Citations sur Poesie (50)
Sur une vieille photographie de mon fils
... Je me retrouve mâchoires crispées, à grincer des
dents, et
une fois de plus envahi par le désespoir et la
colère.
Disons-le franchement, j'ai envie de boire un coup.
C'est une mesure de ta force et de ton pouvoir,
cette peur
et cette confusion que tu inspires encore. Telle
était ta puissance autrefois. Dis donc, je déteste
cette photographie. Je déteste ce qu'il est advenu
de nous tous.
Je ne veux plus de cette chose chez moi une
minute de plus ! ...
Compagnie
Ce matin je me suis éveillé au son de la pluie
sur la vitre. J'ai compris
que depuis longtemps déjà
j'ai choisi le vice quand
j'avais le choix. Ou alors,
simplement, la facilité toute bête.
Plutôt que la vertu. Ou la difficulté.
Cette façon de pensée survient
lorsque j'ai été seul des jours durant.
Comme en ce moment. A passer des heures
dans l'abrutissement de ma propre compagnie.
Des heures et des heures
fort semblables à une petite chambre.
Avec un bout de carpette pour tout chemin.
Le portefeuille de papa
... Papa, tout de même. Il ne tenait pas en place
même dans la mort. Même dans la mort
il lui restait ce dernier voyage à faire.
Toute sa vie il avait aimé l'errance,
et voilà qu'il lui restait encore un endroit où se rendre...
Mouvement
Je fonce pour attraper le ferry et ric et rac !
Snow Creek et puis Dog Creek
filent dans la lumière des phares
Mais ce n’est pas du tout l’heure – pas le moment de songer
aux truites de mer là-bas.
Abrité du vent par les montagnes
un truc à la radio sur une vieille
qui se trimballe dans une bouilloire.
L’indigence est à la racine de nos vies, oui,
Mais il y a quelque chose qui cloche.
Lâchez-la un peu, cette vieille,
Nom de Dieu.
C’est la mère de quelqu’un.
Toi là-bas ! Il est tard. Imagine-toi
Sous le couvercle qui se referme.
Les hymnes et les requiems. L’impression de mouvement
Tandis que tu es emporté jusqu’à l’étape suivante.
Dans une église orthodoxe grecque près de Daphné
Le Christ boude au-dessus de nos têtes
tandis que tu commences ci, puis ça.
Ta voix
traverse ces salles vides portée par leur silence.
Chancelant de désir, je te suis
à l'extérieur où nous nous émerveillons devant
des murs en ruine. Le vent
se lève à la rencontre du soir.
Vent, tu t'es trop fait attendre.
Vent, viens que je te touche.
Soir, tu as été attendu tout le jour.
Soir, enserre-nous et recouvre-nous.
Et le soir descend enfin.
Et le vent court aux quatre coins du corps.
Et les murs ont disparu.
Et le Christ boude au-dessus de nos têtes.
les jours semblaient passer seulement pour revenir / encore. Comme lorsqu'en rêve on pense, / J'ai déjà fait ce rêve-là. // Rien, de ce qui se produit, ne demeurera. / Avec son couteau il pela / une pomme. La pulpe blanche, corps / de la pomme, s'assombrit / et vira au brun, puis au noir, / sous ses yeux. Le visage exténué de la mort ! / La vitesse foudroyante du passé.
J’aime les rivières et la musique qu’elles font.
Et les ruisseaux, dans les clairières et les prairies, avant
qu’ils aient pu devenir des rivières.
Peut-être même que je les aime plus que tout
parce qu’ils sont secrets. J’oubliais presque
de dire un mot de leur naissance !
Est-il chose plus merveilleuse qu’une source ?
Mais les gros cours d’eau sont aussi dans mon cœur.
Et les lieux où ils se jettent dans les fleuves.
L’embouchure des fleuves où ils vont à la mer.
Ces lieux où l’eau s’unit
avec l’eau. Ces lieux se distinguent
dans mon esprit comme des lieux sacrés.
Mais ces fleuves côtiers !
Je les aime comme certains aiment les chevaux
ou les jolies femmes. J’ai le béguin
de cette eau froide et vive.
Rien qu’à la regarder mon sang bouillonne
et ma peau fourmille. Je resterais assis
à contempler ces fleuves pendant des heures.
Pas un qui ressemble à l’autre.
J’ai 45 ans aujourd’hui.
Qui me croirait si je disais que
j’en ai eu 35 autrefois ?
Mon cœur vide et tari à 35 ans !
Il a fallu cinq années
pour qu’il se remette à couler.
Je prendrai tout le temps qu’il me plaira cet après-midi
avant de quitter ma place au bord de ce fleuve.
Je suis content d’aimer les fleuves.
De les aimer tout du long en remontant
jusqu’à leur source.
D’aimer tout ce qui m’accroît.
Les nuits sont très obscures par ici.
Mais si la lune est pleine, nous le savons.
On se sent comme ci,
et une minute après comme ça.
Simple
Une déchirure dans les nuages. Le bleu
du contour des montagnes.
Jaune foncé des champs.
Noir de la rivière. Qu’est-ce que je fais ici,
seul et plein de remords ?
Je continue distraitement de manger le bol
de framboises. Si j’étais mort,
penses-y me dis-je, je ne serais pas
en train de les manger. Ce n’est pas si simple.
C’est tout simple.
/traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
Dernier fragment
Et as-tu reçu ce que
tu voulais de cette vie, malgré cela ?
Oui.
Et que voulais-tu ?
Me dire bien-aimé, me sentir
bien-aimé sur la Terre.
/traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso