Bienvenue au Club ! Oui, certes, car c'est l'histoire d'une bande de potes, à la vie et à la mort comme on dit, et des histoires comme ça, on en a tous connue au moins une dans sa vie. Souvenirs doux-amers d'une époque, les seventies, lorsque l'imagination était encore au pouvoir et l'avenir forcément devant nous, lorsque tout restait encore possible, même après une révolution soixante-huitarde plus ou moins avortée, même avec la perspective du deuxième-choc-pétrolier et d'une crise qui allait durer (et qui dure encore).
On a tous connu, au cours de ces années-là, les années du collège et du lycée, ce qu'il faut pour alimenter nos souvenirs les plus nostalgiques : les blagues potaches et gratinées orchestrées en bande organisée, le surdoué qui agace, le type rigolo qui amuse la galerie, parfois au détriment d'une victime ou deux, la jolie fille de la classe, icône sanctuarisée mais malheureuse, dont tout le monde tombe raide dingue mais que personne n'ose aborder, enfin sauf bien sûr ceux qui ne la méritent pas, le copain doué pour le dessin, l'amateur de rock-&-roll ou de musique punk, les disques échangés, les baiser volés, les virées nocturnes, les visites éclair dans la Capitale, les soirées underground, l'artisanal journal des élèves et ses articles parfois perfides mais ô combien libérateurs rédigés jusqu'à tard dans la nuit, les profs têtes-de-turcs et les profs têtes-à-claques, les conseils de classe et les examens de fin d'année, la découverte de la vraie vie, la montée du chômage et du racisme, la fin des trente glorieuses, les grèves, les manifs et les attentats, les catastrophes nucléaires familiales qui finissent en tabous vitrifiés et probablement à jamais enfouis au fond de nos consciences…
Oui, on a tous connu ça. Alors
bienvenue au club… Et même s'il y a par-ci par-là quelques petites différences… Pour nous, ils ne s'appelaient pas Benjamin, Philip, Doug, Steve, Miriam ou Lois, mais peut-être Patrick, Jean-Michel, Isabelle ou Sylvie. L'action ne se déroulait pas à Birmingham mais dans notre ville natale, et la Capitale où il « se passait des choses » n'était pas Londres mais Paris. Les attentats n'étaient pas ceux de l'IRA dans les pubs en 1974 mais peut-être ceux du GIA dans les RER en 1995, etcétéra, etcétéra, et ainsi de suite. On remplacera encore une soeur traumatisée à vie, une disparition mystérieuse, une histoire d'amour qui finit mal en général, par tout autre événement familial et dramatique de votre choix, et vous aurez une idée de la manière dont
Jonathan Coe, malgré le côté « so british » de son roman, nous touche et fait mouche, grâce à l'humanité et à l'universalité de ses personnages, grâce à la véracité de ses petites histoires insérées dans la grande, de ses anecdotes qui n'en sont pas vraiment finalement, mais qui mises bout à bout, parfois en vrac, parfois de façon brouillonne, sont toujours racontées avec beaucoup de drôlerie et de pudeur dans cet excellent roman.
Alors oui,
Bienvenue au Club, pour commencer, mais ne manquez pas non plus le prochain rendez-vous avec
Jonathan Coe et ses magnifiques personnages, les mêmes, 20 ans après (comme dirait Dumas), dans l'Angleterre de
Tony Blair et dans
le cercle fermé, qui boucle la boucle et qui, bien entendu, se trouve en bonne place et depuis peu dans ma PAL.