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."L'homme ne peut faire autre chose que ce que le ciel avait prévu qu'il ferait. À son dernier souffle, chacun considère sa vie et comprend qu'il devait en être ainsi."
Un prologue qui débute avec un conte qui nous annonce la couleur de la suite. Mircea croit à la fatalité. Pourquoi se tuer à courir après des buts fantômes, alors qu'on peut simplement profiter de ce qui est présent et à porté de main, puisque de toute façon ca ne changera pas grand chose à ce qui adviendra. Une vision mi figue mi raisin de la Vie.

Trois contes suivent, dont le premier est l'histoire d'un petit garçon resté tout seul avec ses trois jouets, son méchant clown Hubert, son petit cheval blanc en toile et son chat en bois bleu. Sa maman est partie faire des courses et n'est jamais plus rentrée. Pourquoi ? Comment le petit garçon s'en sort-il ? le premier aucune idée , aucune importance, le deuxième c'est justement l'histoire. le petit garçon part dans un monde onirique pour échapper à la réalité, bien que le lourd fardeau de la solitude continue à l'oppresser et il n'arrive pas à s'en échapper. Magnifique à lire et à visualiser , on dirait Fantasia de Walt Disney , ou Peter Pan et son "Neverland" à Bucarest,
Le deuxième conte est un conte plus sombre, qui m'a fait penser à Hansel et Gretel. Une frère et une soeur, aux parents fantômes, la nuit rejoignent leur " Neverland" où ils sont attaqués par les renards.....La aussi, ils n'arrivent pas a échapper à la solitude.
Le troisième et le dernier est l'histoire d'un ado solitaire, qui mue...oui, oui, vous avez bien lu 😊, et ses peaux il les conserve dans la penderie des parents, entre les costumes de papa et les robes de maman. Son papa muait aussi , tout ses amis au masculin muent aussi ainsi que leurs pères, et à ce sujet d'ailleurs que la fille rousse qu'il va rencontrer va lui en faire une demande indécente, "Apporte-moi ta dernière peau". Quand aux femmes, mystère , mystère, dans le cadre d'un Bucarest d'antan où on trouvait encore des remailleurs de collants pour dames. Comme les protagonistes des deux premières nouvelles, l'ado est dans l'angoisse métaphysique du présent et du futur, "Sa classe était à l'étage, au coin. Il y passait une bonne partie de sa vie, sans aucun sens, contraint par les règles absurdes de ce monde. Il étudierait, ensuite il travaillerait, des dizaines d'années, dans des lieux inconnus, peuplés d'étrangers, plus absents de sa vie que s'ils étaient faits de nuées. Pourquoi vivait-il ?.......lorsqu'il se regardait dans la glace, il ne voyait personne."
L' auteur ferme la boucle avec un épilogue, ultime cri de désespoir !

Melancolia me rappelle le film du grand cinéaste "Andrei Tarkovski", Nostalgia",
où le titre est palpable à travers les mots et images exquis tout au long du film, pareil dans ce recueil. le rêve et l'imaginaire ne débouchent nulle part, sinon à une solitude encore plus profonde. À travers l'enfance et l'adolescence, l'auteur exploite l'angoisse métaphysique aux coeurs de nos existences. Où qu'on aille, ou qu'on veuille s'échapper, de nuit ou de jour ("Quelle félicité ils avaient vécue chaque nuit, serrés l'un contre l'autre dans leur nid sous la terre, où il y avait de l'amour et de la chaleur, alors que dehors la neige et la nuit tuaient toute créature !"), on finit toujours par échouer sur soi-même, ce personnage qu'on aspire tant à réchauffer, guérir, soulager, lui changer de peau 😊, afin de le rendre heureux toute une vie ! Ce personnage si fragile et qu'on connaît finalement si peu, "Qu'une seule infime ligne, d'une papille gustative ou d'une lamelle de peau translucide du bout des doigts, n'entre pas parfaitement dans la fine glace de son existence et toute son enveloppe volait en éclats."
De la belle Littérature.


