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sur 413 notes
Chatham, petite ville côtière de Nouvelle-Angleterre balayée par le vent. Henry Griswald se souviendra à jamais du drame qui se joua en 1927...
A Chatham School, dirigée de main de maître par le père d'Henry, Arthur, la rentrée scolaire sera à jamais marquée par l'arrivée de Melle Channing, nouvelle et charmante professeur d'arts plastiques. Arrivée tout droit de l'Afrique, des souvenirs pleins la tête et des ouvrages de son papa défunt, grand écrivain et voyageur, dans ses bagages, elle fut très bien accueillie par les élèves, notamment Henry, adolescent solitaire qui rêve d'un ailleurs. La jeune femme l'impressionne et il voit en elle comme une bulle d'oxygène. le jeune homme se rend souvent chez Melle Channing, au Milford Cottage, au lieu-dit Noir-Etang où s'est installée la jeune femme. Pour se rendre à la Chatham School, Leland Reed, professeur également, rescapé de la guerre, se propose de l'emmener et de la raccompagner, Mr Reed et sa famille habitant de l'autre côté de l'étang. Très vite, une étrange relation s'établit entre les deux enseignants. Henry sera témoin de ce rapprochement...

Des décennies plus tard, Henry se livre, à coeur ouvert, et raconte comment et pourquoi un tel drame a pu se jouer au Noir-Etang. Car, l'on sait, dès les premières pages, qu'il y a eu une tragédie, des morts, que la ville entière méprise au plus haut point cette jeune professeur venue perturber, bien malgré elle, la vie paisible et tranquille de Chatham. Un procès a eu lieu, des témoins sont venus à la barre, dont Henry et son papa, une femme a été montrée du doigt. L'intérêt principal vient du fait que le lecteur se place du côté d'Henry, l'on suit les événements selon ses ressentis, sa volonté farouche de quitter Chatham et sa famille dans laquelle il se sent prisonnier, l'espoir qu'il a placé en la personne de Melle Channing. L'auteur délivre par bribes les informations, nous entrainant dans une atmosphère saisissante et nous laissant imaginer le contenu de ce drame. Thomas H. Cook reprend ici les thèmes qui lui sont chers, à savoir la famille, les relations père-fils, les non-dits ou bien encore l'adolescence, période au cours de laquelle tous les rêves semblent encore possibles. Ce roman d'ambiance, à la fois dramatique et passionnel, où les descriptions sont d'un charme désuet et où l'on se prend d'affection pour ces héros au destin tragique est passionnant de bout en bout, avec un final époustouflant. L'écriture est subtile et profonde. Un roman noir parfaitement maîtrisé, tant sur le fond que sur la forme...

Rendez-vous Au lieu-dit Noir-Etang...
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Une couverture aux allures de conte de Noël.
Les apparences sont souvent trompeuses...

Sentiment prédominant au sortir d'un tel récit, la maîtrise d'un auteur au sommet de son art.
Cook ou l'éloge de la patience.
Non content de vous plaquer une atmosphère poisseuse, de celles qui vous collent aux semelles autant que le fameux sparadrap aux doigts du capitaine Haddock, Cook parvient à maintenir le suspense jusqu'au bout du bout pour se lâcher dans un final mémorable.
Le tout sans jamais faire retomber le soufflé. Talent de conteur indéniable.

Si le sujet abordé ne brille pas de par son originalité, son évolution parfaitement domestiquée mériterait, elle, de se voir décerner le prix Edgar Allan Poe 1997 ! L'on m'apprend à l'instant que c'est désormais chose faite et amplement méritée !

Hallucinant de maîtrise, Cook plonge son lecteur dans un épais brouillard et le perd avec délectation. A petites doses homéopathiques, l'écrivain lève le voile de ce roman noir de chez noir au romantisme doux-amer pour lâcher les chevaux dans un ultime baroud d'honneur particulièrement éprouvant.
Une intensité rarement atteinte qui place ce petit joyau de noirceur tout en haut de l'oeuvre du maître.
Je savais qu'il excellait dans le domaine, mais de là à tutoyer la perfection...
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"Alice Craddock
En loques dans le paddock
Où il est parti ton papa ?"

