieure commencent à n'être plus nombreuses. On a fait sauter ce rocher vers 1860 avec des bombonnes remplies de poudre.
Au siècle dernier, vers 1860, un bastiais, se trouvant à Florence, y fit la rencontre d'un vieux Toscan, qui, dans sa jeunesse, avait habité Bastia.
Naturellement, on s'entretint de notre ville, et, au cours de la conversation, notre compatriote parla d'une promenade en voiture qu'il avait faite.
"Des voitures dans les rues de Bastia!" s'écria le Florentin, au comble de l'étonnement.
"Mais comment font-elles pour passer, sans écraser les passants? Quand j'étais à Bastia, il n'y en avait pas!" Le Toscan avait raison. Au dix-huitième siècle, au commencement même du dix-neuvième, les voitures étaient inconnues à Bastia. On circulait dans les rues les plus fréquentées, les plus élégantes, en chaise à porteur, à cheval et surtout à pied.