J'avais lu la série des Claudine dans mon enfance et j'en avais gardé un souvenir désagréable, tout simplement parce que ça me paraissait transgressif sans trop savoir pourquoi.
Souhaitant en relire un volume avec mes yeux, mes sentiments et mes réflexions d'adulte, j'ai choisi celui-ci.
Alors certes, transgressif, ça l'est ! Tant pour l'époque de publication que pour la petite fille que j'étais. Mais j'ai trouvé le style ennuyeux, le récit insuffisamment construit. Il est comme le personnage, inconséquent et inintéressant.
J'ai cependant apprécié les passages relatifs à Fanchette mais j'ai été déçu de ne pas en lire davantage sur le Paris de l'époque.
Bref, une déception
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Sacrée Claudine! le premier volume ayant bien marché, le mari-négrier que fut Henry Gauthier-Villars, dit Willy, remet au travail son épouse-enfant. On l'imagine bien lui caressant sa nuque bouclée, et lui susurrant "Noubliez pas de glisser quelques expressions bourguignonnes, mon petit, mais surtout insistez sur les amitiés salaces entre écolières, je me charge du décor parisien!", avant de partir pour quelque soirée mondaine ou coquine.
Voilà donc notre provinciale racontant son arrivée à Paris, le sentiment de désastre personnel qui s'ensuivit, la maladie et finalement la guérison, et la découverte des étranges moeurs parisiennes. Car elle a beau avoir lu, et n'avoir pas froid aux yeux, la Claudine, il lui en reste encore à découvrir. Au passage elle laisse entendre, encore plus précisément que dans Claudine en ménage, comment une paysanne un peu perverse peut se faire happer et détruire physiquement, sinon moralement, par un libertin sans tendresse, bien plus que par le mal du pays. On est heureux quand même de suivre cette Claudine qui semble n'avoir pas peur du loup, et qui creuse le sillon du pseudo étonnement naïf des Lettres Persanes: ainsi écrit-elle à propos des sorties dans les rues de Paris: "on a l'intérieur du nez noir quand on rentre". Vrai, j'ai observé le même phénomène presque un siècle après!
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"Ma guéline, faut faire comme chez nous. Ceusse (les maris) qu'on te propose, essaie-les avant ; comme ça, le marché est honnête et y a personne de trompé. " Car la virginité est pour elle de si peu de prix ! Je connais ses théories : "Des menteries, ma pauvre fille, des menteries ! Des histoires de médecins, tout ça. Après, avant, si tu crois qu'ils n'y prennent pas le même goût ! C'est tout-un-tel, va. "
Mais la Claudine sage s'efface timidement, admirative et respectueuse, devant l'autre, qui est allée droit où le Destin la poussait, sans se retourner, comme une conquérante ou une condamnée.
Après ça, il se passa beaucoup de temps. Quelque chose
comme une fièvre cérébrale avec des allures de typhoïde. Je ne
crois pas avoir beaucoup déliré, mais j'étais tombée dans une nuit
lamentable et je ne sentais plus que ma tête, qui me faisait si
mal ! Je me souviens d'avoir, pendant des heures, couchée sur le
côté gauche, suivi du bout de mon doigt, contre le mur, les
contours d'un des fruits fantastiques imprimés sur mes rideaux ;
une espèce de pomme avec des yeux.
Ça n'est pas autrement fort, mais quoi ? Il n'a pas l'air étonné.
Il mange. Il mange proprement. Il n'est pas vieux. C'est un père
encore jeune. Son nez m'amuse, un peu courbe avec des narines
qui remuent. Sous des cils très noirs, ses yeux luisent gris bleu
foncé. Il n'a pas de vilaines oreilles pour un homme. Ses cheveux
blanchissent aux tempes et floconnent. À Montigny, il y avait un
beau chien cendré qui avait le poil de cette couleur-là. Pouf ! Il
lève si brusquement les yeux qu'il me surprend en train de le
regarder
La pauvre Luce m'a dit : « Va, tu ne crois pas que je serai
malheureuse. Mais tu verras, tu verras ce que je suis capable de
faire. J'en ai assez, tu sais, de ma sœur et de sa Mademoiselle. Il
n'y avait que toi ici, je n'avais du goût qu'à cause de toi. Tu
verras ! » J'ai embrassé beaucoup la désolée, sur ses joues
élastiques, sur ses cils mouillés, sur sa nuque blanche et brune,
j'ai embrassé ses fossettes et son irrégulier petit nez trop court.
Elle n'avait jamais eu de moi autant de caresses et le désespoir de
la pauvre gobette a redoublé. J'aurais pu, pendant un an, la
rendre peut-être très heureuse. (Il ne t'en aurait pas coûté tant
que ça, Claudine, je te connais !) Mais je ne me repens guère de
ne pas l'avoir fait.
« Sido » de Colette lu par Elsa Lepoivre l Livre audio