"Comment neige le destin ? le destin neige en silence."
"Pour ceux du monde du rêve, le monde réel est la plus invraisemblable des contrées."

Je remercie les Éditions Noir sur Blanc et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#Melancolia#NetGalleyFrance
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Je reviens de loin, de très loin, d'un univers onirique jusqu'à percer la peau du monde comme une croute de laid et aller vers un paradis blanc où l'on oublie le temps comme dans des rêves d'enfant. Et c'est déroutant…
Juste un brin de ritournelle pour se laisser absorber par ces trois nouvelles :
« Les ponts », ou l'effet mère prend tout son sens et ou les peurs naissent d'une absence.
« Les renards », quand la fratrie comme une patrie doit être défendue contre la maladie, quand le renard devient cauchemar.
« Les peaux », quand la vie n'est que solitude, que le monde est transparent jusqu'aux parents et qu'il n'existe plus que ce que l'on voit. Que la métamorphose soit la nouvelle règle du « je ».

Il faut que je sois honnête, j'ai eu du mal à marcher sur les ponts en peaux de truites pour échapper à la frayeur, j'ai âprement lutté contre les renards dans la nuit de la mélancolie éternelle, j'ai habité la détresse d'Ivan sans malgré tout pouvoir me glisser dans ses peaux.

J'avoue avoir perdu mes repères, avoir été englouti par mille émotions, mais je reconnais l'immense talent d'imagination de l'auteur à faire voyager le lecteur dans les entrailles des rêves au-delà du délire. A ce jour je n'avais jamais rien lu d'équivalent. Je dois également louer la qualité de la traduction qui m'a parue d'une magnifique précision dans ces cieux éthérés où le temps se fige autant qu'il s'éparpille en multitudes de fragments.

Par instant, cette lecture est demeurée énigmatique à mes yeux et malgré cela j'ai éprouvé des flashes de bien-être à revivre des images d'enfance enfouies comme on retrouve un peu de soi dans les mots des autres.

Merci encore à Babelio de cet envoi dans le cadre d'une masse critique ainsi qu'un grand merci pour la qualité des ouvrages édités par les éditions Noir sur Blanc.


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Ah la la... Ah la la... Ah la la la la... Je meuble, je meuble, vu que je ne sais pas très bien par où commencer....


Alors voilà : j'ai entendu parler de ce livre je ne sais pas trop comment, mais quand il est sorti, j'étais certaine, ne me demandez pas pour quelles raisons obscures, qu'il était extrêmement intéressant. Pourtant, je n'avais jamais lu l'auteur. Il y a de ces mystères dans la vie, hein... Et quand je suis tombée sur la quatrième de couverture - oui, j'ai conscience de beaucoup trop parler des quatrièmes de couverture -, j'ai senti que ce livre était fait pour moi. Ça m'évoquait tout plein de choses que j'aime, par exemple Solaris, grande métaphore romanesque et mélancolique sur la solitude de l'être humain.


En fait, pas du tout. Non pas que ça ne me corresponde pas du tout, au contraire. le côté ville en ruines, les personnages solitaires, le recours au monde des rêves, les descriptions bizarroïdes du paysage urbain, c'était a priori fait pour me plaire. En fait, j'ai passé mon temps en lisant Melancolia à penser aux textes de fantasy très sombres de Lovecraft, à certains films de David Lynch, à Kafka (ça semble être une grosse référence de ce recueil, pour le coup), et à ceci, et à cela. Oui, mais justement, c'est là que le bât blesse : je n'ai pas cessé d'interrompre ma lecture, non pas pour réfléchir à ce que je lisais, mais pour penser à autre chose, qui m'intéressait davantage.


