Ce tome fait suite à Seven Walls and a trap (épisodes 10 à 13) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencer par le premier tome, car il s'agit d'une histoire complète à l'intrigue très dense. Ce tome comprend les épisodes 14 à 17, initialement parus en 2014, tous écrits par
Mike Carey.
Filipe Andrade a dessiné et encré l'épisode 14, avec une mise en couleurs de Kelly Fitzpatrick.
Elena Casagrande a dessiné et encré les épisodes 15 à 17, avec une mise en couleurs d'Andrew Elder.
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- Épisode 14 - Tracey (la fille de Leo Winters) sort d'un rêve puissant au cours duquel elle a éprouvé la sensation d'être appelée dans une autre dimension par une femme blonde, habillée d'une sorte de toge. Convaincue de la réalité de cet appel, elle se sert de son pouvoir pour ouvrir un portail dimensionnel et rejoindre Diva. Son intervention la sauve de 3 gros monstres avec des grandes gueules pleines de dents acérées.
Dès le deuxième tome,
Mike Carey a pris le rythme d'écrire un épisode s'attachant à un autre personnage que Leo Winters, et dessiné par un autre artiste pour qu'
Elena Casagrande puisse disposer du temps nécessaire pour réaliser ses épisodes. Il se sert de ce numéro pour le consacrer à la fille du personnage principal. En surface l'histoire s'avère très basique. le lecteur s'attend à des révélations sur Terza Nimari, et effectivement il apprend l'identité de sa vraie mère (Aisa), ainsi que la nature de sa relation avec Diva, au fur et à mesure des pauses entre 2 affrontements contre les grosses bébêtes. Les dessins de
Filipe Andrade accentuent cette impression d'épisode bouche-trou, avec une absence presque systématique d'arrière-plan, et le visage de Diva qui donne l'impression qu'elle a le même âge que Tracey, alors qu'elle est sensée avoir l'âge de sa mère. Pourtant le lecteur se trouve rapidement pris dans l'histoire parce que Diva en révèle beaucoup à Tracey / Terza.
Mike Carey a construit son récit sur le principe de révélations successives qui viennent modifier de manière significative la compréhension que le lecteur a de la situation. Dans la mesure où le scénariste sait s'y prendre, il y a de fortes chances pour que le lecteur ait été alpagué dès le premier tome. Carey sait entremêler révélations et sentiments de Tracey, insufflant plus qu'un minimum de vie dans les personnages, générant une empathie suffisante pour toucher le lecteur qui partage les émotions changeantes de Tracey au fur et à mesure qu'elle en apprend plus sur sa nature et sur ses parents. En outre, il sait ajouter une petite note d'humour avec les remarques décalées des 3 monstres, sûrs d'avoir le dessus sur leur proie. Ainsi cet épisode ne présente que peu d'intérêt pris en dehors de l'intrigue générale, par contre il apporte ses pierres à l'édifice général.
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- Jericho (épisodes 15 à 17) - Tracey est de retour dans le restaurant où Requiem et Mortimer Griffin sont tombés dans une embuscade. Ils ne peuvent pas la voir, et elle se rend compte qu'un corbeau est en train de s'adresser à elle. Il s'agit d'un avatar de la déesse. Il lui explique qu'il doit l'emmener dans le monde de la F.A.U.L.T.Line. Il l'y transporte en tant que spectre. Ensemble, ils observent Gride (un technicien) en train d'expliquer au magister Kerian, comment la personnalité de Requiem a pu se réaffirmer sur Terre. Puis l'oiseau lui montre l'intérieur du serveur surnommé Métier à tisser (loom). Il lui explique que pour pouvoir venir en aide à son père, elle doit s'introduire à l'intérieur de cet ordinateur, avec l'aide du technicien Gride. Dans le même temps, le gouvernement de ce monde s'est rendu compte que certains criminels reprennent le dessus du corps dans lequel leur conscience a été transplantée, et il réfléchit sur les mesures à prendre.
Le tome précédent comprenait un nouveau palier de révélations, changeant radicalement la nature de l'individu Leo Winters et des autres personnages disposant de superpouvoirs. le lecteur se demande si dans cette fuite en avant, le scénariste va réussir un nouveau bouleversement d'une ampleur similaire, ou plus importante encore. le risque de ce genre de construction de récit réside dans un mauvais équilibre qui privilégierait l'intrigue, aux dépens des personnages, misant tout sur un mécanisme ingénieux. L'épisode précédent consacré à Terza rappelait qu'il n'en est rien ici. Ce chapitre composé de 3 épisodes mêle à nouveau personnages et révélations de manière inextricable, ce qui lui permet d'éviter le risque d'une mécanique désincarnée.
