Les choses se meuvent à contresens pour former de nouveaux dessins
La journée leur pesait. Ils la trouvaient vide. Un courant les entraînait vers la nuit, vers la chambre où ils recommençaient à vivre.
En vérite, Paul ne remuait jamais certaines laves de son âme. Ces couches profondes étaient trop précieuses et il craignait sa propre maladresse. L’agréable s'arretait au seuil de ce cratère dont les vapeurs étourdissantes l’encensaient. De ce soir, il se tissa entre Paul et Agathe une étoffe de fils entrecroisés. Une revanche du temps renversait les prérogatives. p.70
La richesse est une aptitude, la pauvrete de même. Un pauvre qui devient riche étalera une pauvreté luxueuse. Ils étaient si riches qu’aucune richesse n'aurait change leur vie. La fortune pouvait leur venir en dormant, ils ne s'en apercevraient pas au réveil. Ils contredisaient le préjuge contre la vie fcle les moeurs faciles et, sans le savoir, mettaient en euvre ces admirables puissances de vie souple et légère gâchée au travail dont parle un philosophe. Projets d'avenir, études, places, démarches ne les préoccupaient pas davantage que garder les moutons ne tente un chien de luxe. Dans les journaux, ils lisaient les crimes. IIs étaient de cette race qui fausse les moules, qu'une caserne comme New York réforme et qu'elle préfère voir vivre à Paris. p.64
Et même en admettant que Michaël eût possédé la vierge, jamais il n'aurait possédé le temple où il ne vivait que par la mort.
Cette nature toute de feu et de glace ne pouvait admettre le tiède.
Mariette, simple comme la simplicité (...) savait nettoyer sans déranger le désordre.
- Quelle raseuse ! Tu ne veux pas laisser les autres dormir?
- Les autres ! Je pourrais dormir aussi, mais moi je veille, moi je te donne à manger, moi j'écoute ton bruit.
- Quel bruit ?
- Un sacré bruit.
- idiote !
En face d'un danger de cet ordre, l'enfance se partage entre deux extrêmes. Ne soupçonnant pas la profondeur où s'ancre la vie et ses puissantes ressources, elle s'imagine tout de suite le pire; mais ce pire ne lui semble guère réel à cause de l'impossibilité où elle se trouve d'envisager la mort.
Dès lors la jeune femme ne devait plus s'interrompre. Le génie de la chambre se substituait à elle, la doublait comme n'importe quel génie s'emparant d'un homme d'affaires lui dicte les ordres qui empêchent la faillite, d'un marin les gestes qui sauvent le navire, d'un criminel les paroles qui établissent un alibi.