On se retrouve donc avec trois nouvelles présentées entre un épilogue et un prologue (épilogue et prologue que j'ai trouvés sans grand intérêt), et qui ont pour sujets l'enfance et l'adolescence, la solitude, et, évidemment, la mélancolie. J'en profite pour prévenir le lectorat innocent prêt à se jeter dans l'abîme : si vous êtes déprimé et que vous ne voulez pas sombrer davantage, évitez à tout prix Melancolia. Et si vous êtes sur le point de déprimer, évitez aussi à tout prix Melancolia. Et si jamais vous n'êtes pas déprimé mais que vous êtes, je sais pas moi, hypersensible, évitez aussi Melancolia. En revanche, si vous êtes déjà dans une phase carrément dépressive, ben de toute façon le mal est déjà là, donc peut-être que vous vous sentirez en phase avec les personnages et que ça peut vous convenir.


Il est donc question d'un enfant dont la mère est morte (alors c'est ce que j'ai cru comprendre, mais il semblerait que je sois la seule) et qui se réfugie dans les rêves pour échapper à la solitude, puis, pour se réconforter, dans l'isolement le plus sombre, le plus noir (j'ai compris qu'il se laissait mourir, mais là aussi il semblerait que je sois la seule) ; de deux enfants dont les parents sont comme des ombres, qui vivent dans un monde qui leur est propre, et jouent au jeu des renards jusqu'à ce que la petite fille soit envoyée à l'hôpital et que son frère se retrouve seul. Là, en sus de la solitude et de la mélancolie, il est beaucoup question de la maternité, notamment via le décor de la ville très étrange, mais aussi d'un double du garçon dont je n'ai pas du tout saisi le rôle ; j'ai tendance à voir des métaphores partout, même là où il n'y a pas, ben là j'ai vraiment pas capté à quoi celle du double servait. On commence à s'enfoncer dans un machin énigmatique, voire abscons, voire ésotérique (serait-ce donc un recueil dédié seulement à quelques initiés ?)


Et arrive la troisième nouvelle. Si j'avais cru peiner un chouïa sur les deux premières, là, j'ai carrément souffert le martyre. Et là, j'ai trouvé que Mircea Cărtărescu en faisait carrément des tonnes. Je me dois de préciser que si les deux premières nouvelles font entre trente et quarante pages, celle-ci en comporte environ quatre-vingt-dix. Et c'est beaucoup trop. Beaucoup de répétitions, notamment à propos du questionnement sur le sens de la vie qui, bon, ne va quand même pas bien loin. On a donc là l'histoire d'un adolescent solitaire, dont les parents sont des ombres pour changer, qui lit de la poésie (là, j'ai commencé à trouver qu'on était dans le cliché) et qui rencontre une fille de son âge. Pour évoquer les changements qui marquent la vie des hommes (et pas des femmes, attention), Cărtărescu utilise l'image des peaux : tous les hommes perdent leurs peaux régulièrement au cours de leur vie, et les rangent au fur et à mesure dans un placard ou n'importe où ailleurs. Mais apparemment cette mue ne concerne pas les femmes, et c'est là un grand mystère pour cet adolescent.


Alors comme ça, cette troisième nouvelle a l'air hyper captivante, encore plus que les autres. Mais parce que c'est vraiment très long, que le texte se délite presque à l'infini, qu'on revient toujours aux mêmes images... eh ben j'ai trouvé ça très gonflant. Je n'en pouvais plus de lire cette nouvelle, je n'en voyais pas la fin, j'ai même eu l'impression que jamais au grand jamais je n'en verrais le bout. J'étais harassée, épuisée, crevée, abattue, lasse, exténuée. Pour le coup, ça m'a permis d'entrer en connexion avec le personnage - au prix d'une grande fatigue, vous l'avez compris. J'ai trouvé une bonne partie des métaphores soit lourdingues, soit trop ressassées par l'auteur pour que ça ait une véritable portée. La nouvelle aurait pu être de la même longueur que les deux autres (déjà que je les trouvais un tantinet longuettes), mais non. Je ne sais pas si c'est pour faire plaisir aux lecteurs qui lui sont fidèles, ou parce que simplement Cărtărescu aime tellement écrire de cette façon qu'il a du mal à s'arrêter, ou pour une autre raison encore... mais c'est long, c'est long, c'est long ! Hou la la que c'est long ! J'en suis arrivée à me dire que le texte était complètement écrasé par le style de l'auteur.


