Citations sur Le Blé en herbe (148)
- [...] Je crève, entends-tu, je crève à l'idée que je n'ai que seize ans ! Ces années qui viennent, ces années de bachot, d'examens, d'institut professionnel, ces années de tâtonnements, de bégaiements, où il faut recommencer ce qu'on rate, où on remâche deux fois ce qu'on n'a pas digéré, si on échoue... Ces années où il faut avoir l'air, devant papa et maman, d'aimer une carrière pour ne pas les désoler, et sentir qu'eux-mêmes se battent les flancs pour paraître infaillibles, quand ils n'en savent pas plus que moi sur moi...
Sur ce roc incliné, il rêva de possession comme en peut rêver un adolescent timide, mais aussi comme un homme exigeant, un héritier âprement résolu à jouir des biens que lui destinent le temps et les lois humaines. Il fut, pour la première fois, seul à décider du sort de leur couple, maître de l'abandonner au flot ou de l'agripper à la saillie du rocher, comme la graine têtue qui, nourrie de peu, y fleurissait...
- On est toujours fou, quand on cherche à savoir ce que veut une femme, et quand on s'imagine qu'elle sait ce qu'elle veut !
Toute leur enfance les a unis, l'adolescence les sépare.
« Le bain quotidien, joie silencieuse et complète, rendait à leur âge difficile la paix et l'enfance, toutes deux en péril. »
Il regardait la plate et gracieuse fille, qui descendait à cette heure vers la mer. Il n'avait pas plus l'envie de la caresser que de la battre, mais il la voulait confiante, promise à lui seul, et disponible comme ces trésors dont il rougissait - pétales séchés, billes d'agates, coquilles et graines, images, petite montre d'argent...
Je crève, entends-tu, je crève à l'idée que je n'ai que seize ans ! Ces années qui viennent, ces années de bachot, d'examens, d'institut professionnel, ces années de tâtonnements, de bégaiements, où il faut recommencer ce que l'on rate, où on remache deux fois ce qu'on n'a pas digéré, si on échoue (...) Oh Vinca, je déteste ce moment de ma vie ! Pourquoi est-ce que je ne peux pas tout de suite avoir vingt-cinq ans ?
(pp.17-18)
Il cherchait sur elle la splendeur éphémère qui l'avait irrité. Mais ce n'était plus qu'une Vinca consternée, une adolescente chargée,trop tôt, de l'humilité, des maladresses, de la morne obstination du véritable amour ...
(p.14)
Aucun livre, parmi tous les livres qu'il lisait librement, les coudes dans le sable, ou retiré, par pudeur plutôt que par peur, dans sa chambre, ne lui avait enseigné que quelqu'un dût périr dans un si ordinaire naufrage. Les romans emplissent cent pages, ou plus, de la préparation à l'amour physique, l'évènement lui-même tient en quinze lignes, et Philippe cherchait en vain, dans sa mémoire, le livre où il est écrit qu'un jeune homme ne se délivre pas de l'enfance et de la chasteté par une seule chute, mais qu'il en chancelle encore, par oscillations profondes et comme sismiques, pendant de longs jours ...
(page 78)
Les romans emplissent cent pages, ou plus, de la préparation à l'amour physique, l'événement lui-même tient quinze lignes [...].