Régulièrement, j'ai besoin de mon roman américain comme d'autres auraient besoin de leur dose de chocolat -en l'occurrence, c'est aussi valable pour moi. Et les vacances n'étant pas loin, tant qu'à faire, je rêvais d'un bon gros roman américain sous le soleil torride, un roman tempêtueux, sublime, à la Steinbeck ou
Faulkner. Il se trouve que je gardais
le Prince des Marées sous le coude et qu'il promettait de répondre à mes besoins.
"Avec ce roman, on touche un des sommets de la grande littérature sudiste, dont
Faulkner et
Tennessee Williams ont montré la voie" disait la quatrième de couverture. Parfait! Ces 1069 pages ne me faisaient pas peur!
Effectivement, je les ai avalées en à peine deux semaines, mais j'en émerge avec un sentiment mitigé et non le souffle coupé, la gorge serrée comme avec d'autres auteurs sudistes.
Les premières pages m'ont tout de suite fait déchanter. On est à New York, Manhattan précisément, et très vite Tom, le protagoniste, se retrouve chez la psy bcbg de sa soeur internée. Et là, grosse série de dialogues, comme il y en a dans tout le livre. J'ai eu beaucoup de mal à les avaler, ces dialogues, je n'y croyais pas du tout, et je n'ai pas pu m'habituer à leur trop grande éloquence ni à cette répétition barbante des prénoms "Savannah, tu comprends? - oui, je te comprends Tom".
Ceci dit, une fois que
Pat Conroy nous entraîne véritablement sur cette île sauvage en Caroline du Sud, il nous envoûte littéralement avec ses descriptions transcendantes de la nature, la violence des tempêtes, les arbres grands, denses, la mer abondante aux reflets grisonnants et, pour moi, c'est dans ce récit de Colleton et de la famille de Tom, Luke et Savannah que réside toute la force et la magie de ce livre, ce qui nous fait tourner les pages l'une après l'autre même si, de temps en temps, il s'emballe et la traductrice semble parfois perdre pied!
Lors du récit de son enfance à Susan Lowenstein, Tom suscite l'intérêt en suggérant, régulièrement, des événements traumatiques à venir, ceux qui feront de Savannah cette jeune femme désespérée et au bord du suicide. Leur famille subit effectivement des tragédies difficilement imaginables pour une seule famille, mais c'est une fiction. Malheureusement, tous ces événements tragiques me sont passés à côté, et n'ont pas su m'émouvoir comme ils auraient dû, sans que je ne sache réellement pourquoi. En fait, j'ai eu la sensation qu'au dernier moment,
Pat Conroy s'est dit qu'il ne devrait pas aller trop loin, et une fois l'innommable produit, il passe vite à la suite.
Bref, ce livre au goût de drame américain à gros budget n'a malheureusement pas répondu à mes attentes et à en devinant les grosses ficelles, celle de ces films justement, alors que quelques lignes avant il y avait une telle profondeur, il n'est absolument pas surprenant qu'il ait été adapté quelques années plus tard, mais la beauté des descriptions rachèterait presque le reste!!