Et si je vous ai parlé de mes pauses digressives, que dire du nombre de fois incalculable où je me suis, littéralement, endormie en lisant ces nouvelles (enfin, surtout la dernière, ce qui explique le temps que j'ai mis à terminer le bouquin) ? Pendant et après ma lecture, j'ai eu l'effrayante sensation d'avoir lu et relu les quatre mêmes mots à l'infini : décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie...

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Je rends ma copie en retard, j'espère que je n'aurai pas une trop mauvaise note, mais voilà un livre qui n'est pas facile à lire. J'ai pris mon temps, sinon je ne serais peut-être pas allée jusqu'au bout, et d'ailleurs, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas encore terminé la troisième nouvelle. Ce livre est constitué de trois nouvelles, encadrées de deux contes.

Dans la première nouvelle, Les ponts, la mère d'un petit garçon est partie faire les courses et n'est jamais revenu. Alors, il tente de comprendre pourquoi elle est partie, peut-être est-ce de sa faute. Il n'a que cinq ans et son imagination s'enflamme vite. Pour tenter de comprendre, à force de regarder le ciel il finit par « voir » des ponts vers les nuages, sur lesquels il peut marcher sans danger. Retrouver Maman, mais aussi Papa qui est étrangement absent…

On a une très belle réflexion sur le temps qui passe, la vitesse à laquelle il passe pour un enfant de cet âge : des mois, des années plus moins la tristesse de l'abandon, la mélancolie liée à l'absence, à la solitude, comment exister en dehors de Maman, comment inventer sa vie…

Dans la deuxième : Les renards on fait la connaissance de Marcel et sa petite soeur Isabel, ils jouent ensemble, la nuit ils se rejoignent pour dormir dans le même lit, pour se rassurer. Marcel lui invente des histoires : ils sont deux petits lapins, bien au chaud et en sécurité dans leur lit devenu un terrier. Mais le danger guette : des renards viennent les attaquer pour leur faire du mal, alors Marcel les affronte héroïquement. Une nuit, Isabel est malade, avec une forte fièvre et on doit l'hospitaliser. Marcel se souvient du jour où il est allé voir sa mère après l'accouchement, de la statue représentant une femme enceinte avec deux bébés dont le ventre est ouvert pour représenter simplement la grossesse mais depuis il en fait des cauchemars. Il va affronter ses peurs pour tenter de sauver sa petite soeur.

Dans la troisième, Les peaux, Ivan retrouve dans une valise, les différentes peaux que son père a perdu durant son existence, elles sont moisies, mitées alors il les regarde quand il est seul à la maison. Il commence à avoir des « mues » lui-aussi et se demande si les filles passent aussi par ce genre de transformation.

Mircea Cartarescu nous expose ainsi les différentes phases du passage de la petite enfance à l'adolescence, avec une fascination pour la solitude et la mort. Les parents sont étrangement absents dans ces nouvelles, physiquement ou affectivement. On passe en revue, mine de rien, les rituels de passage et le chagrin qui les accompagne : il faut perdre quelque chose pour grandir.

J'ai aimé la profondeur de sa réflexion, et la poésie des mécanismes que ces enfants mettent en oeuvre : les ponts pour accéder à une autre dimension et pour combler un manque : Maman est-elle vraiment partie ? Ou a-t-il simplement peur de l'absence qui lui paraît interminable ?

Mircea Cartarescu nous montre comment faire face à l'absence, par l'imaginaire, par des combats contre les renards comme les épreuves des chevaliers du temps jadis. Il joue avec dextérité avec la symbolique dans l'imaginaire de l'enfant qui atteint un sommet dans Les peaux avec les mues, et les transformations du corps chez les garçons et chez les filles.

