Le monde se sépare en deux : ceux qui parlent de problèmes économiques, et ceux qui parlent de l'économie comme d'un problème. Lorsque l'on a cessé de débattre dans cet imaginaire, on peut enfin prétendre à lutter contre l'aliénation. C'est le cas ici.
« du moment que je franchis le seuil de l'atelier du bureau, du magasin, du chantier, d'une salle de classe, de l'université, je ne m'appartiens plus, je suis la chose, c'est-à-dire le simple rouage d'une interdépendance générale d'abord nationale et maintenant de plus en plus mondiale. Je suis le support, l'appendice, le fonctionnaire du sujet automate qu'est le capital. Ma religion m'ordonne de travailler afin de m'échanger, c'est-à-dire d'échanger ma force de vie contre un salaire, une retraite, de l'argent au noir ou une allocation chômage, et ce dès l'école et jusqu'à la mort ; de travailler à la lumière du soleil et à la lumière du néon, de travailler le jour et la nuit, de travailler sur terre, sous terre et sur mer, et bientôt même dans l'espace et dans le monde l'infiniment petit ; de travailler partout et toujours. Toute ma vie éveillée est aspirée, colonisée et dévorée par ce Moloch du travail si bien que je perds ma vie à vouloir la gagner. »
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Un livre subversif dont les auteurs fomentent une critique radicale qui secoue nos esprits saturés d'économisme. Pour eux, il ne s'agit pas de remplacer une mauvaise économie par une bonne , alternative, à visage humain. Il s'agit d'arrêter de croire à cette religion de l'économie. Intéressant.
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L'économie n'est que la forme de vie sociale qu'engendre le capital. Pour pouvoir triompher, c'est à dire pour se valoriser au travers des individus qui ne sont que son support, le capital doit se soumettre la forme de vie sociale, et de l'intérieur, plier la force des individus à ses exigences, en faisant en sorte que les rapports sociaux s'organisent structurellement autour de la production, de l'échange et de la consommation de marchandises. Pour exister, le capital doit placer les individus dans une situation de survie-besoin. L'économie, c'est la communauté matérielle du capital.
Ce mythe de l'économie naturelle est au fondement de notre imaginaire et constitue la principale limite du monde existant. Sa critique systématique est la seule porte de sortie de cet encerclement.
LA RELIGION DE L'ÉCONOMIE
Quel est ton nom ?
Rouage. Mon deuxième prénom est celui de mon grand-père, Salarié.
Quel sont tes parents ?
Mon père était un rouage, ainsi que mon grand-père et mon aïeul. Ma mère qui m'a donné la Vie Économique, se nomme Impuissance politique.
D'où viens-tu, où vas-tu ?
Je viens d'une soi-disant "pauvreté" définie par les économistes et je vais à la misère existentielle de l'ennui organisé comme quotidienneté.
Quel est ta religion ?
La religion de l’Économie et de sa croissance infinie.
Quel devoir t'impose la religion de l’Économie ?
Deux devoirs principaux ; le devoir de renonciation de ce que je suis singulièrement et le devoir de travail en tant que simple rouage d'une chaîne de travail aujourd'hui mondialisée. (...) Toute ma vie éveillée est aspirée par ce Moloch du travail, si bien que je perds ma vie à vouloir la gagner.
En 68 il y avait ce tag dans l’amphi de la Sorbonne qui résumait bien toute la perspective de l’économisme révolutionnaire qui voulait simplement un nouveau partage du gâteau, alors que c’est la recette et le cuisinier qu’il fallait défenestrer: « On ne revendiquera rien, on ne demandera rien ! On prendra, on occupera ! » Aujourd’hui ce serait plutôt : « On ne revendiquera rien, on ne demandera rien ! On désamarrera, on s’auto-organisera ! » Il faut faire en sorte que nous n’ayons plus besoin de l’économie dans chacun de nos actes et moments existentiels, et notamment en faisant circuler dans les liens qui nous rassemblent, les réalisations de la vie autrement qu’au travers des catégories du travail, de la valeur et de l’argent. L’idée sera toujours de s’arranger pour avoir le moins possible à faire avec cette machinerie sociale, de sorte que nos vies n’apparaissent plus sur les tableaux de bord des économistes et des gestionnaires.