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Citations sur Poesie (50)

Les nus de Bonnard

Son épouse. Quarante années durant il la peignit.

La peignit encore et la repeignit. Le nu de la dernière toile,

le même jeune nu que celui de la première. Son épouse.

Telle qu'il se la rappelait jeune. Telle qu'elle était, jeune.

Son épouse au bain. À sa coiffeuse

devant le miroir. Dévêtue.

Son épouse, les mains sous les seins

regardant le jardin par la fenêtre.

Le soleil prodiguant chaleur et couleur.

Tout ce qui vit s'épanouit là.

Elle jeune et frémissante et tellement désirable.

Quand elle mourut, il peignit encore un peu.

Quelques paysages. Puis mourut.

Et on le coucha près d'elle.

Sa jeune épouse.
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FEMME AU BAIN


La Naches. Juste en dessous des chutes.
À trente kilomètres de la première ville. Une journée
dense de lumière et
lourde d'odeurs d'amour.
Combien de temps ?
Déjà ton corps, acuité d'un Picasso,
commence à sécher dans l'air de ces hauteurs,
Je frotte ton dos, tes hanches,
avec mon tricot de corps.
Le temps est un puma.
Nous rions d'un rien,
et quand je te caresse les seins
même les écureuils-
     tamias
sont abasourdis.

p.305
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Jusqu'à la cascade VI
CE QU’A DIT LE DOCTEUR


Il a dit ça ne se présente pas bien
il a dit ça se présente mal en fait vraiment mal
il a dit j’en ai compté trente-deux sur un poumon avant
d’arrêter de les compter
j’ai dit je suis content je n’aurais pas eu envie de savoir
qu’il y en a encore plus que ça
il a dit est-ce que vous êtes religieux est-ce que vous vous agenouillez
dans les forêts pour vous laisser aller à demander de l’aide
quand vous arrivez près d’une chute d’eau
la brume soufflant sur votre visage et vos bras
vous arrêtez-vous pour demander de comprendre à ces moments-là
j’ai dit pas encore mais j’ai l’intention de commencer aujourd’hui
il a dit je suis vraiment désolé il a dit
il a dit je voudrais avoir un autre genre de nouvelles à vous apprendre
j’ai dit Amen et il a dit encore quelques mots
que je n’ai pas saisis et ne sachant quoi faire d’autre
et n’ayant pas envie qu’il ait à les répéter
ni moi à les digérer entièrement
je l’ai seulement regardé
pendant une minute et il a soutenu mon regard c’est alors que
levé d’un bond j’ai serré la main de cet homme qui venait de me donner
ce que nul autre sur Terre ne m’avait jamais donné
peut-être même que je l’ai remercié l’habitude étant si forte.

p.404
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Jusqu'à la cascade IV
MÉFIANCE


Essayant d'écrire un poème alors qu'il fait encore noir dehors,
il a la sensation incontestable d'être observé.
Posant la plume il regarde autour de lui. Au bout d'une minute,
il se lève pour parcourir les pièces de sa maison.
Il vérifie les placards. Rien, bien sûr.
N'empêche, il ne veut courir aucun risque.
Il éteint les lampes et s'assied dans le noir.
Fumant sa pipe jusqu'à ce que la sensation se soit dissipée
et que dehors monte la lumière. Il regarde
la feuille blanche devant lui. Puis se lève
pour faire encore une fois le tour de la maison.
Le bruit de sa respiration l'accompagne.
Autrement rien. Évidemment.
Rien.

p.350
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FAINÉANTISE


J’ai regardé dans la chambre voilà quelques instants
et voici ce que j’ai vu −
mon fauteuil à sa place, près de la fenêtre,
le livre ouvert retourné sur la table.
Et sur le rebord e la fenêtre, la cigarette
qui fume abandonnée dans le cendrier.
Tire au cul ! m'invectivait mon oncle
voilà si longtemps. Il avait raison.
J’ai réservé du temps, aujourd’hui,
comme chaque jour,
pour ne rien faire du tout.

p.253

traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
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LA VITESSE FOUDROYANTE DU PASSÉ
   Le cadavre est fauteur d’angoisse chez ceux qui croient
   au Jugement dernier et chez ceux qui n’y croient pas.
   ― André Malraux


Il enterra sa femme qui était morte dans
les douleurs. Dans les douleurs, il
se réfugia sur sa véranda, d'où il regarda
le soleil se coucher et la lune se lever.
Les jours semblaient passer seulement pour revenir
encore. Comme lorsqu'on rêve on pense,
J’ai déjà fait ce rêve là.

Rien, de ce qui se produit, ne demeurera.
Avec son couteau il pela
une pomme. La pulpe blanche, corps
de la pomme, s’assombrit
et vira au brun, puis au noir,
sous ses yeux. Le visage exténué de la mort !
La vitesse foudroyante du passé.

p.223

traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
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La montre de Kafka (Kafka’s Watch, 1986)


J’ai un boulot pour un petit salaire de 80 couronnes, et
huit à neuf heures infinies de travail par jour.
Je dévore le temps hors du bureau comme une bête sauvage.
J’aimerais pouvoir être assis sur une chaise dans un autre
pays, et regarder par la fenêtre des champs de canne à sucre
ou des cimetières mahométans.
Je ne me plains pas tant du travail que de
la torpeur du temps marécageux. Les heures de bureau
ne peuvent pas se fractionner! Je sens le poids
de la totalité de ces huit ou neuf heures même dans la dernière
demi-heure de la journée. C’est comme voyager en train
jour et nuit. A la fin on est complètement
écrasé. On ne pense plus du tout à l’effort
de la locomotive, ni aux collines ni
à la plaine mais on attribue tout ce qui arrive
à sa seule montre. La montre que l’on tient continuellement
dans la paume de sa main. Que l’on secoue. Et porte lentement
à son oreille avec incrédulité.

***
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Ce mot amour

Je n'irai pas quand elle appellera
même si elle me dit et
surtout si elle dit,
Je t'aime,
même si elle jure
et ne promet rien
que l'amour l'amour.

La lumière dans cette chambre
couvre toute
chose également ;
même mon bras ne projette pas d'ombre,
lui aussi est consumé de lumière.

Mais ce mot amour -
ce mot devient sombre, deveint
lourd et s'ébroue, se met
à ronger, en frissonnant et se convulsant
un chemin à travers ma feuille
jusqu'à ce que nous aussi nous estompions dans
sa gorge transparente sans cesser
d'être fendus, luisants, hanche et cuisse, tes
cheveux défaits qui ne connaissent
nulle hésitation.
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ce matin je me suis éveillé au son de la pluie / sur la vitre. J'ai compris / que depuis longtemps déjà / j'ai choisi le vice quand / j'avais le choix. Ou alors, / simplement, la facilité toute bête. / Plutôt que la vertu. Ou la difficulté. / Cette façon de penser survient / lorsque j'ai été seul des jours durant. / Comme en ce moment. À passer des heures / dans l'abrutissement de ma propre compagnie. / Des heures et des heures / fort semblables à une petite chambre. / Avec un bout de carpette pour tout chemin.
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Le bonheur,

... Le ciel s'éclaire peu à peu,
pourtant la lune est encore là, pâle au-dessus de l'eau.
Une telle beauté que l'espace d'une minute
la mort et l'ambition, et même l'amour,
en sont exclus.
Le bonheur. Il vient
à l'improviste. Et va bien au-delà, en réalité,
de tout ce qu'on peut raconter sur lui le matin.
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