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sur 357 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Saturne de Sarah Chiche, Points
« Mais ce que vivent les gens comme moi, c'est autre chose. Pour nous, le temps du deuil ne cesse jamais. Car nous ne souhaitons pas qu'il cesse. Nous ne voulons pas de son évacuation forcée. Nous ne tenons pas à surmonter la perte. Nous n'aimons pas être consolés, séparés de la chose perdue. Nous vivons en permanence, dans et avec nos morts, dans le sombre rayonnement de nos mondes engloutis ; et c'est cela qui nous rend heureux. de Saturne, astre immobile, froid, très éloigné du Soleil, on dit que c'est la planète de l'automne et de la mélancolie. Mais Saturne est peut-être aussi l'autre nom du lieu de l'écriture – le seul lieu où je puisse habiter. »
La narratrice a quinze mois lorsque son père décède d'une leucémie à trente-quatre ans. C'est une déflagration dans cette famille de médecins qui n'avait pas accepter Eve, la jeune femme singulière qui avait conquis le coeur du jeune homme. Un livre bouleversant sur le deuil et ce que l'on en fait.
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Gros coup de coeur pour ce roman fort et envoûtant, je n'ai pas pu lâcher bien que le sujet ne soit pas joyeux. Roman autobiographique ou récit intime ? Peu m'importe, ce livre est bouleversant.
L'histoire de cette famille débute en 1950 en Algérie, quand elle s'exile en France. le grand-père est médecin, riche. En arrivant en France, il va ouvrir sa clinique privée et poursuivre son ascension sociale. Ses fils n'ont d'autre choix que de faire médecine et de réussir. Pour Armand, l'aîné, tout sera facile, mais pour Harry, plus jeune d'un an, tout sera difficile. On assiste à une concurrence entre les deux frères, lequel triomphera de l'autre ? L'aîné est le préféré et il est brillant. le cadet est considéré comme un rêveur et s'avère médiocre dans ses études.
Le roman s'ouvre sur une scène beaucoup plus récente, en 1977. Nous sommes dans une chambre d'hôpital et le père de la narratrice est en train de mourir d'une leucémie. Harry est entouré de sa famille. Il meurt à l'âge de 34 ans laissant un grand vide derrière lui, notamment pour sa fille de 15 mois.
Elle raconte la mort de son père puis retrace la rencontre de ses parents. Elle ne nous épargne rien : leurs ébats, la haine de ses grands-parents contre sa mère, la rivalité des deux frères. Elle narre comment sa famille a détruit son père.
Sa mère, Eve, est fantasque. Elle est très belle, pose comme mannequin mais elle est aussi mythomane, insaisissable. C'est l'amour fou entre Harry et Eve.
Imaginez comment cette enfant a grandi, écartelée entre le souvenir de son père et la haine de la famille de son père pour sa mère. Comment se construire sans ce père mais aussi sans la famille de son père qui rejette sa mère ?
Une fois majeure, elle va prendre du recul par rapport à sa mère et se retrouvera seule. Quand elle apprend la mort de sa grand-mère avec qui elle est fâchée, elle va tout laisser tomber. Cet événement va agir comme un révélateur et la plonger dans une profonde dépression.
L'écriture va alors être un moyen pour elle de renaître, dans le livre comme dans la vraie vie. Un drame familial qui va peser sur la ou les génération(s) suivante(s). Sarah Chiche est psychanalyste, on sent l'influence de son métier dans son récit.
Tout est dit en peu de mots. Il y a une tension tout le long du roman, impossible de le lâcher. L'écriture est belle et fluide, faite de phrases courtes. Après la lecture de « Saturne », j'ai très envie de lire son précédent roman, les « Enténébrés », aussi bien pour retrouver cette magnifique écriture que pour avoir encore quelques clés de l'univers de Sarah Chiche.
