Ludivine n'avait jamais cru au diable.
Ce n'était pas maintenant qu'elle l'avait rencontré que ça allait changer.
Le destin est l’excuse des feignants, lui répétait son père lorsqu’elle était petite et attendait de la vie des bonnes nouvelles sans rien entreprendre pour les favoriser. Elle devait agir. Trouver quelque chose
Les souvenirs de la veille affluaient à débit moyen,
et venaient encombrer sa tête qui pulsait de plus en plus fort,
comme s'il n'y avait pas assez de place pour la mémoire et les vapeurs d'alcool.
Pestilence et Val-Segond. Deux lieux rayés de la carte, rayés des livres, rayés des mémoires pour la décence de l'espèce humaine. Les médias eux-mêmes ne parlaient plus beaucoup de ces affaires, comme si l'inconscient collectif s'en était mêlé, préférant vite oublier. Mikelis, Segnon et elle les avaient pourtant parcouru, ces abysses. Ils les avaient affrontés.
Il suffisait d'un regard, d'une attitude, d'un trait physique pour éveiller la convoitise d'un prédateur. Sortir dix minutes plus tôt ou plus tard et croiser son chemin. Ne pas se méfier, ne pas remarquer la présence qui s'engouffre derrière soi avant que la porte de l'immeuble ne se referme, dans une rue déserte, dans un parking souterrain, ou même dans le renforcement d'un bâtiment.
- il nous massacrait pour satisfaire le diable. Pour que Lucifer l'accepte à ses côtés. C'est ce qu'il ne cessait de répéter. Il voulait faire souffrir Dieu. Il voulait lui faire aussi mal que possible. C'est pour ça qu'il nous tuait. Et pour prouver au diable qu'il était digne de lui. Et vous savez quelles ont été ses dernières paroles ?
Le fusil à pompe à canon scié se tendit vers un homme en costume
et, avant qu'il ne puisse reculer dans son siège,
l'essentiel de sa matière grise fusionna avec le coton de son appuie-tête
dans une déflagration assourdissante.
L'odeur de la poudre se répandit dans le wagon en un instant,
presque aussi vite que la panique.
Ludivine tenta de se dégager sans forcer mais n'y parvient pas.
- C'est le désespoir qui l'a fait plonger, ajouter la veille fille. C'est le désespoir qui tire le monde vers les abysses.
- Au point de vouer une certaine haine à l'image divine ?
- Moi, non. Au point de me dire qu'un monde qui tourne si peu rond ne peut être le fruit d'un être qu'on prétend si bon.
Un roman ne s’écrit pas vraiment tout seul. C’est un peu comme une traversée en solitaire sur l’océan, pendant que le marin est seul à bord, des équipes entières se relaient à terre pour le guider, pour s’assurer que tout va bien.