Il se retourne, cependant, commandé par l'instinct tragique qui nous oblige à regarder encore une fois ce qui nous blesse à mort.
Les orgues, les lumières tremblantes, les gestes du prêtre le ramenèrent au pays de son enfance et des messes de Noël : aux seuls temps où il fut vraiment heureux puisqu'il ne se demandait pas encore s'il l'était.
Un jeudi, en rentrant déjeuner, il trouve Jeanne, allongée pieds nus sur son lit. Les efforts qu'elle vient de fournir pour tenter de se lever, se farder, sourire, l'ont épuisée. Les paupières baissées couvent deux larmes.
Le temps n'existe pas : il n'y a que les instants qui comptent.
N'était-ce pas cela mourir : attendre sans plus rien ressentir ?
Car le deuil ne signifie plus rien, passé un certain âge, sinon que l'on survit injustement.
Jean comprit qu'il pleurait à ceci qu'il ne voyait plus son chemin : pleurait sans bruit, sans heurt, comme une fontaine de village, la nuit. Il s'échoua dans un jardin public, refuge des solitaires, des sans défense. A suivre du regard ceux qui passent, l'homme assis sur un banc reprend de l'importance : il est le rocher ; eux autres, les navires.
Le bonheur n'existe que menacé. Ils étaient heureux.
Une fois vivante est celle qui a des doutes.