La belle saison, de plus en plus éreintée par le vent, la pluie et la grisaille, n'en finit pas de s'effilocher tout au long de septembre.
Et, voilà que s'avance l'hiver et son cortège d'avanies.
Voilà que pour chaque marin s'annoncent de dures journées, et de tristes nuits agitées.
De ce livre, lorsqu'on l'entrouvre, nous parvient déjà le lugubre sifflement et le fracas des tempêtes promises.
Ce livre est un livre âpre, dont le vent glacé et le tumulte des flots ont poli les mots.
Émile Condroyer, son auteur, pour ne pas alimenter les poncifs et grossir la foule des mensonges, dit s'être "donné la peine de l'observation directe".
Pourtant, même si elle se veut sincère, la littérature, qu'il tisse ici, est empreinte de merveilleux et frappée de superstition.
L'ouvrage est au carrefour des genres.
Il décrit une réalité hors de la norme dont un légendaire s'est emparé.
"Le phare veille une horde de trépassés, et protège la vie".
"Les hommes dans la tempête" est paru en 1930 aux éditions de la Nouvelle Revue Critique.
Émile Condroyer, plus fidèlement que par la photographie, y a fixé le quotidien de ces marins à l'ancre, gardiens de feux, dont le ressac et la tempête emplissent les jours.
Le "paradis" est celui des phares qui se dresse sur le littoral ou sur une île.
Le "purgatoire" est de ceux qui n'a qu'un îlot pour base.
"L'enfer" c'est les autres, les isolés qui, plantés dans la houle, font face aux fonds brumeux des horizons marins.
La vie qu'on y a mené enfièvre l'imagination, intéresse la littérature.
La plume de Condroyer possède le talent de donner la vie.
Le livre est dédié à l'ingénieur Fernand Crouton, celui-là même qui, chargé d'un service de balisage comportant des risques exceptionnels, n'a jamais craint de s'exposer dangereusement pour secourir les gardiens et veiller à l'état du feu.
Ce livre est celui des hommes et des éléments.
Il s'intéresse à la construction et au quotidien de ceux des phares que l'on dit appartenir à "l'enfer".
La jument d'Ouessant ...
Le phare de Kéréon, posé sur "Men-Tensel" la pierre hargneuse ...
Ar-Men ...
Le phare de Tevennec, hanté dit-on, où les gardiens ont refusé d'habiter ...
Gorlèbella-la-Vieille ... Pourquoi la "vieille" ?
Pourquoi ce mot qui, en Bretagne désigne une sorcière ? ...
"les hommes dans la tempête", qui se referme sur un hommage aux sauveteurs en mer, est un livre magnifique.
Il est une sorte de peinture prise sur le vif, un légendaire posé entre quotidien et admirable, écrit entre l'entretien des boiseries tâchées, des cuivres piqués de vert de gris et l'alerte perpétuelle, les missions périlleuses, les peurs irrationnelles ...
Commenter  J’apprécie         452
Le raz qui écume à ses pieds roule trop de légendes dans ses remous et dans ses lourdes et fuyantes intumescences pour que ne monte pas vers la Vieille un relent de choses fabuleuses, pour que tout ce qui touche à elle ne semble pas magiquement ordonné afin de lui conserver son âme maléfique ...
Le phare est seul comme le génie.
Le phare possède l'harmonie d'une architecture parfaite et la rigueur d'un chiffre.
Le phare dissipe l'équivoque mortelle des nuits en mer : il est l'étincelle d'intelligence précise qui brille dans le désordre de la nature.
Le phare est donc devenu un symbole ...
Des cordes fixées à la coque par un bout, à la hauteur de chaque banc, et terminées par un disque de liège, doivent servir à maintenir les dix rameurs à leur place.
"En cas que le canot chavire, ajoute LeBras, on se cramponne à eux comme à des flotteurs".
Il tape sur le coffre avant, m'explique la manoeuvre du "redressement" :
- Le canot tourne, si une grosse lame le prend par le travers. Il tourne quille en l'air, fait la barrique, puis se remet d'aplomb.
- Et vous ?
- Nous, on saute à l'eau et on remonte après en s'accrochant aux cordes. Mais j'en connais qui se cramponnent aux bancs à pleins bras et qui tournent avec le canot".
Et cela le fait rire ...
Ce n'est pas qu'il fût copieux, mais le repas dura assez longtemps parce que l'estomac était sans appétit et qu'au surplus cela tuait le temps.
Ils mangeaient en silence.
Tout l'océan pesait sur eux.
La nuit visqueuse collait aux carreaux ...