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Citations sur Poesie (50)

PLUIE


Réveillé ce matin avec

une envie terrible de rester au lit toute la journée

et de lire. M’y suis opposé quelques minutes.



Ai regardé la pluie à travers la fenêtre.

Et lâché prise. Me mettant entièrement

à l’abri de ce matin pluvieux.



Serais-je prêt à revivre ma vie ?

Avec les mêmes erreurs impardonnables ?

Oui, si c’était seulement possible. Oui.
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TOUTE SA VIE

Je m'allonge pour la sieste. Mais dès que je ferme les yeux,
des nuages blancs effilochés passent lentement au-dessus du Détroit
en direction du Canada. Et les vagues. Elles roulent sur la plage
et puis refluent. Tu sais que je ne rêve pas.
Mais la nuit dernière j'ai rêvé que nous assistions
à des obsèques en mer. Au début j'étais étonné.
Et puis plein de regrets. Mais toi
tu m'as touché le bras en disant, "Non, tout va bien.
Elle était très vieille, et toute sa vie elle a été aimée de lui."
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Dormir


Il a dormi sur ses mains.
Sur un rocher.
Sur ses pieds.
Sur les pieds de quelqu’un d’autre.
Il a dormi dans des cars, des trains, des avions.
Dormi pendant le service.
Dormi au bord de la route.
Dormi sur un sac de pommes.
Il a dormi dans des toilettes publiques.
Dans un grenier à foin.
Au Super Dôme.
Dormi dans une Jaguar, et à l’arrière d’un pick-up.
Dormi dans des théâtres.
En prison.
Sur des bateaux.
Il a dormi dans des refuges en rondins et, une fois,
  dans un château.
Dormi sous la pluie.
Sous un soleil brûlant il a dormi.
À cheval.
Il a dormi dans des fauteuils, des églises, des hôtels de luxe.
Il a dormi sous le toit d’inconnus tout au long de sa vie.
À présent il dort sous la terre.
Dort encore et sans fin.
Comme un vieux roi.


/Traduction: Jacqueline H. jeem-Pierry Carasso et Emmanuel Moses
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Mon corbeau


Un corbeau est venu se poser dans l’arbre devant ma fenêtre.
Ce n’était pas le corbeau de Ted Hughes, ni le corbeau de Galway.
Ni celui de Frost, celui de Pasternak, ni le corbeau de Lorca.
Ni l’un des corbeaux d’Homère, gorgés de tripaille,
après le combat. Ce n’était qu’un corbeau.
Qui jamais ne s’était intégré nulle part de toute sa vie,
ni n’avait rien fait qui vaille d’être mentionné.
Il resta perché là sur la branche pendant quelques minutes.
Puis prit son essor pour s’envoler magnifiquement
hors de ma vie.


/Traduction: Jacqueline H. jeem-Pierry Carasso et Emmanuel Moses
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La vitesse foudroyante du passé
LA TÉLÉ DE JEAN


Ma vie s’écoule sans heurt
ces temps-ci. Mais qui pourrait-dire
que jamais plus elle ne tanguera ?
Ce matin je me suis rappelé
une petite amie que j’ai eue juste après que
mon mariage a été rompu.
Une gentille fille nommée Jean.
Au début, elle n’avait pas idée
de l’ampleur du désastre. Cela prit
un moment. Mais elle m’aimait
tout plein malgré tout, disait-elle.

Et je sais que c’est vrai.
Elle m’hébergeait chez elle
où je menais
les petites affaires de mon existence
en me servant de son téléphone. Elle achetait
mon alcool, mais me disait
que je n’étais pas un ivrogne
comme les autres pochetrons le prétendaient.
Elle faisait des chèques pour moi
et les laissait sur son oreiller
quand elle partait au travail.
M’offrit une veste Pendleton
pour Noël, une veste que je mets encore.

Pour ma part, je lui appris à boire.
Et à s’endormir
tout habillée.
À se réveiller
en sanglots au milieu de la nuit.
Quand je partis, elle régla deux mois de loyer
pour moi. Et me donna
sa télé noir et blanc.

On se parla une fois au téléphone,
des mois plus tard. Elle était soûle.
Et, bien sûr, je l’étais aussi.
La dernière chose qu’elle me dit fut,
Est-ce que je reverrai ma télé un jour ?
Je fis des yeux le tour de la pièce
comme si la télé pouvait soudain
apparaître à sa place
sur la chaise de la cuisine. Ou encore
sortir d’un placard
pour se dénoncer. Mais cette télé
avait disparu dans ma débâcle
depuis des semaines. La télé que Jean m’avait donnée.

