AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La retraite sentimentale (62)

Moi, c'est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. [...] Toute ma peau a une âme.
Commenter  J’apprécie          1152
Mon ami, mon amant, mon cher compagnon des heures furieuses où nous n'entendions d'autre bruit que celui de nos souffles écrasés l'un dans l'autre, je vous le demande, cela est-il possible ? Et si vraiment cela est, si vous n'êtes plus à mes côtés qu'une ombre tendre, qu'une image pâle et voûtée de mon amour, quelle aberration me défendit de prévoir ce qui arrive ? J'ai vingt-huit ans, vous en avez cinquante, et votre âge mûr fut si brillant, si impatient et si piaffeur que j'espérais plus d'une fois, ô mon amour, que je souhaitais pour vous la cinquantaine assagie... Vœu néfaste et qu'un dieu ironique entendit ! Vous voilà tout d'un coup, magiquement, irréparablement, pareil à mon souhait imprudent : un vieillard !... Ternie, l'eau sombre et couleur d'étang de vos yeux, et flétrie cette bouche où se caressait ma bouche, et détendus, autour de moi, ces beaux bras forts. [...] Me voici jeune et punie, et privée de ce que j'aime en secret d'une ferveur si brûlante, et je me tords ingénument les mains devant mon désastre, devant la statue mutilée de mon bonheur...
Commenter  J’apprécie          720
- Vous ne savez pas, vous, ce que c'est que l'envie de partir ?
- Heu... il y aurait bien à dire là-dessus, et il serait peut-être excessif de prétendre que je ne souhaite pas, à de certaines heures... y aller de mon petit voyage...
- Ne riez pas ! Je voudrais que vous me compreniez. L'envie de partir... il y a un tas de gens qui ne se doutent pas de ce que c'est. C'est une maladie, un empoisonnement ; ce n'est même pas une idée. [...] Pendant que je mange, pendant que je dors ou que je brode, j'ai là, ici, tout autour, cette chose qui me tire obstinément.
Commenter  J’apprécie          530
Je suis née seule, j'ai grandi sans mère, frère ni sœur, aux côtés d'un père turbulent que j'aurais pu prendre sous ma tutelle, et j'ai vécu sans amies. Un tel isolement moral n'a-t-il pas recréé en moi cet esprit tout juste assez gai, tout juste assez triste, qui s'enflamme de peu et s'éteint de rien, pas bon, pas méchant, insociable en somme et plus proche des bêtes que de l'homme ?... Du courage, j'en ai, du courage physique — le beau mérite quand on n'a peur de rien — une belle confiance dans des nerfs qui m'obéissent bien et que les sens ont ménagés. De l'honnêteté... peut-être, mais qui s'habille comme une grue. De la pitié, guère pour la pauvre espèce à laquelle j'appartiens, parce qu'elle choisit souvent sa misère, et, d'ailleurs, le moyen d'être bonne en même temps qu'amoureuse...?
Commenter  J’apprécie          420
Casamène est perché sur l'épaule ronde d'une petite montagne crépue de chênes bas, qu'octobre n'a pas encore mordus de sa flamme. [...] Le mur de clôture s'écroule sur la route, la vigne vierge anémie sournoisement les glycines, et les rosiers qu'on ne renouvelle pas dédoublent leurs fleurs, redeviennent églantiers. [...] Les sapins ont cent ans et ne verront pas un autre siècle, parce que le lierre gaine leurs troncs et les étouffe. [...] Les pommiers âgés donnent des fruits nains à mettre sur les chapeaux, mais une treille de muscat noir, mystérieusement nourrie, s'est élancée, vigoureuse, a couvert et effondré un poulailler, puis, ressaisissant le bras d'un cerisier, l'a noyé de pampres, de vrilles, de raisins d'un bleu de prune qui s'égrènent déjà. Une abondance inquiétante voisine ici avec l'indigence pelée des rocs mauves qui crèvent le sol, où la ronce même ne trouve pas de quoi suspendre ses feuilles de fer hérissé.
La maison d'Annie est une basse vieille maison à un étage, chaude l'hiver et fraîche l'été, un logis sans atours, non sans grâce. [...] Sous les cinq marches descellées du perron, un crapaud chante le soir, d'un gosier amoureux et plein de perles. Au crépuscule, il chasse les derniers moucherons, les petites larves qui gîtent aux fentes des pierres. Déférent, mais rassuré, il me regarde de temps en temps, puis s'appuie d'une main humaine contre le mur, et se soulève debout pour happer... j'entends le " mop " de sa bouche large... Quand il se repose, il a un tel mouvement de paupières, pensif et hautain, que je n'ai pas encore osé lui adresser la parole... Annie le craint trop pour lui faire du mal.
Commenter  J’apprécie          340
Un petit tintement de cuiller et de porcelaine dans le couloir m'avertit qu'on va monter chez Marcel la tasse de tilleul qu'il boit à dix heures, et je serre tout à coup les mâchoires, prête à me lever, à balayer la lampe et la table, et Annie, et Marcel, en criant : " Fichez-moi le camp ! J'ai besoin d'être seule et de ne pas entendre vivre sottement à côté de moi ! "
Commenter  J’apprécie          330
Ô vous, toutes les Suzies, si vous saviez à quoi tient ce que vous nommez l'amour d'un homme, quand cet amour s'appelle au vrai : désir !...
Commenter  J’apprécie          310
Et pourquoi mon orgueil s'attache-t-il à ne vouloir dans mon cœur que des êtres "particulier" ? Tout ce qui les identifie au reste du monde m'irrite contre eux et contre moi.
Commenter  J’apprécie          280
Mon père magnifique, mon père à la barbe tricolore, il a perdu la vie au milieu de ses bouquins, pouf !... le nez en avant, peut-être par distraction, lui qui oubliait si facilement de déjeuner ou de nouer sa cravate. J'ai compris lentement qu'il était mort, au bout de quelques jours, quand l'écho de sa belle voix injurieuse eut fini de sonner entre les murs de la maison.
Commenter  J’apprécie          260
Les gens qui m'ont vue trois fois s'y trompent. À me voir, coiffée en coup de vent, la jupe à ras de terre, le pied solide et le coup d'œil droit, ils se disent : " Voilà la petite bonne femme qu'il me faudrait ! C'est allant, c'est vif, et si facile à vivre !... " essayez donc ! Si j'étais homme et que je me connusse à fond, je ne m'aimerais guère : insociable, emballée ou révoltée à première vue, un flair qui se prétend infaillible et ne fait pas de concessions, maniaque, fausse bohème, très " propriote " au fond, jalouse, sincère par paresse et menteuse par pudeur...
Commenter  J’apprécie          252






    Lecteurs (657) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Sidonie gabrielle Colette

    Le père de Colette est

    Facteur
    Ecrivain
    Capitaine
    Journaliste

    13 questions
    193 lecteurs ont répondu
    Thème : Sidonie-Gabrielle ColetteCréer un quiz sur ce livre

    {* *}