La rédaction de cette critique est particulièrement difficile et douloureuse.
Le mien, de papa, est parti il y a un an aujourd'hui. Un anniversaire que je n'ai aucune envie de célébrer, mais une date où je voulais lui rendre hommage. D'autant plus que c'est à lui que je dois mon goût pour les livres et la lecture.
La veille des funestes et imprévisibles évènements, il lisait tranquillement ce roman, Au lieu-dit Noir-Etang, confortablement installé dans son fauteuil. Il avait découvert Thomas H. Cook ( avec lequel il partageait l'année de naissance, 1947 ) quelques semaines auparavant et appréciait beaucoup cet auteur.
Je n'ai pas touché à son marque-page, qui est resté depuis figé à la page 244 des 355 que compte cette édition seuil policiers. Mais j'ai pris le temps cette semaine de lire intégralement ce prix Edgar Allan Poe Award 1997, tant pour sa valeur symbolique que parce que mon père avait exprimé le souhait nous le faire lire à ma mère et moi une fois sa lecture achevée.

Pour ma part je ne connaissais pas du tout cet écrivain. Il m'aura donc fallu une cinquantaine de pages pour me familiariser avec son style et avec cette narration très lente à laquelle je n'étais plus habitué. Je trouve aussi que le qualificatif de "policier" est trompeur. Il n'est ici que peu question de trouver le coupable et le mobile parmi une galerie de personnages. Une enquête a bien lieu mais n'est pas au coeur de l'intrigue. Et sans juger du genre policier que j'affectionne particulièrement, il s'agit ici de Littérature américaine avec un l'majuscule, d'un livre magnifiquement écrit, à la fois noir, subtil, intelligent et dont on ne ressort pas indemne.

A défaut d'intrigue policière proprement dite, le lecteur a bien un mystère à résoudre. Que s'est-il passé au Noir Etang exactement ce fameux jour qui deviendra le point culminant du roman ?

Dès le début du livre, le lecteur fait la connaissance du principal personnage, Mlle Channing. En août 1927, cette femme terriblement belle paraît hors du temps, comme née à une mauvaise époque. Thomas H. Cook lui donne d'ailleurs à plusieurs reprises un aspect fantomatique :
"cheveux emmêlés retombant en masse sur ses épaules dénudées, regard intense et interrogateur, lèvres charnues légèrement entrouvertes, tête inclinée mais regard droit devant, figure à la fois réelle et irréelle, éthérée mais engageante, représentée dans une attitude indéniablement séductrice."
"Je distingue une silhouette qui venait lentement dans notre direction, déchirant la grisaille à mesure de son approche, de sorte qu'elle semblait se lever tout doucement vers nous, tel un cadavre remontant à la surface d'une eau trouble."
Grande voyageuse ( Espagne, France, Italie, Afrique ), élevée par un père souhaitant qu'elle soit libre de ses choix, elle nous est présentée comme une femme avant-gardiste, en avance sur son époque. Artiste elle-même ( dessin, peinture, sculpture )( "l"art c'est comme l'amour, c'est tout ou rien" ), cultivée ( particulièrement en mythologie - elle sera d'ailleurs comparée aux héroïnes de tragédies grecques ), elle a été embauchée par le directeur de Chatham school pour enseigner aux garçons de l'école les arts plastiques.
Elle logera sur la côte, dans un cottage au Noir-Etang, un lieu qui lui rappellera les îles Los Màrtires ( pas besoin de dictionnaire je pense ) d'autant plus sinistre qu'il a déjà fait l'objet d'une première tragédie et qu'une seconde va y avoir lieu, dans un décor lugubre où le vent et l'océan mettent au supplice la haute falaise.
"La haute falaise s'effritait lentement et insidieusement comme notre corps s'effrite face au temps, nos rêves face à la réalité ou à la vie à laquelle on aspire face à celle qu'on mène."
Dès les tous premiers chapitres on sait que l'issue de son année d'enseignement sera dramatique ( "plus tard elle comparaîtrait en justice aux cris de la foule au-dehors : meurtrière ! meurtrière !" ) et qu'elle se retrouvera au tribunal pour répondre à des accusations de meurtre et d'adultère. Mais quels meurtres ? Dans quelles circonstances ? C'est ce qui nous est raconté au fur et à mesure dans une ambiance de plus en plus oppressante.

