Je ne connais rien de la littérature coréenne (et de la Corée!) et c'est avec une certaine curiosité que je me suis lancée dans la lecture de «
Kim Jiyoung, née en 1982 ». Prêté par une collègue, je ne savais pas que ce roman avait remporté un succès international à sa sortie en … 2016 dans son pays. Il a été adapté au cinéma en octobre 2019, date de sa publication française.
Le succès de ce livre en Corée du Sud tient au sujet qu'il aborde, encore tabou dans ce pays : la condition des femmes dans la société sud-coréenne. Nous découvrons ainsi l'histoire de Kim Jiyoung, une jeune femme coréenne qui a 33 ans au début du roman. le récit, divisé en six époques, nous permet de la suivre de sa naissance à 2016. de ses premiers pas à l'école jusqu'à son premier emploi, en passant par ses études supérieures et ses relations avec ses parents, sa soeur et son frère, la vie de Kim Jiyoung est semée d'embûches, de frustrations et de peur parfois, du fait de sa condition de femme. Son mariage avec un mari aimant et compréhensif n'ôtera pas à Kim Jiyoung son sentiment d'injustice. Au contraire, la naissance de sa fille ne fera que la replonger dans un système où les traditions patriarcales perdurent.
Dans un style sobre et factuel, le roman est ponctué des réflexions que se fait la jeune femme sur les nombreux exemples d'inégalités entre les deux sexes dont elle est témoin à tous les niveaux, ainsi que de statistiques sur la situation des femmes en Corée du Sud. Un pays où, jusque dans les années 70, on permettait encore l'identification des sexes avant la naissance et l'avortement des foetus féminins. Un pays où les soeurs ont toujours eu l'habitude de sacrifier leurs propres aspirations pour permettre à leurs frères de faire des études. Un pays où l'on culpabilise toujours les femmes qui ne donnent pas naissance à un garçon. Un pays où tout simplement l'homme est roi et où la femme est méprisée et sous-estimée. Au fil du récit, le lecteur devient le témoin impuissant du favoritisme pour le genre masculin qui vire parfois au contrôle total sur la vie des filles dès leur plus jeune âge et de cette manière vicieuse qu'a la société de les culpabiliser et de faire passer les hommes pour des grands seigneurs, à qui tout est dû.
On pourrait se dire que la situation s'améliore lorsque que Kim Jiyoung nous dresse le portrait de sa mère, une « cheffe de famille » déjà émancipée qui gère d'une main de maître le budget de la famille ; lorsqu'elle nous parle de ses petits-amis, des jeunes hommes ouverts et prévenants ; lorsqu'elle nous décrit son mari toujours prêt à aider ; lorsqu'elle admire ses collègues femmes combatives qui refusent de se laisser rabaisser. Oui, la société coréenne évolue mais toujours, les traditions patriarcales reviennent à la charge.
Et sur ce dernier point, l'histoire de Kim Jiyoung nous rappelle que la seule chose qui ne change pas d'un pays à l'autre et d'une culture à l'autre – à des degrés différents bien sûr ! - c'est le sexisme à l'endroit des femmes.
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Kim Jiyoung, née en 1982" est un roman qui nous laisse un goût d'amertume mais qui a le mérite de donner la parole aux femmes de toutes générations, de tous pays. A découvrir.