J'aime beaucoup l'univers de cet auteur mais il m'a fallu du temps pour entrer dans chaque nouvelle, car c'est assez hermétique au départ, ensuite, je me suis familiarisée avec son mode de pensée, et la poésie du texte a fini de me convaincre de l'immense talent de l'auteur.

En voici un exemple :

C'était maman en négatif, la matrice de maman, peut être utilisée un jour pour la fabriquer en un seul exemplaire. Il resta énormément de temps dans le corps de maman, l'explorant en long et en large, pénétrant dans les fiers tunnels de ses bras et de ses jambes vides à l'intérieur, s'émerveillant de ses glandes en sucre candi, de ses dents véritables, des quatre cents perles disposées en grappes dans ses ovaires en chocolat.

La seule manière de s'échapper de l'appartement pour le petit garçon de cinq ans, ce sont les ponts car impossible d'accéder à l'extérieur, par l'ascenseur ou les escaliers qui sont remplis de terre, comme dans un cimetière… Ou les hôpitaux qui sont sinistres avec des chambres communes sinistres qui ont fait remonter un souvenir des profondeurs de ma mémoire : les enfants cachectiques dans les orphelinats à la fin de l'ère Ceausescu…

Un bémol quand même : si vous êtes dépressif, il vaut peut-être mieux éviter de le lire par les temps qui courent… Durant cette lecture, j'ai beaucoup pensé à l'atmosphère étrange de Melancholia, le film de Lars van Triers avec mon actrice chouchou Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst, même effet anxiogène avec une tension qui monte graduellement mais tellement troublante que l'on ne peut ni ne veut s'échapper, restant bloqué devant l'écran…

Un immense merci à Babelio et aux éditions Noir sur Blanc qui m'ont permis de découvrir ce livre et surtout l'univers de son auteur.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Deux contes encadrent une suite de trois longues nouvelles dans ce livre étonnant, rempli à ras-bord d'images fortes et même parfois cauchemardesques.
Si les personnages des nouvelles n'ont pas de point commun évident entre eux, on pourrait tout de même dire qu'elles illustrent les frayeurs de l'enfance puis de l'adolescence.

Dans la première, « Les ponts » un jeune garçon abandonné dans un appartement décrépit hante les lieux depuis une éternité. Il attend le retour de sa mère. Il trouvera un chemin vers le dehors.

La seconde, « Les renards » met en scène un garçonnet d'à peu près le même âge et sa jeune soeur de trois ans. Même si les parents sont présents, ils ne sont guère attentifs à l'intense vie intérieure de leurs enfants inséparables, qui vivent de jeux et de rêves. Ils seront confrontés à des forces obscures, qu'ils nomment renards.

Enfin la dernière, « Les peaux » a pour personnage principal un adolescent qui vivra sa première histoire d'amour, dans un monde où les hommes muent de temps en temps, comme des insectes ou des serpents, et gardent leurs peaux, témoignages de leur évolution physique. Les femmes ne semblent pas soumises à la même épreuve. Mais sont-elles quittes pour autant ?

J'ai été sensible aux thèmes communs de ces trois nouvelles, qui sont réunies par des sensations identiques, la mélancolie, bien sûr, mais aussi l'enfermement (l'image d'un insecte pris dans de l'ambre revient) sans oublier la cruauté d'un monde de solitude et de froid.