Concernant l'adultère en revanche, sans savoir s'il est réél, on devine très vite qu'il concerne monsieur Leland Reed. Ancien soldat ayant combattu en France - dont il n'est pas revenu indemne - il est marié à Abigail et père d'une petite Mary. Il est également professeur de littérature et voisin de Mlle Channing, de l'autre côté du Noir-Etang, sur lequel il se promène parfois en barque, à la lumière du phare.

C'est Henry Griswald, fils du directeur de Chatham school, qui nous relate cette histoire bien des années après le drame. La chronologie du récit est donc destructurée. Si la trame temporelle suit la majeure partie du temps sa scolarité en 1927-1928 et l'année de ses quinze ans, certains évènements ayant lieu après le drame interfèrent avec le récit. En particulier le procès de Mlle Channing dans lequel Henry sera témoin à charge et également d'autres faits bien ultérieurs comme la vente du cottage. Episodes passés ou futurs, tout ce qu'Henry nous raconte converge vers le drame qui lui ne nous sera relaté que dans les derniers chapitres. Evoquer un faisceau d'indices serait une formulation erronée, mais le lecteur peut cependant progressivement deviner une partie de ce qui va se jouer et quels personnages vont disparaître.
Si l'histoire nous est contée au travers des yeux d'Henry, c'est parce qu'il est connecté à l'ensemble des autres protagonistes. Il voit ses deux professeurs en dehors de l'école. Il construit un bateau avec M Reed, quant à Mlle Channing elle l'encourage à dessiner et apprend à lire à la domestique de la famille Griswald, Sarah, qu'il accompagne tous les dimanches.
Henry sera donc le témoin privilégié de la passion qui semble se nouer entre la sublime et indépendante Mlle Channing et son voisin marié, M Reed. Il surprend des regards, des gestes, les voit très souvent ensemble. Il voit cet amour comme un symbole de la liberté à laquelle il aspire plus que tout lui aussi ("je voulais être libre, n'avoir de comptes à rendre à personne, tendre vers quelque chose."). Loin de les condamner, il en oublie presque les victimes collatérales. Il s'oppose à son père dont il a une image conformiste, guindée et étriquée, au mode de vie trop provincial.

Parce qu'à Chatham, à cette époque qui plus est, une telle passion est inacceptable, interdite et assimilée à un délit. Cet amour brûlant et dévorant est comparé à l'éruption d'un volcan, mais sans qu'aucune plante ne puisse plus fleurir sur ses cendres.
"Un amour ne peut naître que d'un amour qui meure."
Sans jugement, Thomas H. Cook pose la question des limites de la liberté, au travers de ses différents protagonistes aux portraits soignés, à la psychologie finement analysée, représentant chacun à leur façon leur époque. Tant avec des yeux d'adultes qui la condamnent qu'avec ceux d'un adolescent qui en est épris. Avec également quelques personnages plus mesurés qui cherchent quelle place ils sont en droit de lui accorder ("essayant, du mieux que nous le pouvons, de trouver notre place entre la passion et l'ennui, l'extase et le désespoir, la vie à laquelle nous ne pouvons que rêver et celle qui nous est insupportable.").

Et puis, comme pour remuer le couteau dans la plaie, il est également beaucoup question de la paternité dans le roman, en particulier avec la relation parfois tendue entre Henry et son père, aux idéaux qui semblent s'opposer.
"M Reed était un vrai père pour moi, racontais-je à Me Parsons, avant de jeter un coup d'oeil en direction de mon propre père qui me fixait avec une triste question dans le regard : Et moi, qu'étais-je donc pour toi, mon fils ?"
"Je perçus l'amour qu'elle avait éprouvé pour lui et m'interrogeai sur ce que c'était que d'admirer son père."

