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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'entre dans ce livre sur la pointe des pieds et je suis happée par la montée en puissance du texte, me laissant emporter puis subjuguée par la fin et jusqu'à la dernière ligne.
Il se fomente un coup d'état qui se propage dans l'hémicycle du congrès Espagnol ce 23 février 1981.
"Tout le monde à terre !" ; "A terre !" ; "Ne bougez pas !" ; crient les gardes civils.
Les balles fusent et pourtant trois hommes restent debout. Ils se dressent pour désobéir à l'injonction des militaires qui leur est intimée tandis que disparaissent sous leurs sièges les quelques 400 députés. Qui sont ces trois hommes ? de quelle éthique relève ce geste de résistance ? Existe-t-il une suprématie de l'éthique en politique ? le numéro un se nomme Adolfo Suárez, phalangiste, franquiste, puis assurant la Transition démocratique, le deuxième, c'est le général Gutiérrez Mellado, franquiste, ancien putschiste de 1936 et enfin le troisième, Santiago Carrillo le secrétaire général du parti communiste. Ce sont des héros. Ils sont prêts à mourir pour l'honneur et à force de conviction, ils n'ont plus rien à perdre. Mais n'ayons crainte, si c'est l'Anatomie d'un instant, chaque homme nous sera présenté ainsi que son parcours, militaire, politique, de vie, dans la plus grande lucidité mais surtout dans une recherche de vérité. La progression du récit est irréprochable et l'auteur veille à notre accessibilité quant à la compréhension du récit, des hommes et pour la concordance des événements. L'écriture est belle et forte puisqu'elle met en présence ces trois hommes en particulier qui sont à la fois si différents et si proches, quand bien même ils auront traversé l'histoire de façon tout à fait opposée et c'est finalement cette multitude de portraits qui crée la richesse de ce livre en lui donnant une portée et une lecture universelle.
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Nom de code 23-F, aujourd'hui il suffit de le googliser pour atterrir sur youtube et y voir comment a été restituée en différé aux espagnols l'irruption filmée du commando putschiste, lors de ce fameux coup d'état du 23 février 1981 au Congrès madrilène. C'est ce film, plus précisément le geste du président Suarez, qui fournira le point d'entrée des investigations de l'auteur, soucieux de nous préciser en prologue ses hésitations à aborder le monstre hybride de la bonne façon. Dans un premier temps il l'a romancé, avant d'y renoncer : «... en fait, rien de ce que j'aurais pu imaginer sur le 23 février ne me touchait ni ne m'exaltait autant et ne pouvait se montrer plus complexe et plus éloquent que la réalité pure du 23 février». Alors il s'est plongé dans le labyrinthe de la vérité historique. Rien de plus qu'une habitude, pour ne pas dire une obsession chez Javier Cercas. Ici encore son récit développe le ton singulier du romancier historien soucieux de démêler l'imbroglio des fils relationnels entre les différents protagonistes, de plonger aussi dans leur passé, d'analyser l'écheveau sans fin des faits, des paroles et des gestes, mais aussi de dérouler la pelote de l'imagination quand la vérité se défile. Car tout n'est pas figé, tout n'est pas avoué, tout n'est pas révélé. Le passé n'existe pas on le sait, ça n'est qu'une représentation au présent de choses révolues. Quant au présent, il avance inéluctablement.
Et autant prévenir le lecteur, démêler l'histoire du 23-F est une entreprise ardue, j'imagine même pas le travail de l'auteur au vu des efforts de concentration qu'il m'a fallu pour simplement le lire. On s'y perd forcément un peu entre les différentes parties, communistes et fachistes, socialistes et royalistes, militaires, renseignements généraux, coup d'état et contre-coup d'état, trahisons, collusions ou ententes improbables. On est en pleine Transition démocratique post-franquiste, Adolfo Suarez ne fait plus vraiment l'affaire après son démantèlement express du système franquiste, le coup d'état est imminent, il gronde en sourdine, il semble inéluctable dans ce pays à la tradition putschiste. Et il aura lieu, la démission surprise de Suarez précipite les choses du côté des militaires restés pour la plupart fidèles aux idéaux franquistes. Un coup d'état qui se voulait mou pour mettre en place un gouvernement de coalition avec un militaire à sa tête, mais le crépitement sec des balles dans l'hémicycle annonce encore l'écho du dérapage et son avortement à venir par l'entremise royale.
Une enquête difficile à démêler, une vérité difficile à figer, pour un livre au travail de fourmi difficile à restituer. J'aurais pu entrer dans un résumé des personnages et vous parler du lieutenant-colonel Tejero, d'Armada ou de Milans les conspirateurs principaux du putsch, du général Mellado, de Carillo le communiste et de Suarez les traîtres du gouvernement de Transition, du rôle ambigu de Cortina des services de renseignements de l'AOME, pour forcément en oublier et me perdre dans la confusion de l'incomplet. Peut-être que l'anatomie d'un instant ne se plie tout simplement pas aux règles convenues d'un compte-rendu, peut-être que l'histoire sous l'angle du vrai est trop complexe à démêler et résumer, mais peut-être suffit-il de dire que la passion folle de l'auteur envers la vérité a de grandes chances de déteindre sur le lecteur. Pour peu qu'il ait l'envie, ou le courage de s'y plonger.
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Décortiquer le moment clé de la transition démocratique en Espagne, en une oeuvre littéraire éblouissante.

