Jonathan Coe m'avait enchanté il y a quelques années avec « Bienvenu au Club » et «
le Cercle Fermé » (dont il me tarde d'ailleurs de lire la suite, «
le Coeur de l'Angleterre »). Il m'avait vaguement déçue aussi. Je crois que j'attendais trop de «
Testament à l'Anglaise » et que je l'ai lu trop vite après « Les Enfants de Longbridge » adoré comme rarement.
Comme on m'avait vanté «
La Maison du Sommeil » et que je voulais renouer avec la plume de l'auteur avant «
le Coeur de l'Angleterre » qui imposera surtout une relecture des deux autres volumes (et ce n'est pas encore l'heure… Il est des livres comme des rencontres : le moment doit être le bon. Oui je crois à ce genre de choses, qu'une rencontre entre un livre et un lecteur qui saura l'aimer sans mesure relève parfois du destin, de la magie...), j'ai emménagé à Ashdown dans la fameuse maison pour un séjour nébuleux mais hypnotique que je ne regrette pas une seconde tant je l'ai trouvé foisonnant, romanesque ; tant j'en ai aimé les thèmes qui entremêle l'amour fou à la folie et l'amitié, les rêves et leurs limites dans un va et vient entre passé et présent qui constitue un type de narration pour lequel j'ai un faible certain.
Les chapitres impairs de ce roman au résumé mystérieux et presque gothique se passent en 1983 au coeur d'une résidence universitaire aux faux airs de manoir hanté, perchée sur une falaise des côtes anglaises comme Tintagel en son temps.
Là, on s'attache aux pas de Sarah, jeune fille fragile, sans doute un peu paumée et narcoleptique et à ceux de Gregory son petit ami, aussi éloigné que possible d'un prince charmant (quoique… si on pense à « La Belle au Bois Dormant, hein…).
On suit aussi les traces de Véronica, féministe entière et passionnée, de Terry le cinéphile insomniaque (peut-être bien mon personnage favori du roman…) et
De Robert, le romantique, l'amoureux fou, le mélancolique…
Au gré de leurs années d'étude, ils étaient amis mais un jour, il a fallu quitter l'université et leurs chemins alors se sont séparés…
Les chapitres pairs du roman, eux, nous conduisent en l'an de grâce 1996. La résidence universitaire d'Ashdown est devenue une clinique spécialisée dans le traitement des troubles du sommeil et le sinistre docteur Dudden s'y livre à des expériences que n'aurait sans doute pas boudé un Josef Mengele en son temps tandis, qu'imperturbables, les vagues viennent s'écraser contre la falaise au gré des vents…
C'est ici que tout a commencé et c'est ici que tout continue. Peut-être que c'est aussi là que tout finira…
Par quel étrange jeu du hasard, ou du destin, nos personnages s'y retrouvent-ils tous ? Pourquoi le passé soudain revient-il les hanter ?
Dans un style fluide qui ne peut que confirmer ses talents de conteurs,
Jonathan Coe nous livre ici un récit vertigineux et labyrinthique dans lequel j'ai adoré plonger et me perdre, de chausse-trappes en tempêtes et dont il ordonne les pièces avec maestria dans un final théâtral mais auquel j'ai souscrit sans résistance. Je n'y peux rien, le romanesque, le dramatique, j'aime ça ! Par ailleurs, ses personnages complexes, énigmatiques, flirtant tous plus ou moins avec la névrose -voire la folie- sont à une exception attachants, bien campés et se mettent au service de leur histoire avec une efficacité qui confine à la grâce.
Et puis, ce vertige… Ce récit étrange et torturé. Ce désenchantement suivi de tant d'espoir. Cette fin dont on en sait pas si elle est effrayante ou magnifique, sublime ou inquiétante…
Pedro Almodovar pourrait en réaliser un film, j'en suis certaine. Plus que certaine même.
Après tout, « La piel que habito » qui a quelque chose en lui de «
La Maison du Sommeil » est bien une adaptation d'un roman…