A l'inverse, les liens entre Mlle Channing et son père étaient forts, incluant ces idéaux de liberté préalablement évoquée, l'éducation et les livres.
"Mon école, c'était mon père, répondit Mlle Channing. Il m'a tout appris."
Mon école a aussi été mon père, en CE2 et CM1 du moins. Il a été mon instituteur ces deux années là. Et en toute impartialité, il était très bon enseignant. Je savais déjà lire et écrire mais il a permis de m'améliorer en orthographe et grammaire. Sans oublier tout le reste : Mes premiers rudiments d'histoire de France, mes premières multiplications et divisions, quelques valeurs inculquées au détour de petites histoires matinales ou de fables de Jean de la Fontaine.
"Mon père aimait beaucoup lire Byron. Et Shelley. Et Keats."
Le mien lisait énormément, aussi bien les auteurs romantiques français du XIXème ( Chateaubriand surtout ) que Pierre Benoît, Dino Buzzati, Alexandre Dumas. Il appréciait également beaucoup les romans policiers plus anciens, avec une prédilection pour des écrivains comme Agatha Christie ou Patrick Quentin.
Tout petit j'avais droit avant de me coucher à mes 365 histoires d'animaux qu'il me contait soir après soir, premier pas probable du goût de la lecture qu'il m'a transmis. Encore tout jeune il m'a fait découvrir la comtesse de Ségur en plus des classiques de la bande dessinée comme Mickey ou Tintin. Au collège il m'a prêté ou offert Les trois mousquetaires ( et ses suites ), mes premiers Bob Morane puis ses intégrales d'Agatha Christie, de Charles Exbrayat ou se Sir Arthur Conan Doyle. le virus de la lecture a donc été héréditaire et ne m'a plus jamais quitté, même si par la suite chacun avait ses propres goûts et affinités littéraires, se rejoignant parfois puisque nous avons continué régulièrement à nous faire découvrir de nouveaux auteurs réciproquement.
"Quelque chose finalement lui redonna de l'impulsion. Peut-être la nécessité, le fait que la mort récente de son père ne lui laissait pas le choix."
Thomas H. Cook ne sera pas le dernier auteur que je découvrirai grâce à mon père. Etant donné l'immensité de sa bibliothèque, un large éventail de découvertes m'est encore offert.
Il était très habile en général pour résoudre les énigmes policières. Quand mon marque-page a rejoint le sien au chapitre 22, je n'ai pu m'empêcher de marquer une pause. A la fois mal à l'aise et essayant de deviner ce qu'il avait pu anticiper. J'aurais tellement aimé pouvoir partager mes impressions avec lui.

J'ai conscience de la longueur de mon texte mais j'avais beaucoup à exprimer, tant sur la lecture elle-même que sur les circonstances particulières entourant celle-ci. J'espère simplement ne pas avoir été maladroit dans mon témoignage, important à mes yeux.
J'achèverai mon discours avec une dernière citation de circonstance, bel exemple de la magnifique plume de l'auteur américain :
"Ce n'était rien qu'un minuscule point lumineux, cette vie que nous abritions, tout juste un fin rai de conscience, d'une fragilité inouïe, fugace et hasardeuse, qu'il s'agisse des vies les plus grandes comme des plus humbles, délicatement retenue par le plus léger des souffles."
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Première incursion dans l'univers de Thomas H. Cook, et surement pas la dernière tant ce drame s'avoue addictif et savamment mené.
Un roman noir, que Cook dévoile avec un sens narratif qui ne laisse pas indifférent. Il délivre les indices à petites doses, le découpage séquencé suscite intérêt et interrogation tout du long, Cook nous baladant avec malice et talent au coeur d'un drame que beaucoup pressentait s'en rien faire. Son style pour nous cueillir, avec une chute du meilleur effet à chaque chapitre, est remarquable. La complexité des sentiments à travers le regard du jeune narrateur, les non-dits, l'hypocrisie sont eux aussi brillamment distillés. « Au lieu-dit Noir-Étang… » est un livre que l'on quitte à regret avec un final absolument génial.
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Couronné d'un Edgar Poe Award (équivalent américain de notre Grand prix de littérature policière) en 1996, le nouveau roman de Thomas H. Cook, Au lieu-dit Noir-Étang..., est une nouvelle preuve de son immense talent de conteur.