Par la force des choses, le lecteur est satisfait de retrouver les dessins d'Elena Casagrande puisque c'est elle qui a établi les caractéristiques visuelles de la série dans le premier tome. Elle représente des individus aux morphologies normales, sans musculatures ou éléments physiques exagérés que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Elle leur donne des vêtements essentiellement fonctionnels, variés mais sans beaucoup de détails pour ceux terrestres, vaguement décalés (essentiellement des robes longues pour les hommes comme pour les femmes) sur la Terre d'une autre dimension. Les expressions des visages restent relativement mesurées, sans trop d'exagérations, mais avec des yeux un peu plus grands que nature pour Tracey et pour un ou deux autres personnages féminins. Elles manquent un peu de nuances dans certaines séquences.
Casagrande a une tendance marquée à simplifier les décors, voire à ne pas les dessiner en fond de case, quand elle estime que le lieu où se déroule la séquence influe peu sur les personnages. Quand cela est rendu nécessaire par le récit, elle s'investit plus dans les décors, qu'il s'agisse du bâtiment abritant le siège du gouvernement, de la machine Loom, ou encore de la chambre d'hôtel dans laquelle se trouvent Hailey Beckman & Jed McManus avec la baguette P. Mais même dans ces cases, elle simplifie les formes de manière à ne pas surcharger la case, ce qui diminue d'autant le potentiel d'immersion du lecteur. Au final les dessins remplissent bien leur fonction narrative première, mais avec une sensibilité émotionnelle limitée, et un potentiel spectaculaire limité.
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- ATTENTION - La suite de ce commentaire comprend des révélations sur l'intrigue.
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Dans le deuxième tome, Mike Carey a révélé que les personnages dotés de superpouvoirs présentent une seconde personnalité dont la provenance a été explicitée dans le tome précédent. Par le biais bien pratique de cet oiseau qui ne diffuse des informations qu'au gré de sa fantaisie (= en fonction des besoins du scénariste), Tracey découvre le mécanisme qui permet d'implanter ces souvenirs et de réveiller l'ancienne identité. Comme le lecteur s'est déjà investi dans le personnage de Leo Winters et dans celui de Tracey, il a peine à croire que ces personnalités vont être effacées au profit des plus réelles de Requiem et Terza Nimari. Il a un enjeu émotionnel dans la pérennité de ces identités. Enfin, il sait que ce chapitre va permettre de comprendre le retournement de situation de la dernière page du tome précédent.
D'un côté, le lecteur peut réprimer une pointe d'agacement quand Tracey réussit à se projeter dans les mémoires conservées dans le Métier à tisser, comme si un esprit désincarné pouvait communiquer facilement avec des esprits numérisés. Mais passé ce moment, il découvre que Mike Carey a un peu mieux réfléchi que ces collègues au mécanisme en question. Il explique ce qu'il est advenu du véritable Leo Winters, la raison de la présence de la personnalité de Requiem dans son corps, et d'autres détails comme le mode de sauvegarde de ces personnalités, et la nature de la conscience intermédiaire. de plus, les responsables gouvernementaux de l'autre dimension n'apparaissent pas comme de dangereux irresponsables. Mike Carey expose également pourquoi ils ont choisi cette forme d'exil pour leurs dangereux criminels, et quels dispositifs de sécurité ils ont prévu en cas de dysfonctionnement. En procédant ainsi, le scénariste évite de revenir à un schéma dichotomique Bien / Mal, et maintient le lecteur en instabilité quant à la direction qu'il souhaite que le récit prenne. En toile de fond, le lecteur identifie un questionnement sur la manière de protéger la société de ses éléments toxiques, sans recourir à la peine de mort, ainsi qu'un autre sur l'investissement affectif que l'on porte à une autre personne quand on découvre qu'elle est différente de ce qu'on imaginait.
Ce quatrième tome confirme que le lecteur est complètement accroché à l'intrigue et souhaite découvrir comment elle va se dérouler, ainsi qu'à au moins 2 personnages (Leo et sa fille), s'interrogeant également sur leur devenir. Il apprécie qu'Elelna Casagrande se tienne à l'écart des stéréotypes visuels des comics de superhéros, tout en se disant que la qualité du récit aurait gagné en saveurs avec un artiste plus descriptif.