Jour d'avril
le soleil met le feu partout sur la neige
qui flambe comme de la paille
chaque grain de glace étincelle
chaque rayon est une longue allumette
qui frotte sa pointe de phosphore
sur la plaine durcie par le gel
l'hiver est pulvérisé
en rires de diamant
une liesse de braise chante
partout explosent les murs
des geôles du froid
on entend éclater les barreaux de glace
des prisons du mystère
la joie morte soulève
sa dalle de pierre
et allume les cris de feu
de sa résurrection
c'est la naissance jubilatoire de la lumière
DYPTYQUE
1
Ce matin la mer a disparu
pareille au silence qui suit
la mort d'un musicien
on ne voit jusqu'à horizon
qu'un désert de glace et de rocs
où gisent des squelettes de chansons
comme arêtes sèches de poisson
2
Ce matin la mer est de retour
chaque houle emmêle au ciel pur
les ailes de ses oiseaux d'écume
l'onde module des envols de chants
et recompose l'harmonie du jour
des poissons jouent comme des mains de lumière
sur les harpes étincelantes des flots
sur le soleil sans mémoire de nos morts
brille l'or de l'oubli.
Ce matin par un froid boréal
je vois passer le temps.
et je l'entends
il se compose d'une myriade
de petit grains blancs
emportés par la furie du vent
chaque infime grain de neige
fut ja dis un être humain
dont il ne reste presque rien
par milliards ils sont soufflés
par le vent hurleur du vent
et j'assiste impuissant
à la poudrerie du temps.
J'écris sur l'eau
avec la proue de mon bateau
des mots blancs avec des ailes
se posent sur le poème des vagues
j'écris dans une langue
inconnue de mon cerveau
mais qui ravit mon coeur
par ses strophes de lumière bleue
et plus j'avance sur le fleuve
plus le poème s'écrit sans mon aide
des mots d'écume s'assemblent
puis se défont en bulles
ils composent sur les houles
des messages qui m'éclairent
sur la beauté de l'éphémère
et leurs lettres qui s'éparpillent
scintillent en mille reflets
avant la nuit.
AVRIL
J'ai tellement rêvé de beauté
qu'en ce matin d'avril
mon âme magicienne a créé
sur le pur absolu de l'azur
des formes immaculées
évoquant un vol d'oies blanches
elles ne sont pas de notre monde
belles comme la lumière froide
d'un duvet d'étoiles
elles volent avec l'innocence
de ces enfants de l'air
que nous fûmes avant de naître
je ne veux pas qu'elles touchent le sol
pour qu'elles au moins
échappent à la lourdeur d'être
et qu'elles continuent leur vol
sur leurs ailes immatérielles
puis disparaissent sans souillure
pures visions d'un ciel de printemps
souvenirs merveilleux d'avant ma naissance
alors que j'hésitais à me poser sur terre.