Cela ressemble à un tableau d'Edward Hopper : Nouvelle-Angleterre, août 1926, la petite ville de Chataham, son église, son petit port de pêche, son phare, son école de garçons qui comptera un nouveau professeur, la jeune et belle Elisabeth Channing, venue enseigner les arts plastiques. de nombreuses décennies plus tard, Henry Griswald, fils du fondateur et directeur de Chatham Scool, se souvient des événements qui ont transformé définitivement la quiétude et l'harmonie des lieux et des êtres

Comment la naissance d'un amour tragique entre la jeune femme et M. Reed, professeur de lettres et père de famille, va tout balayer, provoquant le doute, la suspicion et la mort. Car ce roman noir est une oeuvre romantique, au sens tragique du terme. Henry voit en ce couple maudit "des versions modernes de Catherine et Heathcliff " des Hauts de Hurlevent de Emily Brontë. Il a raison. Les passions sont multiples, contradictoires, elles se répondent, se télescopent. Henry égrène ses souvenirs, les tableaux défilent devant nos yeux. La couleur sépia d'une vieille carte postale s'assombrit peu à peu et se pare d'ombres, le noir commence à remplir les coeurs et les regards. L'étang n'a jamais aussi bien porté son nom. Noire est la couleur car tous seront victimes.

Thomas H. Cook sait comment nous accrocher, sa prose limpide nous entraîne à travers le temps ; les différentes pièces du puzzle se mettent en place, petit à petit. le dénouement semble sans cesse nous échapper, nous fuir... Tel le ressac sur les rives de l'étang. Un doute plane sur le lecteur, que s'est-il réellement passé au lieu-dit Noir-Étang ? Et une phrase vient sans cesse nous perturber "la vie ne vaut d'être vécue qu'au bord de la folie." Alfred Hitchcock déclarait : "les femmes sont comme le suspense. Plus elles éveillent l'imagination, plus elles suscitent d'émotions." Cook l'a bien compris, pour notre plus grand bonheur de lecteurs.

Un Thomas Cook dans la grande tradition serais-je tenté de dire. Ce qui est un gage de qualité. C'est que l'on retrouve ici toutes ses thématiques : une société très hiérarchisée et traditionaliste, les relations père / fils, la force du doute et du soupçon, et le poids du passé. Mais, c'est aussi un superbe portrait de l'époque, celle des années vingt. Mais surtout, un grand livre sur la culpabilité et une réflexion autour de l'interprétation du mal. Un livre très profond et très bien écrit. Ne passez pas à côté de cet auteur et plus particulièrement de ce titre. C'est un régal de lecture !
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"Que s'est-il réellement passé au Noir-Etang, ce jour-là ?"

Le narrateur Henry, éminence désormais bien grise relate les faits qui se sont passés il y a maintenant cinquante ans :
Dans les années 20, c'est un adolescent exalté de 15 ans qui méprise son père, directeur de l'école de Chatham, garant des idées conservatrices d'une Amérique puritaine repliée sur elle-même.
L'arrivée de la charmante Mlle Channing, nouvelle prof d'arts plastiques bercée de voyages exotiques élargit son univers étriqué de petit bourgeois et l'incite à vivre ses passions et ses désirs - au bord de la folie.
La liaison passionnelle qu'elle semble entretenir avec M. Reed, prof de Lettres marié, le fascine mais n'est pas du goût de Chatham, petite ville de carte postale de la nouvelle Angleterre qui va en perdre ses couleurs quand un drame va ternir sa renommée.
La coupable toute désignée...Une certaine Mlle Channing !

La plume et la voix envoûtée et manipulatrice de Thomas H. Cook et de son héros nous mènent tranquillement en barque sur l'étang jusqu'aux circonstances qui ont provoqué la tragédie.
Au delà de l'intrigue, l'auteur évoque des thèmes universels tels que le poids de la culpabilité, la relation père-fils, le passage à l'adolescence, l'adultère, la liberté, la vérité, les préjugés et les passions amoureuses qui exaltent la liberté

Au final
Un roman noir à l'atmosphère romantique, une plume classique, des personnages rétro à fleur de peau, une voix qui se livre à rebours au compte-goutte et la brume vaporeuse du Noir-étang qui se lève petit à petit, devant nos yeux, pour dévoiler... un rayon de vérité.

