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sur 2494 notes
On était des loups, c'est l'histoire d'un chasseur, Liam, un homme fracassé par le drame d'une vie, un homme qui fuit avec son fils de cinq ans, Aru. On ne sait pas trop où ils vont, il y a cette fuite vers un autre versant. Il y a cette promesse faite à son épouse Ava lorsqu'elle était encore en vie, avant qu'elle ne se fasse tuée par cet ours, celle d'aller voir ce lac tout là-bas, dans les contrées lointaines...
Liam, Ava, Aru, dont les prénoms se clament dans le vent désespéré des pages, ne vont plus dès lors nous quitter, ou c'est plutôt l'inverse... Même si Ava est morte, celle qui a eu le temps de protéger son fils tout contre elle tandis que l'ours la déchirait, est encore là parmi eux, c'est comme si elle avait décidé de ne jamais les quitter, de ne jamais nous quitter non plus..
C'est un cheminement autant intérieur que dans les grands espaces traversés par ces deux fugitifs.
C'est une errance à cheval, dans un monde sans pitié. C'est comme une obsession, trouver ce lac, s'y perdre... Puis revenir, reprendre sa vie de chasseur parmi les loups, une vie sans concession où il n'y a pas de place pour un enfant.
Même si c'est un lieu de montagne, c'est presque un territoire intemporel arraché au temps, jamais nommé, arraché aux bourrasques, aux tempêtes, à la solitude de la terre.
Peu à peu le paysage s'inverse, je veux parler du paysage intérieur, celui de Liam, là où l'autrice, Sandrine Collette, a décidé de nous terrer, presque sans notre consentement. Nous sommes là avec Liam, nous sommes là dans la tête de Liam, dans son coeur, dans son ventre, dans ses tripes, dans son sang qui bat dans les chevauchées, dans la traque, dans la solitude, nous sommes là gisant comme un passager clandestin, éperdu de fuite et de déraison.
Peu à peu le paysage s'inverse, celui d'un père qui ne sait pas aimer et qui va l'apprendre dans l'épreuve de ce périple.
Ce texte taiseux, écrit à l'os, a quelque chose d'envoûtant qui ressemble à la beauté sauvage des paysages que nous traversons.
L'écriture de l'autrice est âpre, sobre, magnétique.
La puissance du roman est autant magnifiée par le théâtre d'une nature sublime et impitoyable, que par les labyrinthes intérieurs où ce récit nous invite à nous perdre.
Alors, il n'y avait plus qu'aller jusqu'au bout du voyage, jusqu'au bout de la nuit, jusqu'aux confins du territoire de ce texte où Sandrine Collette avait décidé de m'entraîner...
Dans ce texte qui prend vite l'allure d'une épopée mythique, presque onirique, je dois reconnaître que j'ai été tenu en haleine.
Je ne sais pas s'il en restera quelque chose dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois ou quelques années, lorsque je tenterai de me rappeler les bivouacs partagés avec Liam et Aru dans l'enceinte étroite de la nuit froide comme un métal, tout au bord des pages où ce périple m'a égaré.
Ce texte initiatique raconte finalement rien d'autre que l'itinéraire d'un père qui chemine vers son fils, un chemin semé d'embûches et de pièges. Rien que pour cela, ce roman est beau et vaut le détour.
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Et voilà, mon marathon Sandrine Collette est terminé et si j'avais pensé en retirer une quelconque satisfaction, je m'étais trompée, parce qu'en fait elle va me manquer.
Il est vrai que ça me fait souvent ça quand j'aime vraiment un auteur et que j'avale toute sa bibliographie d'un coup, donc pas si surprenant.
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Dans On était des loups, Sandrine Collette nous entraîne dans les montagnes et les forêts, où les habitations sont rares, la terre rocailleuse, la vie difficile, l'isolement n'aidant pas.
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Liam est un chasseur, et si j'ai un peu frémi d'appréhension au début, mes réserves se sont vite envolées.
Il part souvent longtemps pour traquer le gibier indispensable pour les nourrir, lui et sa femme Ava.
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Mais voilà, Ava s'ennuie pendant ces semaines d'absence et si elle a suivi Liam dans ces contrées sauvages par amour, la solitude lui est vite insupportable et elle veut un enfant.
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Ainsi est né Aru, trognon blondinet qui a un peu plus de 5 ans quand débute l'essentiel du récit.
Sa mère s'en est toujours occupée et Liam n'y prête pas plus attention que ça, sauf en de rares occasions.
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Mais un jour où il rentre de la chasse, Liam trouve Ava morte de l'attaque d'un ours. le petit s'en est sorti et le voilà perplexe. Que faire d'un môme avec la vie qu'il mène ? Seule solution, s'en débarrasser.
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Sauf que tout ne se passe pas toujours comme on le voudrait, et puis cet enfant, il ne savait pas qu'il l'aimait déjà...
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S'ensuit un long périple du père et du fils, chacun sur son cheval, à travers les montagnes, longeant les lacs, faisant des rencontres... pas toujours géniales, les rencontres, et apprenant à se connaître.
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Nous sommes tout du long dans la tête de Liam, et j'ai trouvé ce livre fascinant. Cet homme et cet enfant qui s'apprivoisent petit à petit, même si le silence règne le plus souvent entre eux.
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La plume de l'auteure fait encore une fois merveille, dans ce récit particulièrement poignant, aussi bien dans sa description des personnages que dans celle des paysages traversés.
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Je me suis attachée aux protagonistes, évoluant dans cette nature hostile, si loin de ce que je connais, et j'ai adoré le voyage.
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Au revoir Sandrine Collette. Comme je le dis plus haut, tu vas me manquer.
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Lui, le narrateur, est chasseur. Il vit, ou plutôt vivait, dans la montagne avec Ava et leur fils Aru.
Après une semaine de chasse à la poursuite d'un loup, il retrouve Ava tuée par un ours. Elle a eu le réflexe de protéger Aru
Mais que peut bien faire un chasseur veuf avec un enfant de cinq ans sur les bras ?

