Une petite bourgade en bord de mer vit de sa seule usine. Une usine de confection, lancée au début du vingtième siècle par un gars courageux et ouvert, qui en a fait une entreprise où les couturières viennent de loin s'engager, car les conditions de travail et les relations sociales y sont devenues un modèle.
Deux générations plus tard, Vincent, le petit-fils du patron devenu une légende locale, est encore là, mais il n'a plus la fibre. D'autant que sa vie a été marquée par un terrible accident de voiture qui a eu lieu le 12 juillet 1998. En ce jour de finale de coupe du monde, lui et deux copains Patrick, le fils du maire, et Maxime, un jeune prometteur, sont rentrés trop fatigués de boite de nuit. Nuit terrible, pour eux, et ô combien pire pour Marie, jeune fille du cru qui vivait alors à Nancy.
Hervé Commère reprend le fil de leurs histoires vingt ans plus tard, alors que leurs destinées les ont menés qui à la tête de l'usine familiale, qui maire comme son père, qui simple ouvrier mécanicien, qui femme de ce dernier. Des relations complexes unissent ces personnages, liés par leurs secrets et par leur commune appartenance à cette ville où le monde commence et finit avec les lingeries Cybéle. Un petit endroit où William le policier va revenir bien des années après y avoir vécu des vacances et alors que l'un des protagonistes va disparaître à son tour.
Commère alterne dans ce livre, quelques moments brillants et d'autres plus poussifs. le démarrage du livre est par exemple parasité par les apartés de l'auteur, qui avertit le lecteur de l'importance pour chacun des personnages de la nuit de 1998. Procédé littéraire pesant. La suite avec notamment l'explicatif sur la création de l'entreprise, les grandes idées sociales qui y sont associées, le basculement dan l'économie moderne est beaucoup plus vivant. le cynisme des pratiques de l'avocat engagé pour convaincre les ouvrières d'accepter une vente purement financière fait froid dans le dos. Et pourtant ce genre de comportement doit exister.
L'écheveau des relations entre les principaux personnages nourrit la partie « policière » de l'ouvrage, à l'intérêt somme toute limité, car en grande partie prévisible.
Mais, si le suspense n'est pas le point fort du roman, Commère décortique avec finesse leur psychologie. Tous à des degrés divers n'ont pas réalisé leurs rêves de gosse. Tous ont plus ou moins l'impression d'être dans des impasses, dont il est difficile de fuir.
Reste que si l'ensemble est très travaillé, très juste dans la représentation sociale, le récit comporte quelques longueurs. Et la dernière partie, au côté théâtral, est franchement de trop. Il y avait moyen d'arriver vers ce final sans faire dans le face à face verbeux.
L'impression finale est d'avoir lu un bon livre, aussi sociologique que policier, mais dont le rythme est inconstant.