Un excellent cru noir !
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Au fur et à mesure que je m'approchais de la fin de ce roman, ma tristesse fût grandissante, et cela n'a pas de rapport avec l'histoire de ce roman, mais parce que je ne voulais tout simplement pas arriver à la fin de cette petite merveille de suspense, de machiavélisme, de faux-fuyants.
Pour moi, c'est une claque, car absorbé dès les toutes premières pages par cette histoire de Chattam School qui se passe en 1927 après l'arrivée de la si belle et si mystérieuse Elizabeth Channing qui va enseigner les arts plastiques dans l'établissement scolaire pour garçons tenu de main de maître par Arthur Grisswald, le père d'Henry.
Non, il n'y a pas de secret, et dès le début, on sait que cela va se finir très mal, mais l'auteur, que je lis pour la deuxième fois, après « les ombres du passé », qui ne m'avait absolument pas marqué, nous livre par petites bribes et petites touches des morceaux qu'il va falloir recoller à un moment ou un autre.
L'histoire se passe en 1927, mais aussi plus tard ou l'on fera des flash-back sur certaines scènes importantes qui construiront le roman dans un suspense à couper le souffle.
C'est une totale réussite, et rarement j'ai été aussi pris dans un roman que j'ai eu du mal à relâcher, tant j'ai été séduit par cette trame que l'auteur nous impose avec une maestria à toute épreuve.
Vous l'aurez compris, cinq étoiles sans aucune retenue sur ce petit bijou de littérature moderne.
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Idéal pour créer le léger froid dans le dos nécessaire pour contrecarrer les ardeurs estivales de la météo! L'atmosphère, y est sombre, brumeuse et humide, quand elle n'est pas figée dans le silence neigeux des alentours de ce funeste Noir-Etang.

Les confidences du narrateur nous plongent au début du vingtième siècle dans une petite ville de la nouvelle Angleterre, corsetée dans ses traditions et ses codes de conduite, à une époque où l'adultère était passible d'une peine de prison de trois ans. L'arrivée d'une jeune femme belle et rebelle, dont l'enfance voyageuse contribue à parer d'une aura de mystère et de rêves, bouleverse le train-train des enseignants de l'école, et surtout celui d'un prof, nouveau lui aussi, marié et père d'une petite fille.

L'on sait d'emblée que cet amour interdit aura des conséquences dramatiques.
Tout l'art du récit est de clarifier par petites touches le déroulement des événements : inutile de s'enfermer dans des certitudes : alors que rapidement le lecteur pense avoir tout compris de l'intrigue, les révélations viennent modifier le scénario, et ceci jusqu'à la fin, qui apporte un éclairage nouveau sur l'ensemble du roman.