Magnifique roman que celui-ci !
On y découvre une vie sauvage, dans les montagnes et les forêts, en un lieu incertain (nord des USA ? Canada ?), en une époque incertaine (fin du XXème siècle, puisqu'aux côtés des chevaux de trait, il y a des avions et des quads ?).
On y retrouve le chagrin et la découverte de l'amour paternel : le narrateur cherche d'abord à se débarrasser d'un fils dont il ne sait que faire, qui nuit à sa liberté. Ils finiront par se protéger mutuellement, au péril de leur vie.
Les personnages sont rustres, pour ne pas dire rudimentaires. Mais l'essentiel tient dans les relations sublimées entre Ava, trop tôt disparu, Aru et son père.
L'écriture contribue pleinement à la magie du roman : un long monologue du père qui fait fi des règles de la ponctuation française. Ce n'est pas un homme qui parle, c'est un homme qui se laisse porter par ses pensées, qui rumine les plus obscures d'entre-elles. Et l'on suit ses réflexions, parfois un peu décousues, mais qui tendent vers un seul objectif : sauvegarder un mode vie tout en préservant son enfant.

J'ai beaucoup aimé cette lecture !
Lien : http://michelgiraud.fr/2023/..
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Une fois de plus, Sandrine Collette nous emmène dans un univers âpre où l'on se sent tout petit, où il faut s'accomoder d'un environnement pas toujours bienveillant, et où la nature est maîtresse. Ce monde-là, la montagne sauvage et ses prédateurs, Liam en a fait son territoire, qu'il partage avec quelques autres solitaires (mais à des heures de cheval les uns des autres), et où il vit avec sa compagne Ava et leur fils de cinq ans, Aru. Ce n'est pas un sentimental, Liam, ce qu'il préfère dans la vie c'est aller traquer du gibier parfois pendant des jours en compagnie des "gros", comme il nomme ses deux chevaux. Il connaît peu son fils, se reposant sur Ava pour s'en occuper.
Mais un jour, après avoir poursuivi un loup qui rôdait trop près de la ferme, il retrouve Ava tuée par un ours, et Aru miraculeusement vivant, protégé jusqu'à son dernier souffle par sa mère. Que faire de ce gamin, Liam est paniqué, et ne sait comment appréhender cette situation qu'il n'avait jamais envisagée. Il tente de confier l'enfant à un oncle et une tante avec lesquels il avait gardé de vagues contacts, mais les choses ne se passeront pas comme prévu. Au cours de leur errance, Liam se questionne sur son manque d'aptitude à la paternité, et sur sa propre enfance, douloureuse. Avec Aru et les Gros, ils parcourront un long chemin, taiseux tous les deux, ne sachant pas communiquer ensemble. Et parfois, ce chemin se révélera semé d'embûches, tant pour l'enfant qui ne sait pas quel sera son sort, que pour le père, confronté à ses manques et à ses pulsions.