Le 23 février 1981, alors que les parlementaires espagnols doivent entériner le choix du successeur d'Adolfo Suárez à la présidence du gouvernement, des putschistes font irruption dans le bâtiment du Congrès, emmenés par le lieutenant-colonel Antonio Tejero, sous l'oeil des caméras de télévision qui filment cette tentative de coup d'état.
Des coups de feu sont tirés dans l'hémicycle, les parlementaires s'aplatissent sous leurs sièges et à terre, à l'exception de trois hommes : Adolfo Suárez, président du gouvernement démissionnaire fin janvier, et artisan du démontage du franquisme et de la transition de l'Espagne vers la démocratie depuis 1976, reste assis sur son siège. le général Gutiérrez Mellado, vice-président du gouvernement en fonction, se tient debout, défiant les gardes civils qui criblent de balles l'hémicycle du Congrès. le troisième homme, Santiago Carrillo, secrétaire général du Parti Communiste, reste lui aussi assis en haut de l'hémicycle et fume, impassible.

«Aucun personnage réel ne devient fiction parce qu'il est apparu à la télévision, mais il est fort probable que la télévision contamine d'irréalité tout ce qu'elle touche, et qu'un événement historique change d'une certaine façon de nature s'il est retransmis par la télévision, parce qu'elle dénature la manière dont nous le percevons (pour ne pas dire qu'elle le trivialise ou le corrompt). le coup d'Etat du 23 février présente cette anomalie : à ma connaissance, c'est le seul coup d'Etat de l'Histoire enregistré par la télévision, et le fait qu'il a été filmé constitue sa garantie à la fois de réalité et d'irréalité.»

La suite sur mon blog ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Du golpe de 1981 j'en garde un souvenir assez net. Je suis encore à l'école primaire, CM2 je rentre un midi manger à la maison et je vois mon père et ma mère devant la télé regardant les images de ces députés espagnols couchés sous leurs sièges, ou les mains sur la tête et ce militaire se balladant une arme à la main. Mes parents m'expliquent en quelques mots et bien que je perçois une situation grave qui si elle s'installe vraiment aura des répercussions sur notre famille directement et indirectement, je comprends bien que mes parents sont plus surpris et complètement stupéfaits que réellement inquiets. Et ils ont raison, le golpe tourne court. Quelques années plus tard j'en reparle avec eux et leur livre la façon dont je les ai vus à ce moment. Et de m'expliquer qu'effectivement ils étaient vraiment surpris et stupéfaits mais pas angoissés ni anxieux car l'Espagne était portée par quelque chose sur laquelle elle ne pouvait plus faire demi-tour car elle se serait vraiment mise mal alors que le Portugal avait mené sa Révolution des Oeillets et que la Grèce se dégageait progressivement des colonels. Et en avait-elle vraiment les moyens et la captation de l'attention d'une partie de la population comme en 1936? Pas si sûre.