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J'ai souvent du mal à vraiment entrer dans un livre. Avec Saturne, le premier chapitre a été un choc. Je l'ai relu. J'ai chaud, j'ai froid ! Approcher ainsi physiquement la mort .... Et puis, il y a le milieu dans lequel La narratrice a grandi : son grand-père, son oncle, puis son père qu'elle n'a pas connu.Toute une lignée de médecins, pieds-noirs, venus en France au moment de l'indépendance de l'Algérie. Monde dur, sans pitié pour les faibles. Il faut dominer, être le meilleur et surtout être médecin.
Harry, l'enfant de l'ombre trahi ce destin. Il rencontre une femme belle, différente, Il vit une passion, se coupe ainsi de cette famille.
La narratrice recherche désespéramment son père à travers les autres, l'a t-il aimé ? L'a-il abandonné alors qu'elle avait 15 mois ? Comment peut on sortir indemne d'un tel destin ?
Elle veut rejoindre son père et y parvient, à travers des cauchemars,la perte de soi. "on" veut pour elle.
On vit au jour le jour la "thérapie", la renaissance. Ce livre est très fort et impressionnant et il ne nous laisse pas indemne.
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C'est un livre écrit avec une plume trempée dans l'encre noire de la mélancolie. Comment pourrait-il en être autrement lorsque la vie n'est qu'une succession de pertes. La perte de l'Algérie que l'on doit quitter contraints et forcés, la perte de l'enfance et la perte d'un père si peu connu.
La première partie du livre, commence à l'hôpital où Harry, 34 ans vit ses derniers jours entourés de ses parents et de sa femme. Il a une petite fille de 15 mois, la narratrice qui n'est autre que Sarah Chiche. Ce père va mourir d'une leucémie. Sarah pensera longtemps que son père a disparu.
En 2019, lors d'une conférence à Genève, ville de son enfance, une femme l'apostrophe lui disant qu'elle a bien connu ses grands-parents, son oncle et son père à Alger. Est-ce cela qui a donné envie à Sarah Chiche d'écrire ce livre ?
La famille a quitté l'Espagne au XV -ème siècle pour l'Algérie. Cette famille est une dynastie de médecins d'abord à Alger puis à Paris. le grand père Joseph a deux fils, très différents, Armand et Harry. « Joseph est persuadé que ses deux fils deviendront médecins » « devenir médecin, c'est devenir un homme. »
Armand marche dans les pas du père et deviendra un grand médecin, patron de clinique tandis qu'Harry, doux rêveur, aime le cinéma, les femmes. Il quittera la faculté de médecine. Au détour d'une rue, Harry tombe amoureux d'une femme, Eve, d'une beauté incandescente, mi fille perdue, mi femme fatale avec laquelle il va s'installer très vite. C'est aussi au travers de cette femme qu'il va s'affranchir de ce milieu bourgeois. Mais peut-on survivre à la désobéissance dans un milieu si corseté ? de cet amour fou et dévastateur va naître la narratrice.
La deuxième partie s'ouvre sur l'annonce d'une nouvelle mort, celle de sa grand-mère, Louise. le passage sur l'héritage est fort et l'auteure se montre sans concession avec elle-même, comme on ose seulement le faire au cours d'une psychanalyse. Ce nouveau deuil entrainera Sarah dans une dépression mélancolique. L'état psychique dans lequel elle se trouve est magnifiquement écrit et l'on s'embourbe avec elle dans cette mélancolie.
Pourquoi ce titre, Saturne ? On le comprend à la fin du livre. Saturne c'est la planète de la mélancolie. C'est aussi un tableau de Goya « Saturne dévorant l'un de ses fils » qui a inspiré l'auteure. Il y a des pères qui en contraignant leurs enfants dans une voie prédéterminée les dévorent. Pour certains, il s'ensuivra une sorte de mort psychique, la dépression, pour d'autre la seule issue pourra être la mort.
Pour rester positif, la grave dépression de trois ans de Sarah Chiche se termine par une renaissance. A son tour, elle sera dans le soin puisqu'elle deviendra psychanalyste.