Tout le roman est constitué d'un long monologue de Liam, retranscrit tel qu'il pense, avec parfois des phrases interminables à la ponctuation hasardeuse. le vocabulaire est parfois très brut de décoffrage, et à d'autres moments presque délicat. On chemine avec le père et le fils, c'est extrêmement immersif, et on ressent les hésitations, les peurs de Liam, mais aussi ses élans soudains de tendresse envers Aru, ou même envers ses chevaux, sans doute les êtres dont il se sent le plus proche. Il a perdu les codes de la communication, ayant vécu si longtemps à l'écart de toute civilisation.
Cette écriture heurtée m'a un peu déstabilisée au début, j'avoue que j'ai même été déçue, me demandant pourquoi la plupart des critiques de mes ami(e)s étaient si enthousiastes. Mais une fois passé ce cap, je suis totalement entrée dans la tête de Liam, et j'ai partagé ces sentiments contradictoires et cette angoisse à l'idée de la vie qui l'attend avec ce gosse incapable de se débrouiller seul, et dont il ne connait pas du tout les besoins.
Une lecture très émouvante et deux personnages aussi attachants l'un que l'autre, Aru qui visiblement aime ce père si peu paternel mais n'ose pas le questionner, et Liam, torturé par son incapacité supposée à prendre en charge son fils. Bien sûr la nature est omniprésente, sans elle pas d'histoire. Et elle leur en fera voir de toutes les couleurs pendant leur périple à travers la montagne.
Un road-trip psychologique, je ne sais pas si ça existe, mais c'est ainsi que je qualifierai ce roman de la talentueuse Sandrine Collette, dont j'ai pleinement savouré cette aventure empreinte d'émotion.
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Ava et le narrateur vivent reclus dans la montagne, sans doute en Amérique du nord.Ils sont coupés du monde même s'ils ont quelques voisins à quelques heures de marche.Lui chasse, elle se languit d'avoir un enfant, jusqu'au jour où Aru naît.

Très beau roman, dont la sensibilité égale la noirceur apparente.

C'est la rencontre d'un père et d'un fils que les circonstances de la vie vont rapprocher,de force ou de grès.
C'est très bien écrit, le style est percutant tout en laissant une grande place à la beauté des mots.

Ne connaissant pas cette auteure, je dois avouer avoir été happé, tant par le style que par cette magnifique histoire.
Bien sûr, le père , personnage central,est sujet à caution, mais son évolution est un cri d'humanité.

Ce livre m'a rappelé celui de David Vann, sur son île, pour moi complètement raté à côté de celui là., très bien construit et sans temps mort. Cela pourrait même réconcilier quelques lecteurs avec la chasse, la vraie, celle qui permet la survie.
Un excellent moment de lecture.

C'est beau, c'est émouvant à chaque page ,plein de finesse et de sensibilité.
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Sous le charme de la pureté grandiose du lac en couverture, je me suis laissé entraîner au bout du monde, dans les extrémités d'une contrée montagneuse et sauvage – sans doute au nord du Canada. Là-bas, Liam a décidé de vivre une existence primitive avec sa femme, son fils de cinq ans et ses chevaux. Mais un jour, un ours tue Ava, laissant l'homme fou de désespoir. Comment mener cette vie, seul avec l'enfant ? A-t-on jamais vu quelque chose d'aussi fragile qu'Aru survivre dans un endroit pareil ? Tête baissée, l'homme emporte son fils dans un long périple dont la destination reste funestement insaisissable…

La nature ici n'est pas un décor romantique mais un univers gigantesque et terrible, un monde impitoyable, indifférent aux êtres humains. Mais un monde dont Liam a fait son refuge, loin de la civilisation, du bruit, des gens, des souvenirs de son enfance. Un demi-retour lui semble au-dessus de ses forces. Mais comment élever un enfant dans un endroit pareil ?

Ce dilemme terrible fait tournoyer les pensées dans la tête de Liam sans répit ni ponctuation. Ses mots résonnent et restituent puissamment la tectonique des liens filiaux. L'un semble constamment acculé, sur le point de déraper sous l'effet de la rage et du chagrin. L'autre est d'une vulnérabilité désarmante mais pourtant tient bon – on ne sait plus lequel des deux s'agrippe à l'autre.

