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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une épigraphe est une citation placée en tête d'un écrit, en particulier un livre ou une partie d'un livre, pour en suggérer le contenu ou l'esprit, et donner ainsi une idée des intentions de l'auteur. Celle de l'excellent recueil de nouvelles de Gilles Dienst « le sens de la vie » était signée Raymond Carver. J'ai pu constater la puissance de la force transmise, émergeant de l'oeuvre de Gilles Diens. Il devenait impératif pour moi d'aller voir qui était cet auteur.

Voici tout d'abord cette formidable citation de cet écrivain américain considéré comme le maître de la nouvelle :

« Il y a d'abord cette vision fugace. Ensuite la vision
fugace s'anime, se mue en quelque chose qui va
illuminer l'instant et va, peut-être, laisser une
empreinte indélébile dans l'esprit du lecteur, qui
l'intègrera à son expérience personnelle de la vie, pour
reprendre la belle formule d'Hemingway. Pour de bon.
Et à jamais. C'est là tout l'espoir de l'écrivain. »

Le style, dans Neuf histoires et un poème, est la première chose qui m'a frappé ! Une force rare, dans la concision... Comment l'auteur parvient-il à nous happer dans son histoire aussi vite, aussi totalement ? Certaines histoires sont des chefs-d'oeuvre. Oui, des chefs-d'oeuvre qui ont souvent été adaptés au théâtre, au cinéma... Robert Altman s'est, par exemple, inspiré des récits de ce recueil pour son film Shortcuts, lauréat du Lion d'Or de Venise en 1993.

J'ai trouvé une belle cohérence dans le choix et le traitement des sujets. L'auteur s'intéresse aux gens du peuple, à leurs difficultés d'accès au travail – un travail inintéressant la plupart du temps, des personnages en manque d'argent et de perspectives pour le futur. Il aime mettre en scène un couple ou des couples qui se rencontrent – en crise bien souvent. Autres thèmes communs à ces récits, l'incompréhension et la violence entre hommes et femmes, l'incommunicabilité entre tous et toujours une dose de mystère. Il plonge d'emblée le lecteur dans la situation, découvrant très vite le point de bascule et le glissement vers une suite indécise.

Les hommes sont volages, attirés par l'alcool. La violence n'est jamais loin. Rarement les moeurs de l'Amérique étasunienne n'ont été aussi bien relatées.

Voici une petite présentation de chacune des nouvelles, sans en dévoiler plus qu'il ne faut... Et un astérisque pour celles qui m'ont le plus marqué.

Voisins de palier * : deux couples sont voisins et amis. Enfin amis, c'est vite dit... Un des couples part en vacances. le couple « ami » accepte bien entendu d'aller nourrir le chat, arroser les plantes. Situation banale sauf que la différence de statut social, la jalousie va faire du dégât...

Ils t'ont pas épousée : Earl regarde sa femme différemment depuis qu'il a capté certaines réflexions de clients à la cafétéria où elle est serveuse. Il devient exigeant avec elle, très exigeant et veut la changer...

Les vitamines du bonheur * : le travail est très présent dans ces nouvelles. Ici il consiste à vendre des vitamines. « J'avais un travail et Patti n'en avait pas ». Lui a « un job minable », elle, Patti, doit sonner aux portes des gens pour vendre ses vitamines. Une scène est particulièrement marquante, celle du bar où le narrateur accompagné de Donna, l'amie de Patti, qu'il doit raccompagner chez elle, rencontre Nelson, un gars tout juste rentré du Viêt Nam – en pleine guerre et il est sérieusement perturbé.

« Nelson a levé sa bouteille et a bu une rasade au goulot. Il a revissé le bouchon, posé la bouteille sur la table et mis son chapeau par-dessus. « Vraiment bons amis », il a dit. »

Tais-toi je t'en prie : Ralph raconte comment il a fait avouer à sa femme Marian une infidélité datant de plusieurs années. La précision de l'écriture permet de visualiser les scènes d'une façon incroyable, vraiment impressionnante. L'errance de Ralph suit la révélation, pourtant il a promis de ne pas se fâcher. Les mains, les yeux sont au centre de l'écriture dans cette nouvelle.

Toute cette eau si près de la maison * : Claire raconte ce qui est arrivé à son mari lors d'une partie de pêche avec des copains. Un cadavre découvert dans le lac... Angoisse de la femme, rejet de toute culpabilité de l'homme dans une affaire qui ne semble pas le concerner vraiment.

Une petite douceur * : un enfant victime d'un chauffard. Un gâteau d'anniversaire commandé et jamais récupéré. S'il y avait un seul récit à lire sur la peine de la disparition d'un être cher ce serait celui-là. le talent de Raymond Carver à peindre la condition humaine éclate ici en plus d'un art du récit court tout à fait stupéfiant. Une de mes nouvelles préférées de ce recueil qui risque bien de me laisser une empreint indélébile, me marquer à jamais.