Après « les enténébrés », qui m'avait déjà pris au ventre, Sarah Chiche nous livre un texte fort, sur la famille de son père.
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Le roman de Sarah Chiche, Saturne nous amène vers les méandres d'une histoire familiale d'une petite fille qui perd son père très jeune.
Nous y rencontrons Louise et Joseph, les grands-parents, avec une description fine de leurs caractères, leurs fils : Harry et Armand. Harry épouse Ève contre l'avis de tous, de ce mariage nait une petite fille, Armand épouse Judith. Harry meurt à 34 ans, d'une leucémie, laissant derrière lui la petite fille de 15 mois.
Cette famille, d'origine algérienne, fit fortune dans la fondation d'un empire de cliniques. Joseph, le père, « le prince des cliniques » « avait amassé une fortune colossale » mais là, près de son fils au seuil de la mort, il devenait un homme quelconque. Né d'une lignée de médecins, Harry cesse ses études de médecine car « à l'ambition, il avait toujours préféré les mystères des étoiles, le cinéma, les livres anciens ».
Rien n'est divulgué à la petite fille de 15 mois. A l'âge de 7 ans, cette petite fille tente de rejoindre son père dans le lac de Genève. A l'âge adulte, une rencontre va bouleverser sa vie. Cette femme rencontrée après une conférence qu'elle donnait à Genève, va générer chez elle ce besoin tendre de raconter son histoire. Ce livre est l'histoire de sa vie et un écho aux derniers mots de son père écrits sur l'ardoise. Elle nous décrit les difficultés rencontrées, l'importance de l'argent pour cette famille, sans jamais en parler, cet argent qui tombe en soignant, « l'argent tombe, les bénéfices augmentent ». Est-ce de la part de Sarah Chiche, une façon délibérée de faire référence à notre corps médical contemporain ? Elle raconte les rêves d'un fils qui voulait vivre différemment des siens, qui s'est émancipé de sa famille.
La narration est complexe. Les ellipses temporelles sont nombreuses et subtilement amenées, Alger en 1830, l'indépendance de l'Algérie,
Le prologue est d'une incroyable densité. C'est avec minutie et intensité que Sarah Chiche nous décrit l'agonie d'un homme que la famille veille « depuis deux jours ».
Quel talent ! le ton est juste, les analyses sont pertinentes et psychologiquement si justifiées, l'ensemble est si cohérent et si bien travaillé.
A lire !
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Très belle réussite, de très belles pages sur la mélancolie, le deuil, la relation avec ses parents, grands parents. Bien écrit et poignant. A ce jour, le meilleur roman de la liste Goncourt 2020
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Deux ans après « Les enténébrés », Sarah Chiche livre un nouvel opus et revisite sa branche paternelle d'une plume toujours aussi brûlante, nourrie de romantisme allemand autant que d'acuité psychanalytique. Son toman débute avec la mort du père lorsque la narratrice n'a que quinze mois, se poursuit à travers la rencontre sidérante de ses parents marqués par la guerre d'Algérie française et par son effondrement mental vingt ans plus tard. Derrière la violence des destins retracés s'accomplit aussi un acte d'écriture magistral vécu comme une grâce et comme la seule réponse au vide et au manque. C'est là le secret d'une oeuvre qui brûle de ce feu sombre qui, lui seul, peut guérir ceux qui vivent dans le deuil et la douleur.
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Ecrire pour dire l'abîme existentiel,quand on perd son père a deux ans et que la famille, encombrée par ses vulnérabilités, démons passés, ne peut pas vous sauver. Un récit qui excelle à plonger le lecteur dans l'intime par une écriture sans fard, que j'ai adorée dès les premières pages.

La plume de Sarah Chiche est pour moi une découverte littéraire.A haute voix,je disais "c'est beau",alors que le récit était sombre.Pourquoi ce livre n'a pas eu le Goncourt!

Je vais lire les autres livres de cette ecrivaine
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