Je pensais lire assez vite ce livre, mais il m'a fallu tout mon temps pour assimiler cette expérience de lecture à nulle autre pareille. le style, d'une grande clarté, n'est pas en cause. Ces textes sont si denses qu'il faut seulement leur accorder une pleine attention.
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Que dire après toutes les autres critiques déjà publiées, qui bien que toutes différentes ont chacune très bien décrit l'univers de Melancolia ? Il vaut mieux que je commence en expliquant que ce n'est pas du tout le genre de lecture vers laquelle j'irais spontanément. J'ai un peu de mal avec les métaphores en littérature. Pas avec les petites métaphores, mais avec les métaphores qui font l'identité d'un livre. Je ne peux cependant pas accuser l'éditeur français de m'avoir trompé. Il n'y a qu'à jeter un oeil sur le résumé pour comprendre qu'on va avoir affaire à beaucoup de métaphores. Mais après tout, pourquoi pas ? C'est une bonne chose de sortir de ses habitudes. Même si on est déçu.
Cette lecture a été une expérience épuisante, puisque je n'ai pas pu échapper aux métaphores omniprésentes, dont certaines se décryptent, certaines moins et certaines pas du tout. On a avec Melancolia une écriture volontairement hermétique et à mon avis fatigante. Je n'arrive pas à décider si ça relève uniquement du talent littéraire ou si Mircea Cărtărescu fait de l'esbroufe. Ce qui est certain, c'est qu'on est plongé entièrement dans un univers onirique et désolant, même si on essaie d'y résister. le seul moyen d'y échapper est de refermer le livre.
La nouvelles "Les ponts" est terriblement triste. Elle nous parle d'un enfant qui ne trouve comme solution que le repli sur lui-même pour échapper à la tristesse que provoque la disparition de sa mère. La nouvelle "Les renards" est affreusement triste, elle parle de la relation entre deux enfants, un frère et une soeur, et de l'irruption de la maladie. L'utilisation d'un double du petit garçon m'a paru obscure, et les statues étranges qui parsèment la ville m'ont paru idéales pour décrire l'ambiance mais utilisées au fond de façon factice. La nouvelle "Les peaux" est terriblement triste. Elle parle d'un adolescent qui mue au sens strict, qui perd régulièrement sa peau pour qu'une nouvelle peau apparaisse. Il est bien sûr question des transformations de l'adolescence, de solitude, du mystère que sont les femmes et de questions métaphysiques sur le sens de la vie. Cette nouvelle ne m'a pas paru seulement terriblement triste mais aussi terriblement longue. On retrouve le même univers que dans les deux autres nouvelles, mais avec un texte beaucoup plus long et qui a fini par m'ennuyer terriblement.
Une lecture qui provoque un sentiment mitigé chez moi. C'est une expérience nouvelle, un genre d'écriture dont je n'ai pas l'habitude. J'y trouve du bon comme du mauvais. L'univers de Melancolia est enveloppant, mais je l'ai trouvé aussi trop pesant à cause de son style. Est-ce que trop de métaphores tue la métaphore ?
J'ai essayé, ça n'est pas plus mal. Mais je ne suis pas convaincu et si je dois me remettre un jour à un livre en forme de métaphore, j'essaierai de trouver un auteur dont le style me convient mieux.


Et désolé pour le retard, car j'ai bien dépassé la date imposée par Babelio. La lecture et l'écriture de cette critique n'ont pas été faciles !
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Dans une entrevue accordée au magazine le Point en 2019, Mircea Cartarescu explique : « Je n'écris pas pour publier mes livres, mais pour vivre à l'intérieur d'eux. Pour moi, un livre, c'est une créature avec laquelle je vis une idylle, et j'ai envie qu'elle ne finisse jamais. Car un livre est une créature vivante avec un corps et un esprit indépendants du mien ».

Si le lecteur n'est pas prêt à être happé par une création tentaculaire, fantasmagorique et poétique, alors il faut qu'il passe son chemin. Comme dans l'immense roman-monde Solénoïde, les trois nouvelles de Melancolia encadrées par un prologue et un épilogue, exigent un abandon total. Il faut être prêt à danser ou plutôt « être dansé » (p.16).