La tension est d'emblée au plus haut : où cette chevauchée nous mène-t-elle ? Comment basculera la relation entre père et fils ? Il y a quelque chose de très juste et bouleversant dans la manière dont Sandrine Collette évoque, de sa plume instinctive et presque animale, l'attachement infini que nous vouent nos enfants que nous le méritions ou non. Les ressorts de l'instinct paternel, l'amour maladroit des parents qui voudraient protéger leurs petits de la dureté de l'existence. La difficulté de savoir aimer quand on n'a pas été aimé. La honte de savoir qu'on n'est pas toujours à la hauteur. La magie des étincelles de complicité qui surgissent parfois malgré tout.

Omniprésentes, les forces de la nature enveloppent, émerveillent et ballottent tour à tour les personnages. Ce roman, c'est aussi une poétique du chant des loups, de la cabriole des papillons et de la brume après l'orage. Un hommage poignant à un monde majestueux mais fragile.

Loin des sentiers battus, quelque-part entre drame, nature-writing et conte, un texte beau et sombre sur la paternité qui vient d'être récompensé par le Prix Jean Giono et le Renaudot des lycéens.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Sandrine Collette est une autrice dont j'aime lire les récits toujours très différents, même si mon ressenti fait souvent des yoyos émotionnels.
J'ai hésité avant de débuter cette lecture, peur d'être déçue, mais j'ai fini par me laisser convaincre par les billets d'ami.es babeliotes et les thématiques autour de la famille et de la reconstruction.

Attirée également par ce magnifique bandeau entourant la couverture dans lequel on peut voir un magnifique lac teinté d'un bleu froid rappelant les paysages canadiens. Cette photographie est comme un microcosme où les hommes isolés, égarés, survivent dans une nature sauvage, indomptable et sans pitié.

J'ai commencé cette histoire avec un soupçon de méfiance, mais tentée par ce voyage.
Puis petit à petit, s'est dessiné un tout autre voyage, plus intime dans lequel un homme part à la rencontre de lui-même et de son enfant.
Un voyage douloureux et bouleversant.

« … en ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes ça ne faisait pas de différence on était le monde. le chant des loups nous appelle parce que c'est notre chant et aussi loin qu'on puisse remonter il y a l'éclat d'un animal en nous… »

*
Liam vit dans les montagnes, au milieu de nulle part avec sa femme Ava et son tout jeune fils Aru. C'est une vie dangereuse et solitaire qu'ils ont choisie, mais une vie qui correspond au tempérament de Liam.
Un jour, en rentrant de la chasse, il s'attend à trouver son fils jouant devant la maison, puis courant à sa rencontre, heureux de se jeter dans ses bras. Mais ce sont le silence et le vide qui l'accueillent.
En s'avançant dans la cour, le jeune homme découvre alors le corps sans vie d'Ava, lacérée par les puissants coups de griffes d'un ours. Sous son corps mutilé, Aru est indemne, sa mère ayant réussi à le protéger de l'animal.

Commence alors un long périple initiatique, un combat intérieur dans un superbe décor où l'homme et l'enfant vont cheminer pour apprendre à s'apprivoiser, s'accepter, s'aimer.

« C'est le jour où elle est morte que j'ai compris que le monde sans quelqu'un pour qui on donnerait tout c'est l'enfer, et pour moi l'enfer c'est quand il n'y a plus de sens, où que tu ailles ça sonne creux. Quand c'est creux c'est vide ce n'est pas compliqué tu tends la main et il n'y a rien ni personne. »

*
C'est vraiment l'écriture de l'auteur, à la fois tendue, dense, sèche, voire bourrue qui m'a séduite et a participé à mon immersion dans le récit. Ce changement de style de Sandrine Collette est saisissant au regard de ses autres romans et demande un peu d'attention au départ, mais on s'y habitue très vite, y trouvant même un rythme, une pulsation.

En effet, l'écriture sous forme d'un monologue s'est adaptée au sujet en s'allégeant des marques de la ponctuation, ce qui donne beaucoup de fluidité au récit. La lecture aurait pu en être allégée, mais au contraire, sans aucune respiration, les longues phrases participent à rendre le récit oppressant et inquiétant.

*
C'est un roman qui m'a accrochée par ses nombreux contrastes.
Tandis que le récit s'ouvre sur un environnement grandiose, hostile, sans cadre spatio-temporel, Sandrine Collette choisit d'isoler ses personnages. Perdus dans cette immensité, leur monde fragile et instable vacille et le drame qui les touche nous enferme dans un huis-clos sombre et intimiste.

