Si l’ardeur du repos eût touché mon envie,
J’aurois vécu, Seigneur, au sein de ma Patrie,
Et joui des honneurs dont le traité de paix
Laissoit parmi les miens le choix à mes souhaits ;
Mais Rome, pour avoir triompher de Carthage,
N’avoit pas d’Annibal surmonté le courage.
L’Afrique n’osant plus lui faire d’Ennemis,
Pour l’attaquer d’ailleurs il se croit tout permis,
Et son Pays n’a point de douceur qui l’entraîne,
Lorsque pour les Romains il n’y voit plus de haine.
Perdre un jour, sans chercher à remplir ma vengeance,
Ce seroit avec Rome être d’intelligence.
Je dois à sa ruine un éternel effort,
Et rien ne me pourroit consoler de ma mort,
Si j’avois négligé de tout mettre en usage
Pour lui faire sentir ce qu’a souffert Carthage.
Le temps nous est trop cher pour le perdre en paroles.
Thomas Corneille. Timocrate (1656)