Ces trois nouvelles évoquent trois âges de l'enfance. Un petit garçon pense que sa mère partie faire des courses ne reviendra pas et il rêve de ponts qui l'emmènent à la découverte d'une ville sinistrée. Deux enfants Marcel et Isabel vivent complices comme « des lapins dans un terrier », avec leurs jeux, leurs jouets et leurs livres, jusqu'à ce que le « renard » (la maladie) emmène la petite soeur. Enfin un adolescent sur le seuil de l'âge adulte contemple toutes les peaux de ses mues successives conservées dans une armoire.

Mircea Cartarescu part de situations banales qui basculent peu à peu dans la dimension du rêve ou du cauchemar. On dirait un labyrinthe à la Piranese. Ou du Kafka à la puissance 10. Ou du Borges. Et puis, non. Rien ne sert de chercher des rapprochements.

Lire Cartarescu, c'est accepter la porosité de l'univers. le réel et le rêve indissociables. C'est aussi rencontrer des personnages solitaires (les parents sont des fantômes dans ces nouvelles) qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour trouver leur « nouvelle peau ».

Ne pas oublier de saluer la traduction sensible et fine de Laure Hinckel.




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Ne vous méprenez pas : ce recueil de nouvelles de Mircea Cărtărescu a la densité et l'épaisseur d'un grand livre. On y retrouve d'ailleurs une grande partie de ses obsessions, autour de personnages d'enfants très tendres, très touchants, qui explorent le monde des adultes qu'ils ne comprennent pas. Les villes délabrées, les insectes, la transformation des corps, la puissance de la poésie, la magie et la solitude sont autant de thèmes qui se croisent et se répondent, d'une histoire à l'autre. Magistral et superbement traduit par Laure Hinckel.
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Je viens de terminer ce livre, et je ne sais qu'en penser.

J'ai été charmée par certains passages, intriguée par d'autres, fortement intéressée, questionnée, mais aussi déroutée.

Peut-être ne suis-je pas assez littéraire pour apprécier tout le talent de cet auteur. C'est bien possible. Ce n'est pas un hasard si j'ai passé un BAC Scientifique.

Cela dit, cette lecture ne m'a pas réellement déplu non plus. Elle a surtout été très exigeante et déstabilisante.
Ces 200 pages m'en ont paru 600.
Mais peut-être est-ce dû à la richesse de cet ouvrage.

Quoi qu'il en soit, je suis heureuse d'avoir découvert l'univers incroyable (et parfois assez délirant je dois dire) de cet auteur roumain.

Je vous laisse décider si vous souhaitez lire ces contes et nouvelles. Je crois que personne ne s'avancera à dire si vous apprécierez ou non.
Je vous invite tout de même à tenter l'expérience. Car oui, c'est une véritable expérience de lecture.
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Dans les nuits immobiles d'une ville tentaculaire, une poignée de personnages veillent. Un enfant de cinq ans, qui se croit abandonné par sa mère ; un frère et une soeur à la relation fusionnelle qui vont devoir affronter leurs pires peurs ; un jeune garçon, enfin, qui va découvrir en tombant amoureux les formes surprenantes que peut prendre la mue de l'adolescence. Ces personnages à l'éveil de leur vie ont en commun une expérience du monde surréelle, qui fait des friches industrielles de Bucarest l'espace de rêves infinis, où prennent chair tous les fantasmes et toutes les angoisses associées à l'enfance et à son crépuscule. Ce monde obscur sera le théâtre de leur initiation aux secrets de la vie d'adulte.

Comme dans Solénoïde, roman-monstre également traduit par Laure Hinckel en 2019, Mircea Cărtărescu déploie au fil des nouvelles de Melancolia une vision désespérée et claustrophobe de la vie humaine, que semble pourtant racheter une expérience de la transcendance qui prend la forme de rituels fantastiques et de cauchemars peuplés de formes organiques. Nouvelle pièce de choix dans l'impressionnant édifice gothique qu'est l'oeuvre de Cărtărescu, Melancolia confirme la singularité et la radicalité de son imaginaire, servi par une langue ciselée qui dit aussi bien le tourment et la déréliction que l'espoir insensé et la soif d'amour de ses personnages.
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