Jerry et Molly et Sam : recevoir un chien en cadeau peut perturber l'équilibre d'une famille, surtout si cet équilibre est précaire au départ. Al, qui craint de perdre son travail, en voit sa vie bouleversée. Déjà que tout va mal... Pourquoi ne pas se débarrasser du chien à l'insu de sa femme et des enfants ?

L'aspiration : une autre histoire avec de la vente à domicile. Un mystérieux représentant en aspirateur fait irruption dans la vie d'un homme sans travail. Une nouvelle décalée et délicieusement absurde.

Je dis aux femmes qu'on va faire un tour : Bill et Jerry sont des amis de longue date et le reste quand ils ont une vie de couple avec maison, enfants... Mais un jour Jerry emmène Bill faire un tour, croisant sur la route deux filles à vélos...

Citronnade : Raymond Carver a aussi écrit de la poésie. le texte présenté ici s'apparente plus à une courte nouvelle, selon moi...

Il y a du génie dans l'écriture de ces nouvelles. Raymond Carver y a aussi mis beaucoup de lui-même, on peut y lire une partie de ce qu'a été sa courte vie – il disparaissait en 1988 à l'âge de cinquante ans.

Les vitamines du bonheur est le titre d'un autre recueil célèbre et, vraiment, j'en reprendrais bien quelques doses. Pas vous ?
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Le style dépouillé de Carver renforce son propos.
Des gens simples, bien comme il faut, avec « l'encéphalo qu'il faut » dirait Bashung, pètent les plombs, se vengent sur autrui de l'aliénation qu'ils subissent chaque jour, trouvent dans l'oppression la solution pour échapper à la veulerie dans laquelle ils se vautrent chaque jour.
Un homme force son épouse vieillissante à suivre un régime en la harcelant au comptoir du bar où elle est serveuse, prenant à témoin d'autres clients.
Un père de famille décide d'abandonner le chien de ses enfants pour réduire les dépenses de la famille alors que lui-même s'autorise une double vie avec une autre femme.
Jaloux de la réussite de leurs voisins, un couple accepte d'arroser leurs plantes et de nourrir le chien lorsqu'ils sont en vacances et s'envoient en l'air en vivant chez eux.
Un homme alcoolique a retrouvé son équilibre auprès d'une femme qu'il aime, mais la harcèle pour qu'elle raconte comment, un soir de beuverie du passé, elle l'a trompé avec un ami. Poussée à bout, elle avoue. Il replonge.
Dévastés par la mort de leur enfant tué dans un accident de la route, le jour de son anniversaire, un couple trouve chez le pâtissier auprès duquel ils avaient commandé un gâteau, l'empathie et le réconfort qu'ils n'ont pas trouvé ailleurs.
Des histoires courtes, sans esbroufe, qui mettent l'humanité à nu et nous interpelle.
Pour apporter ma contribution au débat Altman, Short Cuts et Carver, 9 histoires, je dirai que le film Short Cuts n'a rien à voir avec les nouvelles de Carver.
En voulant faire plus fort que Carver, Altman en rajoute, les célébrités choisies pour incarner les personnages sur jouent (Tom Waits, Andie Mac Dowell, Jack Lemon ne convainquent pas). de plus l'idée géniale de créer un lien entre les personnages est hors sujet et n'apporte rien au propos de Carver.
Carver est un auteur de la solitude. Ses personnages sont face à eux même. Ils voient l‘autre comme une réplique de leur personnalité. Leur dérive vient du fait qu'ils imaginent le monde à leur image.
Lisons Carver sans penser à Altman. Et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Lien : https://camalonga.wordpress...
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Ce recueil de nouvelles au titre sans prétention est à l'origine du film Short Cuts, de Robert Altman. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais dans ce très beau film, plusieurs histoires s'entremêlaient, dont deux plus tragiques que les autres. Quelques potes pêcheurs décidaient de ne pas ramener le cadavre noyée d'une femme pour ne pas gâcher leur weekend de pêche, et un enfant se faisait renverser par une voiture le jour de son anniversaire.

Ici, les nouvelles se suivent et sont totalement indépendantes. On pourrait les nommer "histoires de vie". Dans chacune, le quotidien est subtilement déséquilibré par un fait parfois minime. Ce déséquilibre est tout aussi physique que psychique, la folie n'est jamais loin, et le récit est entièrement tendu vers deux dénouements possibles. de quel côté le personnage va-t-il basculer? Va-t-il s'élancer vers l'inconnu ou revenir lentement comme une boule de flipper à sa situation d'origine, plus confortable?

Ces neuf nouvelles sont toutes aussi imprévisibles les unes que les autres et nous emmènent à chaque fois au coeur d'une intimité dérangeante et terriblement humaine. du grand art.
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Un petit bijou. 'Tais-toi je t'en prie tais-toi' m'ayant le plus touché
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