Sans doute la pièce la plus célèbre de son auteur, et pour différentes raisons. La première version, a été créée sur la scène du théâtre du Marais en 1637, sous l'appellation de tragi-comédie.
Corneille pour l'écrire, s'est inspiré de Guillén de Castro, auteur espagnol, qui écrivit Las Mocedades del Cid, c'est-à-dire « Les enfances du Cid », pièce héroïque en trois journées, donc beaucoup plus longue que la pièce de
Corneille, qui a dû beaucoup concentrer l'action de cette véritable épopée pour en tirer son Cid. La pièce étant à l'origine une tragi-comédie,
Corneille n'avait en aucun cas l'obligation de respecter les fameuses règles des unités, en particulier, celle de faire tenir son action en 24 heures. Mais il a choisi de le faire. Ce qui entraîne une concentration de l'action peu vraisemblable, la querelle entre les deux pères, le duel, les échanges avec Chimène, puis une grande bataille avec les Maures, puis le récit fait au roi, un deuxième duel, un jugement royal....tout cela en 24 heures, même pour un super héros, fait manifestement trop.
C'est une des choses qui seront reprochées à
Corneille. En plus du sujet (une fille qui épouse l'assassin de son père) dont on a dit « qu'il ne valait rien », et du personnage de Chimère, jugé contraire à la bienséance, car elle est au début une fille aimante et obéissante, et par la suite se conduit comme une amante, qui aime Rodrigue malgré son crime. La toute nouvelle Académie française prononça un jugement dans ce sens, terminant la fameuse « Querelle du Cid ».
Corneille, touché au vif, va relire
Aristote, et produire un ensemble de textes théoriques sur le théâtre, qui va faire émerger une nouvelle conception de la
tragédie. Ses adversaires vont finir par abandonner le théâtre, et sa conception de tragédie renouvelée va triompher, au point que lorsqu'il publie une nouvelle version du Cid très légèrement retouchée, il l'appellera tragédie, et non plus tragi-comédie, genre qu'il a fortement contribué à rendre démodé.
Au-delà de toutes ces querelles sur les règles, sur ce que doit être une tragédie, ou une tragi-comédie, qui peuvent nous paraître aujourd'hui des querelles byzantines, il reste un texte, une histoire, des vers, dont certains sont restés dans le répertoire des citations courantes, que presque tout le monde connaît :
« Rodrigue, as-tu du coeur»
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?»
Une histoire, sans doute invraisemblable, mais quelle importance, car elle est passionnante. Et le personnage de Chimène est d'autant plus intéressant qu'il est complexe, qu'elle est partagée entre deux, entre le fait d'être une fille et une amoureuse passionnée.
Corneille par une sorte d'intuition, qu'il mettra des années à justifier sur un plan théorique, a écrit une pièce qui satisfaisait l'intérêt du spectateur de l'époque, comme elle intéresse toujours celui 'aujourd'hui.