Mais l'histoire brutale, rêche, est traversée par des instants inattendus et bouleversants. Dans cette atmosphère chargée et âpre, c'est un peu comme si la lumière du soleil réussissait à pénétrer le feuillage des arbres, révélant la beauté intérieure de Liam, étouffée par le chagrin, la colère, l'impuissance et la sauvagerie.

« … il y a la colère et elle enveloppe tout, elle efface le reste. Ça fait des jours qu'elle monte à l'intérieur, je la vois venir et je suis incapable de l'arrêter. Ça fait des jours qu'elle me bouffe dedans. Je ne sais pas où la mettre et je la jette contre tout ce qui passe les arbres la roche le môme, je voudrais hurler pour dire que ça ne va pas seulement je ne hurle pas et ça reste au fond de moi et les dégâts sont immenses. »

Ainsi, la nature, avec ses nuances et ses reflets, est comme un miroir de l'âme humaine. Dans ce décor impitoyable, les montagnes et les forêts résonnent de cris et de silences intérieurs. Les hommes sont face à eux-mêmes, à la violence d'autrui, leurs liens sont ténus et la mort familière.
L'amour y est bien fragile, une toute petite flamme qu'un souffle de vent peut éteindre.

« Il n'y a pas de mots pour définir ce qui m'étreint et je me dis que c'est pour ça que je vis ici, pour toucher du doigt, du bord du coeur, le territoire sauvage qui survit en moi et à ces moments-là quand les loups hurlent dans la montagne je sais que je ne suis pas seul. »

Comme tout enfant, Aru idolâtre son père qui lui, ne sait pas comment l'aimer en retour. Car la vie n'a pas été tendre avec lui, car Liam n'a jamais appris à aimer. Alors, l'innocence, la douceur, la sensibilité et les silences de l'enfant se heurtent à l'irascibilité et au chagrin de ce père taiseux.
Sans filtre, les pensées de Liam m'ont touchée, remuée, secouée. Car elles sont violentes, douloureuses, choquantes, basses, inavouables.

*
Comme dans tous ses romans, Sandrine Collette malmène son personnage principal, le confrontant à son passé pour le mettre face à ses manques présents.
L'autrice dépeint, avec justesse et finesse, la complexité des relations humaines, de même que les émotions et sentiments qui habitent et tourmentent Liam, et de manière plus subtile ceux de l'enfant.

Entièrement centré sur Liam, l'autrice ne nous épargne rien de ses pensées, de ses peines, de son désarroi, de sa colère rentrée. On est dans son esprit et on y découvre un homme aux deux visages : sauvage, solitaire, maladroit, irascible, violent, on perçoit de manière plus discrète, toutes ses faiblesses, toute son inaptitude à tisser des liens avec les autres, à avoir de l'empathie, à aimer.

En se demandant comment cet homme démuni peut arriver à s'occuper d'un enfant si jeune, si vulnérable et désarmé, l'autrice ne laisse d'autre choix au lecteur que de poursuivre cette lecture devenue à la fois prenante et éprouvante.
En cela, elle nous questionne sur les liens de sang, l'instinct paternel et l'amour filial.

*
Ce que je retiens également, ce sont ces plans larges sur des paysages décrits de manière aussi grandiose et majestueuse que puissante et implacable.
J'ai aimé voyager avec eux, les lacs d'un bleu intense et les forêts qui prennent d'assaut les montagnes irradient d'une beauté froide.
Le soir, mon esprit s'unissait aux hurlements des loups avant que le silence ne s'installe tout doucement autour de moi. Quoi de plus beau que d'écouter leurs chants qui redéfinissent si bien la juste place de l'homme dans la nature, l'incitant à plus de respect et d'humilité.

Puis mon regard se posait sur Liam et son fils, chacun retranché dans un mutisme pesant et malaisant et mon coeur se serrait.

*
Pour conclure, Sandrine Collette surprend à nouveau ses lecteurs avec ce récit sombre piqueté d'éclats de lumière. En adaptant parfaitement fond et forme, l'autrice nous livre une intrigue surprenante et particulièrement touchante.

