Citations sur Le Chuchoteur (412)
" Quelqu'un m'a dit que le mal peut toujours être prouvé. Le bien, jamais. Parce que le mal laisse des traces sur son passage. Tandis que le bien, on ne peut qu'en témoigner."
P.440
Revenu, pour disparaitre à nouveau dans les vastes étendues de l’ombre.
Elle était entrée dans la police avec un but précis et, après l’école, elle s’y était entièrement consacrée. Les criminels ne l’intéressaient pas, la loi encore moins. Ce n’était pas pour ça qu’elle fouillait incessamment chaque recoin ou l’ombre se tapissait, ou l’existence pourrissait en paix.
Goran était d’accord, mais pas pour la même raison que l’inspecteur chef. Comme tous les criminologues qui travaillaient pour la police, il avait ses méthodes. Avant tout, attribuer des traits au criminel, afin d’humaniser une figure encore abstraite et indéfinie. En effet, devant un mal aussi féroce et gratuit, on tend à oublier que l’auteur, tout comme la victime, est une personne, avec une existence souvent normale, un travail et parfois aussi une famille. Pour appuyer sa thèse, le professeur Gavila faisait remarquer à ses étudiants de l’université que, pratiquement toutes les fois où on arrêtait un criminel en série, ses voisins et ses proches tombaient des nues.
– Elisa, dit Mila avec une douceur infinie.
Et elle se reconnut.
Elle avait oublié qui elle était. Les années de captivité lui avaient extirpé son identité, un petit morceau chaque jour. Jusqu’à se convaincre que cet homme était sa famille, parce que le reste du monde l’avait oubliée. Le reste du monde ne la sauverait jamais.
Elisa regarda Mila dans les yeux, avec stupeur. Elle se calma, et se laissa sauver.
Il était derrière elle.
Mila pesta intérieurement, se traitant d’imbécile. Le maître de musique avait bien préparé sa tanière. Le petit portail du jardin qui grinçait et le sol en lino qui gémissait étaient des alarmes pour signaler la présence d’intrus. D’où le faux coup de fil, comme un hameçon pour attirer la proie. Le miroir déformant pour se placer derrière elle sans être vu. Tout cela faisait partie du piège.
Elle sentit le bras de l’homme se tendre jusqu’à elle pour lui prendre son pistolet. Mila se laissa faire.
Elle était entrée dans la police avec un but précis et, après l’école, elle s’y était entièrement consacrée. Les criminels ne l’intéressaient pas, la loi encore moins. Ce n’était pas pour ça qu’elle fouillait incessamment chaque recoin où l’ombre se tapissait, où l’existence pourrissait en paix.
Tous les assassins ont un « dessein », une forme précise qui leur procure de la satisfaction, de l’orgueil. Le plus difficile est de comprendre leur vision. C’est pour cela que Goran était là. C’est pour cela qu’ils l’avaient appelé. Pour qu’il repousse ce mal inexplicable à l’intérieur des notions rassurantes de la science.
Silence. Une fois encore, le criminologue avait saisi un sens symbolique, à la fois petit et important. Ce que les autres n’arrivaient souvent pas à voir ou – comme dans ce cas – à sentir. Les détails, les contours, les nuances. L’ombre autour des choses, l’aura sombre dans laquelle se cache le mal.
Tout avait commencé vingt-cinq jours plus tôt, comme un fait divers de journal de province, avec la disparition d’une élève d’un prestigieux collège pour enfants de riches. Tout le monde avait pensé à une fugue. La protagoniste avait douze ans et se nommait Debby. Ses camarades se souvenaient de l’avoir vue sortir après les cours. Dans le dortoir des filles, on ne s’était aperçu de son absence que pendant l’appel du soir. Ça avait tout l’air d’une de ces histoires auxquelles on consacre un demi-article en troisième page, et dont le dénouement attendu et heureux n’a droit qu’à un entrefilet.
Ensuite, Anneke avait disparu.