Comme pour la plupart des pièces classiques, c'est au collège que s'est produite la première rencontre. J'étais en quatrième, ce qui nous ramène dans les années… dans une autre vie, quoi, ou pour être plus précis, dans la même vie mais plus tôt dans le temps (je ne sais pas si vous me suivez, mais moi je vous précède).
Donc cette année-là c'était «
le Cid ». Chouette pièce, «
le Cid ». Pleine de belles formules, avec des envolées superbes, une pièce « de cape et d'épée », plus Thierry la Fronde que Zorro, pour citer deux références de l'époque, avec des batailles, de la romance, et comme souvent chez
Corneille cet histoire d'honneur à qui il faut tout sacrifier (ça, ça nous paraissait un peu débile, mais il paraît que c'était comme ça à l'époque). C'étaient surtout les tirades qui nous bottaient : « A moi comte, deux mots ! » ou encore « A quatre pattes d'ici je te le fais savoir ! » On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans, disait Rimbaud, à quatorze ans non plus, mon pauvre Arthur…
J'ai eu l'occasion, bien des années plus tard, de relire la pièce, et même de la voir jouer. Et mes impressions de collège, curieusement, sont remontées à la surface, pour se mélanger avec les réflexions, plus posées, de l'adulte que j'étais devenu, et je me suis ainsi rendu compte que non seulement «
le Cid » était une grande et belle pièce de notre répertoire, mais également que l'enseignement que nous avions reçu la concernant était d'excellente qualité.
L'histoire est connue : Rodrigue aime Chimène, Chimène aime Rodrigue ; le père de Chimène, le comte de Gormaz, provoque le père de Rodrigue, Don Diègue. Rodrigue, malgré son amour, (c'est ce qu'on appelle un dilemme cornélien) va, court, vole et venge Don Diègue en estourbissant son futur beau-père. Ce sont des choses qui ne se font pas et sa tête est mise à prix. Heureusement le sombre héros gagne une bataille contre les Maures et devient un sombre héros national. Après bien des péripéties il finit par gagner la main de Chimène (et tout le reste) et le mariage est célébré à la fois dans l'allégresse et dans la cour du palais.
Beaucoup de vers sont passés à la postérité
« O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie »
« La valeur n'attend pas le nombre des années »
« Cette obscure clarté qui tombait des étoiles »
« Nous partîmes cinq cents mais par un prompt renfort »
Oui vraiment, je peux reprendre à l'identique mon juvénile jugement : chouette pièce
le Cid !
Et pour finir, l'hommage le plus frappant est, à mon avis, celui de
Georges Fourest qui, dans sa merveilleuse parodie du Cid, résume toute la tragi-comédie dans ce vers sublime déclamé par Chimène :
« Qu'il est joli garçon, l'assassin de papa ! »