Un beau roman que je vous invite à découvrir.
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Un roman pas comme les autres.
Pourquoi pas comme les autres ? Parce qu'il s'agit d'un monologue. Liam nous dévoile tout, sa vie, ses pensées, son ressenti. Il évoque, pêle-mêle, tout ce qui lui arrive.
Liam est marié à Ava, ils ont un fils Aru, ils vivent dans la montagne (j'imagine l'Alaska ou le nord Canadien). C'est un homme de nature il passe sa vie dans la nature à chasser pour subvenir aux besoins de sa famille. C'est un homme rude, peu loquace, il a d'ailleurs du mal à se voir père.
Mais quand Ava décède, tuée par un ours, il reste seul avec Aru, il ne veut pas garder cet enfant et décide d'aller le confier à un oncle.
Un père peut-il se séparer de son fils ? C'est pourtant ce qu'il décide de faire. Heureusement tout se déroulera autrement. Et si Liam se sent si peu la fibre paternelle, Aru, lui va entreprendre de l'apprivoiser, ce qui ne sera pas chose facile.
Quel beau récit nous transmet Sandrine Collette, son écriture, fluide et belle m'a séduite, elle a su retranscrire tout ce qui peut se passer dans la tête d'une homme sauvage, solitaire, épris de nature, jusqu'à le rendre attachant, autant que son fils de 5 ans.
Un livre plein de vie, on y fait le plein de paysages, de tendresse, d'émotions et on ressent parfois un sentiment de peur. La peur pour le devenir de l'enfant, la peur pour l'avenir, pour la vie.
J'ai lu ce livre avec avidité, c'est un véritable coup de coeur.
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Quelle écriture ! Au départ le thème me tentait moyennement, et en plus je ne connaissais pas cet auteur (je l'ai lu pour le challenge de rentrée). Et puis une fois commencé, impossible de le lâcher. L'écriture, sur le mode d'un long monologue intérieur, véritable flux de pensée, est une totale réussite, je me suis sentie embarquée dans les pensées de Liam. Un tour de force car Liam est un taiseux, peu à l'aise avec ses semblables, et encore moins avec les mots. Il vit en autarcie en pleine montagne avec sa compagne Ava et leur fils Aru. Mais voilà qu'Ava décède soudainement alors qu'Aru n'a que cinq ans. Liam est en plein désarroi, désemparé. Il ne s'était jusque là pas encore vraiment senti père. le récit dure le temps qu'il faut à Liam pour digérer un temps soit peu les événements et surtout pour se sentir devenir père. Des souvenirs lui reviennent, il doit prendre des décisions, ses pensées se bousculent, des émotions auxquelles il n'est pas habitué et qu'il ne sait pas exprimer l'envahissent, le submergent, et nous avec. C'est dur, brut, parfois violent. Tout le texte sonne incroyablement juste dans son économie de mots, et en même temps il s'en dégage une forme de tendresse et de poésie. On a l'impression qu'il n'y a ni chapitres ni ponctuation. Mais le récit est bien découpé en paragraphes de façon très classique. Et il y a aussi de la ponctuation, avec un grand manque de virgules, celles des pauses de respiration, comme pour souligner que ça se bouscule dans la tête de Liam. Ce texte donne l'impression de jouer sur le seul registre de l'émotion mais finalement il démontre magistralement que même un individu aussi mal préparé à cela que Liam peut cheminer vers l'humanité qui couve en lui. Une très belle découverte !
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Ici ce n'est pas une vie pour grand monde. Une vie rude dans la nature, c'est marche ou crève. Ils sont seuls au monde avec Ava et Aru leur fils de cinq ans. Elle était étudiante, elle ne savait pas trop quoi faire de sa vie, lui, il ne supportait pas bien les gens, il voulait vivre au milieu de nulle part, chasser et vendre ses peaux, voir le soleil se lever chaque matin sur la montagne. Cette vie elle ne l'a pas vraiment choisie, elle l'a suivie c'est tout. Ils ne vivent pas dans le même univers. Ava est allongée sur l'herbe, quand l'ours est venu elle a serré son fils tout contre elle pour le protéger. La nuit, pendant que l'enfant dort, il creuse le trou pour l'enterrer. Il ne peut garder l'enfant avec lui, il ne peut chasser et courir la montagne avec lui.

Une histoire magnifique écrite avec des mots simples qui subliment le récit. Une atmosphère hostile, le chant des loups, l'ours qui menace, l'orage qui éclate violemment dans la montagne. Une nature sauvage où il faut se battre chaque jour pour survivre, un enfant n'y a pas sa place. Sandrine Colette nous raconte avec talent comment un gosse de cinq ans va réussir apprivoiser un homme plus sauvage que les animaux qui l'entourent. C'est un roman dur mais empli d'une beauté, d'une poésie et d'une grâce rares. Un coup de coeur, le premier de cette rentrée littéraire.
Merci infiniment aux éditions JC LATTES pour leur confiance.
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