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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Minne est une jeune fille de treize ans, parfaitement éduquée, qui fait la joie de sa mère. C'est l'apparence qu'elle donne en tout cas : si elle sait exactement quoi répondre pour apaiser les inquiétudes, son imagination l'entraîne dans les faubourgs, parmi les bandes de truands, qui se battent pour ses faveurs. À tel point qu'elle voit dans chaque homme à la mine un peu patibulaire qu'elle croise dans la rue un de ces malfrats qui désire l'enlever.

Quelques années plus tard, on retrouve Minne adulte. Elle a épousé son cousin sur les instances pressantes de sa mère : ses rêves l'ont conduite à une fugue de quelques heures, jugée déshonorante, et qui lui aurait fait perdre toute valeur sur le marché du mariage.

Cette union ne calme pas sa soif d'aventure. Elle cherche désormais désespérément ce plaisir, décrit dans les romans à grands renforts de soupirs passionnés, qu'elle ne trouve ni dans les bras de son époux, ni dans ceux de ses amants.

Colette avoue dans la préface de l'ouvrage avoir écrit la seconde partie un peu sous la contrainte, et d'avoir réuni les deux récits en un seul sans être convaincue du bien-fondé de la chose. Je suis tout aussi sceptique qu'elle sur ce dernier point : s'il existe un lien logique entre les deux histoires, je ne l'ai pas trouvé. Ce qui n'empêche pas de lire avec un certain plaisir ces deux histoires, qui ont une thématique intéressante et sûrement audacieuse pour l'époque.
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Après Bella Vista, je choisis L'Ingénue Libertine, que je classe dans la catégorie roman mais qui rassemble deux nouvelles. On sait que Colette aimait écrire des sortes de "saga" pour certains de ses personnages. Une feuilletoniste avant l'heure.

En effet il s'agit de deux périodes de la vie du personnage principal :  Minne. Dans la première partie, nous la découvrons adolescente de 14 ans et 8 mois (nous savons tous à quel point il est important d'être précis à cet âge là, on oublie aucun mois alors que plus tard on les omet très facilement). Elle vit auprès de sa mère, Maman (pas de prénom ce qui montre à quel point le terme est important, son attachement au rôle), veuve de 33 ans. Elle évolue dans un univers très féminin ayant comme seules images masculines proches son oncle, Paul, médecin et son fils Antoine, 17 ans.

Il ne faut pas en vouloir à Maman, si Dieu l'a pourvue d'un don d'amour sans discernement. Tant d'honnêtes poules couvèrent, sous leurs ailes rognées, l'essor, bleu et vert métallique, d'un beau canard sauvage ! (p66)
Minne  est  romanesque, elle ne rêve que d'aventures, trouvant sa vie très terne et stricte. Elle imagine de folles histoires et va même jusqu'à s'inventer une idylle avec un chef de gang qui rôde dans Paris et dont les frasques sont relatées dans les journaux. Face à ses rêves, l'amour de son cousin Antoine est bien pâle. Quand ils se retrouvent lors de séjours à la campagne, Minne ignore celui-ci et lui avoue qu'elle vit un amour interdit et va jusqu'à s'enfuir pour le rejoindre.

L'adolescence de Minne manque de sel, sans père, très protégée par sa mère, à Paris, ville où tout peut arriver. Elle possède une imagination très féconde, elle est sans peur, se retrouve dans des situations abracadabrantes et parfois dangereuses. Mais Colette donne à son personnage la faculté de ne voir que le bon côté des choses, de tout relativiser, d'imaginer tout un univers qui lui permet de s'accommoder de la routine familiale.

Les relations avec son cousin, Antoine, de 3 ans son aîné, sont très bien rendues : lui a passé le cap de l'adolescence et ressent des sentiments plus adultes. le décalage entre les deux  est bien rendu, le sérieux de l'un par rapport à la légèreté enfantine de l'autre.

Dans la deuxième partie on retrouve Minne, mariée à son cousin Antoine. La vie de son couple manque de piquant et Minne, n'ayant pas perdu son tempérament fantasque, attend la Révélation dont parlent toutes ses relations féminines. Elle multiplie les amants, beaux, laids, jeunes, vieux,  uniquement pour trouver le frisson, l'homme qui la comblera totalement afin de connaître enfin le plaisir.

Guérissez-moi :! Donnez-moi ce qui me manque, ce que j'appelle si humblement, qui me ravalera au rang des autres femmes !....Toutes les femmes que je connais parlent de ça, dès qu'elles sont seules ensemble, avec des paroles et des regards qui salissent l'amour.... Tous les livres aussi ! Et il y en a qui sont d'un formel ! (p112)
Minne, femme mariée, devient une sorte d'objet réduit à son rôle de femme au foyer, femme que l'on sort, elle n'existe qu'en tant que femme de. Colette l'entoure d'un panel d'hommes représentatifs des mentalités : jeune amoureux fou d'amour, indifférent, plus âgé et philosophe, mari gentil et aveugle.

Elle garde cette fraîcheur et ce côté fantasque, ne trouve pas dans son mariage l'épanouissement qu'elle espérait et va partir en quête de l'Extase, Du Plaisir, de ce qu'elle lit sur les visages des hommes auxquels elle se donne, de ce dont les femmes chuchotent dans les salons. C'est une quête directe, franche, déterminée, elle ne veut pas s'encombrer de sentiments : elle choisit l'homme, s'offre à lui et le quitte désabusée.