Je ne lui dis pas ça.
Je mentis, évidemment. Bientôt, dis-je,
très bientôt.
Et raccrochai le téléphone
après, ou avant, elle.
Mais ces paroles ensommeillées
une fois dites me firent sentir
que j’étais arrivé au bout d’une histoire.
Et qu’à présent, cet ultime mensonge
derrière moi,
                              je serais tranquille.

p.178-179
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Par la fenêtre je la vois penchée sur les roses

qu'elle saisit près de la fleur de manière à ne pas

se piquer les doigts. De l'autre main elle coupe, s'interrompt et

coupe, plus seule en ce monde

que je n'en ai eu conscience. Elle ne va pas

lever les yeux, pas maintenant. Elle est seule

avec les roses et avec autre chose que je peux penser, mais pas

dire. Je connais le nom de ces rosiers



offerts lors de notre récent mariage : Love, Honor, Cherish –

ce dernier étant le nom de la rose qu'elle me tend soudain, étant

rentrée à la maison entre deux de mes regards. J'y appuie

mon nez, aspire la douce senteur, la laisse s'attarder –

parfum de promesse, de trésor. Ma main sur son poignet pour l'attirer

tout près,

ses yeux verts comme la mousse des rivières. Je le dis alors, contre

ce qui vient : épouse, tant que je peux, tant que mon souffle, dans

la hâte

de chaque pétale peut encore la trouver.
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J'aime les rivières et la musique qu'elles font.
Et les ruisseaux, dans les clairières et les prairies, avant
qu'ils aient pu devenir des rivières.
Peut-être même que je les aime plus que tout
parce qu'ils sont secrets. J'oubliais presque
de dire un mot de leur naissance !
Est-il chose plus merveilleuse qu'une source ?
Mais les gros cours d'eau sont aussi dans mon coeur.
Et les lieux où ils se jettent dans les fleuves.
L'embouchure des fleuves où ils vont à la mer.
Ces lieux où l'eau s'unit
avec l'eau. Ces lieux se distinguent
dans mon esprit comme des lieux sacrés.
Mais ces fleuves côtiers !
Je les aime comme certains aiment les chevaux
ou les jolies femmes. J'ai le béguin
de cette eau froide et vive.
Rien qu'à la regarder mon sang bouillonne
et ma peau fourmille. Je resterais assis
à contempler ces fleuves pendant des heures.
Pas un qui ressemble à l'autre.
J'ai 45 ans aujourd'hui.
Qui me croirait si je disais que
j'en ai eu 35 autrefois ?
Mon coeur vide et tari à 35 ans !
Il a fallu cinq années
pour qu'il se remette à couler.
Je prendrai tout le temps qu'il me plaira cet après-midi
avant de quitter ma place au bord de ce fleuve.
Je suis content d'aimer les fleuves.
De les aimer tout du long en remontant
jusqu'à leur source.
D'aimer tout ce qui m'accroît.
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La vitesse foudroyante du passé
CE MATIN


Ce matin, c'était quelque chose. Un peu de neige
sur le sol. Le soleil flottant dans un clair
ciel bleu. La mer était bleue et bleu-vert,
à perte de vue.
À peine une ride. Le calme. Je me suis habillé pour aller
me promener – résolu à ne pas rentrer
avant d’avoir engrangé ce que la nature avait à offrir.
J’ai suis passé devant de vieux arbres penchés.
J'ai traversé un champ caillouteux
semé de congères. Ai poursuivi
jusqu’à la falaise.
D'où j’ai contemplé la mer, et le ciel, et
les mouettes virant au-dessus de la plage blanche
loin en contrebas. Tout était ravissant. Tout baignait dans une froide
et pure lumière. Mais, comme d'habitude, mes pensées
se sont mises à vagabonder. J'ai dû me contraindre
à voir ce que je voyais
et rien d’autre. J'ai dû me dire voilà
ce qui compte, pas le reste. (Et je l’ai bel et bien vu
l'espace d'une minute ou deux !) Une minute ou deux
cela n'a pas laissé place aux rêvasseries habituelles sur
ce qui est bien, et ce qui est mal – le devoir,
les tendres souvenirs, la pensée de la mort, comment je devais traiter
avec mon ex-femme. Toutes les choses
dont j’espérais être débarrassé ce matin.
Les trucs avec lesquels je vis tous les jours. Ce que
J'ai dû piétiner pour rester en vie.
Mais une minutes ou deux j'avais réussi à oublier
moi-même et tout le reste. Je le sais.
Car en rebroussant chemin je n'ai plus su
où j’étais. Jusqu’à ce que des oiseaux s'envolent
des arbres noueux. Et filent
dans la direction qu'il me fallait prendre.

p.157-158
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Dimanche soir

Sers-toi des choses qui t’entourent.
Cette petite pluie
De l’autre côté du carreau, et d’une.
Cette cigarette entre mes doigts,
Ces pieds sur le divan.
Ce faible écho de rock and roll,
La Ferrari rouge dans ma tête.
La femme soûle qui titube
Et se cogne ça et là dans la cuisine…
Mets-y tout ça,
Sers-t’en.

(p.427)
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On sort simplement et on ferme la porte
sans réfléchir. Et quand on regarde
ce qu'on a fait
il est trop tard. Si ça a l'air
de résumer une vie, je veux bien.
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