Qui sont les lecteurs de romans policiers ? La lecture de tels ouvrages a-t-elle connu une légitimation ces dernières années ? Comment en vient-on à lire ces oeuvres ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions auxquelles tentent de répondre les lecteurs de cette passionnante étude.
Nulle tentative ici d'établir un portrait-robot du lecteur de roman policier ou de tel genre de roman policier (roman noir, thriller, policier « ethnologique » ou historique…). Au contraire, les auteurs insistent sur la diversité des gros lecteurs de policiers, même s'ils dégagent quelques traits communs aux différents lecteurs qu'ils ont rencontrés. Lire le noir s'affirme ainsi comme un travail nuancé, respectueux des enquêtés, et dans lequel tout lecteur de romans policiers pourra se reconnaître au moins en partie (même si on peut regretter le petit nombre de jeunes interrogés, parti pris de départ alors même que les auteurs actent la multiplication des policiers destinés à la jeunesse).
Un essai à réserver cependant aux gens intéressés par la sociologie, car le texte demeure, malgré de notables efforts de pédagogie de la part des deux chercheurs, difficile d'accès pour les non-initiés.
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Voici un ouvrage sociologique intéressant qui traite des lecteurs de romans policiers. Plus d'une quarantaine de lecteurs se sont prêtés au jeu des auteurs ce qui donnent des entretiens poussés sur leur lectures, leur vision du policier comme "littérature" et comme "distraction" et bien d'autres questions.
Si les auteurs essaient clairement d'ouvrir les résultats de leurs enquêtes aux néophytes , il m'est arrivé plus d'une fois de relire une phrase sans en saisir le sens ou de sauter un paragraphe trop obscur.
Je conseille tout de même à tout lecteur de "rom'pol'" curieux de tenter la lecture de cet ouvrage : les extraits des entretiens et les différents portraits des lecteurs valent à eux seuls cet effort.
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Au premier réflexe, la participation des genres policiers au pôle des lectures de distraction semble aller de soi. Ne se refusent-ils pas aux prétentions esthétiques du roman ou de la poésie ? Si quelques auteurs (Cook, Ellroy) se risquent à ce qui peut se décoder en évocation de l’âme et de la condition humaine, l’idée d’une littérature de salut paraîtra grandiloquente ou déplacée aux habitués d’Hercule Poirot, Montalbano ou Galeran de Lesneven.
Ce livre est né d’une commande officielle, formulée au printemps 2002 par la bibliothèque publique d’information (Bpi) au Centre Pompidou et la direction du livre et de la lecture (DLL) du ministère de la Culture et de la Communication. L’enjeu de la demande portait sur les problèmes de réception des littératures policières. La légitimité littéraire acquise par le genre avait-elle modifiée le profil de son lectorat, les manières de le lire ? Quel était l’état d’une offre de littératures policières qu’il faut désormais évoquer au pluriel ? Lisait-on des policiers uniquement pour se distraire ? Quelles pouvaient être les trajectoires sociales, les biographies prédisposant à des affinités avec le genre ? Quels dispositifs d’enquête inventer pour répondre à ces questions ?
L’institution scolaire a joué en ce domaine un rôle important. Jadis ostracisées, les littératures policières ont intégré les programmes. Armelle, une professeure de français de notre échantillon, utilisait Daeninckx en cours et explique que ce type de livre permet de mobiliser jusqu’aux élèves les plus rétifs à la lecture. Les services pédagogiques des académies et les éditeurs scolaires produisent pour les enseignants de français des modes d’emploi des genres policiers en classe10, des auteurs policiers sont invités dans les cours de français.
Au sein de ces lectures, les genres policiers occupent une position particulière. Cette singularité a souvent été associée – y compris par nous-mêmes en traitant du néo-polar – à une charge subversive liée au rôle de la violence, au positionnement politique des auteurs ou à la nature des enjeux sociaux mis en récit. Sans disqualifier ces analyses, notre enquête nous a conduits, en passant d’une composante spécifique du genre à la globalité des récits policiers, à poser d’autres questions, à devenir sensibles à d’autres singularités.
Très peu des personnes rencontrées expriment un rapport coupable à leurs lectures policières. Soit elles considèrent que la dignité littéraire de ces œuvres va de soi, soit elles expriment un rapport militant, revendiquent la qualité, parfois la supériorité (esthétique, littéraire, sociale) de ces récits. Cette position s’observe y compris et d’abord chez des interlocuteurs qui, par leurs origines, leurs scolarisations ou leurs métiers, disposent de quartiers de noblesse culturelle, de diplômes universitaires.
Mediapart 2012 : «Les fragilités de notre démocratie» .Retrouvez la vidéo du premier débat de notre émission en direct , avec deux chercheurs, intellectuels, politologues, économistes, historiens? Annie Collovald, sociologue spécialiste de l?extrême droite et du vote FN, et Christophe Prochasson, historien, auteur de La gauche est-elle morale?