La modernité de Baudelaire, c’est la résistance à un monde moderne où tout devient périssable ; c’est la volonté de conserver et de transmettre quelque chose de durable.
Après tout, le « mot trop grossier » de Baudelaire sur Hugo n’est peut-être pas aussi illisible que je l’avais cru. Y revenant, aidé, je lis sous les fines hachures : « Vraiment il m’emmerde.» Voilà comment le poète du Cygne s’exprimait en privé sur le poète des Contemplations.
L’œuvre de Baudelaire est mince, mais la valeur ne se mesure pas au volume. Un moment vint où les rares poèmes de Baudelaire dépassèrent les milliers de vers de ses rivaux.
Or, pour dénoncer ou pour louer le réalisme d'Une Charogne, la peinture complaisante d'une nature non plus belle et bonne, mais corrompue et corruptrice, laide et répugnante, il fallait avoir oublié la tradition de la Vanité..."souviens toi que tu es mortel"
Il est certain que si l'on veut creuser cette situation, on trouvera au fond de la pensée du rieur un certain orgeuil inconscient. C'est là le point de départ : moi, je ne tombe pas; moi, je marche droit, moi mon pied est ferme et assuré. Ce n'est pas moi qui commettrais la sottise de ne pas voir un trottoir interrompu ...
Le Sage ne rit qu'en tremblant... une maxime lue chez Bossuet. Le rire vient de l'idée de sa propre supériorité. Idée satanique...
Ensuite, Baudelaire est un sujet autrement plus périlleux que Montaigne.
L'auteur des Essais, on l'aime pour sa franchise, sa modération et sa. modestie, sa bienveillance et sa générosité. C'est un ami, un frère, "parce
que c'était lui, parce que c'était moi»., et il est l'auteur d'un seul grand livre que l'on garde volontiers à son chevet, dont on relit chaque soir quelques pages afin de mieux vivre, plus sagement, plus humainement.
Alors que le poète des Fleurs du Mal, et plus encore celui du Spleen de Paris, est un homme blessé et amer, un cruel bretteur, un fou génial, un agitateur
d'insomnies.
Paris n'était pas alors ce qu'il est aujourd'hui, un tohu-bohu, un capharnaüm, une Babel peuplée d'imbéciles et d'inutiles, peu délicats sur les manières de tuer le temps, et absolument rebelles aux jouissances littéraires.
Un homme épouvantable entre et se regarde dans la glace.
"-Pourquoi vous regardez-vous au miroir, puisque vous ne pouvez y voir qu'avec déplaisir ?"
L'homme épouvantable me répond : "-Monsieur, d'après les immortels principes de 89, tous les hommes sont égaux en droits ; donc je possède le droit de me mirer ; avec plaisir ou déplaisir, cela ne regarde que ma conscience."
Au nom du bon sens, j'avais sans doute raison ; mais, au point de vue de la loi, il n'avait pas tort.