Voila qui confirme une fois de plus l'intérêt de se fier aux prix de lecteurs (ici, c'est Points), en comparaison avec d'autres prix plus prestigieux mais dont les critères d' élection sont plus subtils que le simple bonheur de passer quelques heures à tourner fébrilement les pages d'un roman
passionnant.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Pour une fois, je trouve que le titre est plus joli dans sa traduction que dans sa version originale. Bien que moins poétique, la version anglaise a cependant le mérite d'être plus explicite : The Chatham School Affair, « affair » ayant le double sens, approprié en l'occurrence, d'affaire judiciaire et de liaison amoureuse, ou aventure.
Et de fait, c'est au coeur d'une aventure dramatique que se trouve plongé Henry, 15 ans en cet an de grâce 1926. Avis en passant aux amateurs d'enquêtes policières sanglantes et trépidantes, ce roman n'est pas pour vous : tragédie romantique, drame psychologique, oeuvre au noir, certes. Polar ou thriller, non point…
Le canevas de cette histoire est classique, pour ne pas dire stéréotypé : une belle jeune femme débarque dans une bourgade conservatrice de Nouvelle-Angleterre, pour occuper le poste de professeur d'arts plastiques de l'école. Miss Channing arrive tout droit d'Afrique, après avoir passé sa jeune vie à bourlinguer avec son père, écrivain-voyageur, qui lui a inculqué ouverture d'esprit et amour de la liberté. Autant dire que Miss Channing ne cadre pas exactement avec son nouvel environnement.
Il n'en faut plus pour enflammer l'esprit d'Henry, adolescent sensible, coincé entre son père directeur de l'école, traditionnaliste totalement dévoué à son métier, et sa mère femme au foyer, auto-érigée en gardienne intraitable des convenances. Il n'en faut pas davantage pour chavirer le coeur tourmenté de Mr Reed, le professeur d'anglais, 28 ans, marié et père d'une petite fille. L'inévitable se produit, les coeurs s'emballent, Miss Channing et Mr Reed se rapprochent, sous le regard d'Henry, témoin silencieux et complice de cette passion interdite. Les personnages sont en place, le décor est planté autour du Noir Etang, sur les berges duquel vivent les deux professeurs, la tragédie peut se jouer.
Car on sait dès le début qu'un drame s'est produit, que Miss Channing s'est trouvée accusée devant un tribunal. C'est Henry, 60 ans après les faits, qui nous apprend au fil des pages, par bribes, ce qui s'est passé dans cet endroit de sinistre mémoire. Une histoire de passion, de destins contrariés dans un contexte médiocre et étriqué, où l'avenir est tracé entre des rails bien lisses et droits, donc sans intérêt. le jeune Henry, frustré, épris d'absolu et de liberté, projette ses fantasmes sur le couple adultère, faisant de Miss Channing une héroïne malheureuse des temps modernes.
L'ambiance est pesante, le rythme est lent, alourdi par de fastidieux allers-retours passé/présent, qui impliquent une profusion de « je me rappelle », « je me souviens », « à cette époque », « je me remémore », etc… Cette construction, certes habile, m'a agacée, de même que les repères chronologiques à répétition, la manière de distiller les éléments de compréhension au petit bonheur, les phrases grandiloquentes, et l'entretien plus ou moins artificiel d'un mystère qu'on commence pourtant à deviner bien avant la fin. Sans compter l'invraisemblance qui pousse deux adultes en plein « péché » à se confier à un adolescent, qui plus est, le fils de leur employeur.
Ne croyez pas que je sois animée d'un esprit de contradiction plutôt malvenu en cette période de trêve hivernale, mais j'ai du mal à me rallier aux nombreux avis élogieux. Pour moi ce n'est pas le polar de l'année…
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Thomas H. Cook est un écrivain à part dans l'univers du polar. D'abord parce que ses histoires sont avant tout des romans noirs (bien loin des stéréotypes du genre) et ensuite parce que sa plume est d'une qualité très au dessus de la moyenne.

"Au lieu-dit Noir-Étang…" en est une nouvelle preuve éblouissante. le roman, auréolé du prestigieux prix "Edgar Allan Poe" est sorti en 1996, mais n'a eu droit à une publication française qu'en 2012. Vue sa qualité hors normes, il était grand temps !

Une oeuvre profondément mélancolique, se déroulant durant les années 20 où Cook distille tout son art, phrase après phrase, mot après mot.

Car son style est comme toujours profondément empathique, parfois emphatique, à la fois très travaillé et profondément touchant. Car chaque mot compte, est pesé et soupesé à l'aune des thèmes que sont la passion, la culpabilité, le doute…

L'auteur sait, comme personne, instiller des pistes enchevêtrées dans cette chronique d'une catastrophe annoncée, nous faire imaginer un dénouement qui pourtant nous cueillera en plein vol.

Un récit languide mais oh combien touchant, qui demande toute l'attention du lecteur, mais qui le récompensera au centuple lors de son final d'une rare émotion.

Cette tragédie, outre un beau portrait d'une époque révolue, véhicule de nombreux thèmes forts, que le conteur Cook nous livre de sa prose quasi hypnotique.

On y suivra un jeune homme emprunt de liberté dans un monde écrasé par ses conventions ; enfant découvrant le monde des adultes et l'amour qu'ils peuvent se porter. Cette dualité entre la rigueur de son éducation et le coté "artiste" auquel il aspire, aura des conséquences étonnantes, éprouvantes et profondément touchantes.

Au final, un drame humain qu'on doit apprivoiser, dont on doit accepter sa langueur, pour y plonger corps et âme et en sortir totalement bouleversé, la larme à l'oeil.
Lien : http://gruznamur.wordpress.com
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