Mais, encore une fois, il défaille seul, et Minne, à le contempler si près d'elle immobile, mal ressuscité d'une bienheureuse mort, déchiffre au plus secret d'elle-même les motifs d'une haine naissante : elle envie férocement l'extase de cet enfant fougueux, la pâmoison qu'il ne sait pas lui donner : "ce plaisir-là, il me le vole ! C'est à moi, à moi, ce foudroiement divin qui le terrasse sur moi ! je le veux ! ou bien qu'il cesse de le connaître par moi !...(p117)
C'est une réflexion sur les attentes des femmes, la condition et le plaisir féminins. On rêve sa vie, on est influencé par des lectures, son environnement, on imagine que l'avenir nous réserve des aventures et des amours extraordinaires. Femme on espère trouver l'épanouissement dans son couple, le bonheur total et complet. On le trouve parfois, mais il y a aussi les désillusions.

Colette n'était pas satisfaite de ce roman parait-il, écrit à la demande de son mentor et mari, Willy et elle le remania après sa séparation. Elle fait comme souvent l'éloge du féminisme, des frustrations féminines mais aussi de leurs espoirs et de la prise en mains de leur destin

Elle a souvent choqué,  fait scandale car dans ses écrits elle parle de la femme, de ses désirs, de son plaisir, de sa condition sans détour. Tout ce qui se pense ou se dit dans la tête des femmes, ce dont elle rêve, imagine, elle ose l'écrire, sans faux-semblant et nous sommes au début du 20ème siècle.....

Il y a dans ce récit, comme dans Bella-Vista, une fraîcheur, une gaieté et surtout une écriture très féminine. C'est pétillant, vif, alerte, on suit les aventures de cette jeune fille, parfois très capricieuse et agaçante, comme dans un feuilleton et les thèmes évoqués sont finalement très modernes et encore d'actualité.

C'est une écriture vive, alerte, très descriptive, Colette s'amuse des conventions, elle observe, critique à sa manière l'éducation des jeunes filles, leur carcan. Elle a voulu que son personnage soit une enfant gâtée, déterminée, voir capricieuse et égoïste. Elle n'écoute qu'elle-même et fait fit, que ce soit adolescente ou femme, des sentiments des autres. Elle peut être directe, blessante parfois mais reste attachante.

J'ai retrouvé dans l'écriture de Colette, son goût pour la nature, ses observations précises, délicates, féminines :

Prolonger magiquement son sommeil, ouvrir ses bras assouplis, baiser ses paupières transparentes que bleuit le noir caché de ses prunelles..... (p45)
De courtes phrases qui rythment le récit, le rendent léger, frivole par moment

Minne rêve, au lieu de se déshabiller, bouche pensive, yeux fixes et noirs où se mire, toute petite l'image de la lampe, beaux yeux somnambuliques sous les sourcils de velours blond, dont la courbe noble prête tant de sérieux à cette figure enfantine. (p55)
C'est une lecture agréable qui reste très actuelle sur certains thèmes, parfois un peu désuètes par les situations, l'ambiance et à terminer cette chronique, je ne peux m'empêcher d'imaginer Colette portant un regard sur la femme de 2019, déjà très libre à son époque qu'écrirait-elle ?
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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La préface aurait dû me mettre sur la voie : Colette elle-même explique que la 2ème partie, celle sur la vie de Minne adulte et mariée, n'était pas prévue au départ, qu'elle l'a rajoutée progressivement en essayant d'articuler les choses au mieux, en regrettant néanmoins l'éloge de l'amour conjugal - effectivement, c'est niais et très prévisible...
Je suis complètement d'accord : la 1ère partie est drôle, spirituelle, avec un regard amusé porté sur l'héroïne ; la 2ème partie, elle, est bien plus convenue : une jeune femme belle et intelligente qui s'ennuie dans le monde, ne ressent pas le plaisir, et cherche des aventures pour enfin découvrir l'orgasme - le mot n'est pas prononcé, mais fortement suggéré. Si le roman a peut-être choqué lors de sa publication, ce n'est pas le cas aujourd'hui. le mot libertine semble excessif appliqué à Minne - elle n'a après tout "que" trois amants. Et puis elle semble surtout être une gamine qui n'a pas encore grandie - même sa poitrine est très plate, qui ne connaît ni les sentiments ni la sexualité. Ce n'est donc pas une vraie "libertine. Elle ne ressemble pas au personnage de la 1ère partie, plus de sentiments exaltés mais un ennui de bourgeoise.
Car la 1ère partie est intéressante et amusante. Minne est présentée comme une fille modèle, obéissante, polie, timide, respectueuse... Une "ingénue" donc en apparence. Or, sa vie intérieure est bien plus riche car, tout en souriant à sa mère, elle rêve de bandits, les Apaches qui ont terrorisé Paris, s'image être la fiancée de leur chef... le rêve et l'imagination s'opposent à la réalité terne du quotidien, à l'âge de l'adolescence et de son envie d'évasion - au sens propre d'ailleurs, puisque Minne sort de chez elle en pleine nuit, avec ses chaussons et sa petite voix fluette. Elle est confrontée à la pauvreté, à la violence, au froid et à la peur - même si nous, lecteurs, nous ne tremblons jamais vraiment pour elle grâce à l'humour de l'écriture. Elle ne rencontre pas les bandits romantiques de ses journaux et de ses rêveries, mais elle se confronte à la misère de ceux qui traînent dans les rues la nuit.
Un roman qui aurait pu (dû ?) s'arrêter à cette première partie.
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Une rencontre avec cet écrivain.
Cette vie d'une femme à la recherche du plaisir physique, du bonheur, du don de soi-même.
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