Et puis l'histoire du golpe me concernant s'arrêta à ce niveau.
Et puis, j'ai découvert Javier Cercas et son anatomie d'un instant. Et là j'ai repris l'histoire du golpe et le golpe dans L Histoire. Et bien que peu au fait finalement de cet évènement, je ne me suis jamais sentie perdue à la lecture du livre de J.Cercas. Au contraire, c'est une vraie chronique de l'Espagne entre 1975 et 1981 qui nous est livrée, chronique qui prend ses racines dans l'histoire de la guerre civile et qui se prolonge au-delà. Cercas donne des clés, une grille de lecture avec tous les personnages : Suarez, quelque peu opportuniste et qui tire son épingle du jeu, Tejero le militaire qui se ballade dans le Parlement espagnol avec son arme à la main, les comploteurs, vieux compagnons de Franco, Juan-Carlos, jeune roi, les Espagnol.es qui attendent de voir comment Juan Carlos va gérer cette crise, l'Europe qui regarde l'Espagne avec inquiétude mais sans plus etc..etc...

C'est un livre dense, avec beaucoup d'informations mais dont la construction et l'exposition des faits sont bien menées et bien expliquées aux lecteurs.trices. Il y a un véritable travail d'enquête, de pédagogie teinté de réflexions personnelles, avec lesquelles on peut être d'accord ou non mais ce n'est jamais sentencieux. de même, nous ne sommes pas dans un discours "moi je sais toi tu lecteur tu ne sais pas". Jamais. C'est un très, très bon livre pour aborder cet évènement, qu'on paraît avoir oublié. La Movida a bien fait son travail -_-.
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Le thème : le 23 février 1981 un groupe de militaires dirigé par un lieutenant-colonel de la Garde Civile a investi le Parlement espagnol au moment où tous les députés étaient présents, et leur ont donné l'ordre de se coucher par terre. Cette tentative de coup d'État a avorté dans la nuit. Javier Cercas voulait écrire un roman historique sur cet événement, et il a fini par penser que le plus passionnant, c'est la réalité. Il avait raison. le livre raconte son enquête (Javier Cercas s'est appuyé sur de nombreux écrits, et il a aussi interviewé de nombreux acteurs, il expose ses analyses). (Un roman de 430 pages, mais ça se déguste)

J'ai apprécié : Ça se lit comme un thriller. L'enquête est fouillée : quelles sont les racines de cette tentative de coup d'État : la situation politique des dernières années, les suites du franquisme, les ambitions, les réactions, les sentiments et les manoeuvres des hommes et femmes politiques, des ministres, du Roi, des services secrets. le livre a une parenté avec La Grande Arche de Laurence Cossé : c'est un livre qui traite d'un événement important, l'auteur ou l'autrice a fait une solide enquête, et c'est un livre passionnant, plein de suspense bien que dès la première ligne on sait quelle est la fin. Merci à Christophe de m'avoir conseillé ce roman et donné l'occasion de le lire.

J'ai moins apprécié : aucune déception.
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Dans une longue contemplation sur le coup d'état raté du 23 février 1981, Cercas interroge cet épisode à la fois mystérieux et grandiose de l'histoire récente espagnole. Sans négliger un travail d'enquête minutieux qui permet au lecteur (même absolument ignorant, comme moi) de se faire une idée précise du "petit Madrid du pouvoir" de l'époque et du déroulement précis du coup d'état, Cercas interroge surtout le geste de courage de trois députés qui, contrairement à leurs collègues, ne se couchent pas derrière leurs sièges comme le leur ordonnent les soldats en tirant au plafond. Trois autres hommes commandent ou commanditent les soldats entrés dans l'Assemblée, et ces six hommes représentent six visions de l'Espagne, six relations au pouvoir qui s'affrontent dans ce moment décisif. A travers cette fresque - d'où ressort principalement la figure mystérieuse et spectrale du président Suarez, héros tardif de la transition espagnole, Cercas propose sans l'épuiser une très belle réflexion sur l'éthique politique dans les démocraties contemporaines. Un livre indispensable pour qui s'intéresse à l'Espagne, mais aussi à la chose politique.
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Cercas analyse ici, à partir de la tentative de coup d'état de 1981, le passage de l'Espagne à la démocratie...Une analyse fouillée et passionnante.
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