Quel âge as-tu, Jesse ?
— Vingt ans.
— Eh bien, mais… qu’est-ce que tu fabriquais chez Madonna ? Elle n’est pas un peu vieille pour toi ?
— C’est pas ça. C’était pour ma mère.
— Tu harcelais Madonna pour ta mère ?
— Je ne harcèle personne, moi. Je voulais juste avoir son autographe pour ma mère ou alors voir si elle aurait pas eu une photo ou quelque chose qu’elle aurait pu me donner. Je voulais envoyer quelque chose à ma mère et là j’ai rien. Vous savez bien, pour lui montrer que ça allait. Je pensais que, si je lui disais que j’avais rencontré Madonna, j’aurais moins l’impression d’être un… enfin, vous voyez. Madonna, j’ai grandi avec parce que c’était ce qu’écoutait ma mère. Je me disais que ça serait cool de lui envoyer quelque chose. Ce sera bientôt son anniversaire et j’avais rien.
Il tendit la main et s’empara du sac à dos. L’ouvrit et y trouva surtout des habits et des objets personnels appartenant au témoin potentiel. Il y avait un livre de Stephen King, Le Fléau, et un sac contenant un tube de pâte dentifrice et une brosse à dents. Maigres biens pour une existence tout aussi maigre.
.../...
- Il va nous faire perdre nos écussons, Harry, eh bon, ça ne me gène pas de tomber dans l'exercice de mes fonctions, mais pas pour ce que nous venons de faire.
Bosch l'admira d'avoir dit "nous" : ça lui donna la patience de très calmement faire un pas en arrière avant de poser la main sur l'épaule de son coéquipier.
- La ferme, Cliff ! cria Bosch. Ici il n'y a qu'un seul mec qui finira dans les chiottes et ce mec, ce sera toi quand tu iras retrouver tes potes de la Tactical et que tu leur diras comment tu t'es fait ficeler par deux péquenauds du coin.
Quel est donc ce monde où l'on peut presser la détente d'une arme pour tuer quelqu'un en invoquant le nom de Dieu ?
Rien n’est plus ingénieux que d’imputer un crime à un terroriste qui ne l’a pas commis. Il n’a aucun moyen de se défendre.
Il n’y avait à présent plus aucun doute. Il la tenait. Mais c’est alors que, inquiétude et doute, une ombre passa sur le visage de Walling, tel un nuage d’été.
nous fera croire qu’on est dans le même bateau, alors qu’en réalité on ne fait plus partie de rien et qu’eux, ils se sont barrés par la porte de derrière.
L'appel arriva à minuit. Réveillé, Harry Bosch était assis dans la salle de séjour, dans le noir. Il aimait se raconter qu'il faisait ça parce que ça lui permettait d'entendre mieux le saxophone. En s'interdisant un sens, il en exacerbait un autre.
Mais, tout au fond de lui-même, il savait la vérité. Il attendait.
L'appel était de Larry Gandle, son patron à la section Homicide Spécial. C'était le premier qu'il recevait dans ses nouvelles fonctions. Et c'était ce qu'il attendait.
- Harry, vous êtes debout ?
- Oui.
- C'est quoi, la musique ?
- Frank Morgan, en direct du Jazz Standard de New York. Le type qu'on entend au piano est George Cables.
- On dirait All Blues.
- En plein dans le mille.
- C'est grand. Et je n'ai pas envie de vous en arracher, mais...
Bosch prit la télécommande pour arrêter le son.
- De quoi s'agit-il, lieutenant ?
- Les types du commissariat d'Hollywood veulent que vous passiez prendre une affaire avec Iggy. Ils en ont déjà trois en route et ne peuvent pas se charger d'une quatrième. Sans compter que celle-là pourrait prendre des allures de hobby. Ça ressemble à une exécution.
Le Los Angeles Police Department comprenait dix-sept secteurs géographiques, chacun avec son commissariat, son bureau des inspecteurs et sa brigade des Homicides. Cela dit, les brigades de division étaient en première ligne et ne pouvaient pas s'enliser dans des affaires de longue durée. Dès qu'il s'y produirait un meurtre avec le moindre tenant ou aboutissant politique ou médiatique, on le refilait en général à la section Homicide Spécial, qui officiait dans les bureaux de la division Vols et Homicides de Parker Center. Tout dossier qui promettait d'être particulièrement difficile ou de longue durée - et, tel un hobby auquel on revient sans cesse, resterait interminablement ouvert - était, lui aussi, immédiatement candidat à la descente en Homicide Spécial. Et celui-là était du nombre.
- Où est-ce ? demanda Bosch.
- Au belvédère qui domine le barrage de Mulholland. Vous connaissez ?
- Oui, j'y suis déjà allé.
Bosch se leva et gagna la table de la salle à manger. Il ouvrit un tiroir à argenterie et en sortit un stylo et un petit bloc-notes. Où, sur la première page, il inscrivit la date et le lieu de la scène de crime.
- D'autres détails que je devrais connaître ? demanda-t-il.
- Pas énormément, non, répondit Gandle. Comme je vous l'ai déjà dit, on m'a parlé d'exécution. Deux balles dans la nuque. Quelqu'un a emmené la victime à cet endroit et lui a projeté la cervelle tout partout dans ce joli paysage.
Bosch garda le silence. il n'avait pas envie de l'appeler Iggy. Pour lui, ce n'était pas un prénom à la hauteur de la mission et de la tache.