Nés comme ça

Parmi les prétendants au Prix des Horizons Imaginaires, le recueil de nouvelles Nés comme ça de Dave Côté figure en bonne position.
Publié par Les Six Brumes, à qui l'on doit également la parution du Sabbat des Éphémères d'Ariane Gélinas, l'ouvrage n'est pas simplement un beau livre-objet mais également une plongée dans l'imaginaire étrange et inattendu d'un auteur québécois inconnu en France : Dave Côté.
Autant dire que si vous vouliez des histoires originales, vous allez être servis !

Aux olives, citoyens !
Pour ouvrir ce recueil de douze nouvelles, Dave Côté a opté pour une histoire qui illustre instantanément son goût immodéré pour l'improbable.
Les olives de Mélanie, c'est l'histoire d'une sorte de pirate de l'espace qui arrive sur un planète du nom de Mélanie (et qui ressemble vachement à notre bonne vieille Terre) pour y rafler un trésor incomparablement délicieux : des olives ! Loufoque et Monty Pythonesque en diable, le récit prend le lecteur à revers et joue sur le décalage constant qui existe entre notre perception des choses et celle du pirate ne comprenant en réalité pas grand-chose au monde dans lequel il évolue. Cette courte plaisanterie donne le ton, vous voici dans le territoire de l'absurde.
Dave Côté adore partir d'un élément ridicule pour le crédibiliser et lui trouver une dimension sociale et/ou intime forte.
La meilleure nouvelle du recueil s'appuie ainsi sur un personnage impossible : Monsieur Gâteau. Imaginez un être fait entièrement de pâtisseries, qui prendrait plaisir à se dorer les avant-bras devant un four grand ouvert et qui aurait des intestins en réglisse ? Ridicule, non ? Avec l'écriture chirurgicale de Dave, non !
Très vite, ses histoires absurdes se transforment en de poignantes rencontres entre des êtres radicalement différents : Monsieur gâteau découvre le monde en évoquant sa solitude et son manque de confiance, le tout servi par un sérieux au bord du rire qui force le respect.
Il en est de même pour L'Homme aux Chiots, dérangeante vision sexualisée de Manuel dont les mains sont en fait…des chiots ! Avec application, Dave Côté traite son sujet comme une exploration quasi-anthropologique en expliquant tout ce qu'il se passe comme si tout cela était du domaine du possible. le résultat s'avère à la fois malaisant et passionnant.

Paria en terre(s) étrangère(s)
Dans nombre de ces récits surréalistes, Dave explore le point de vue des excentriques ou, plus simplement, de ceux que l'on a laissé de côté. En prison mêle une horreur à la Barker/Cronenberg à ce sentiment d'exclusion généré par le trou noir porté par le dos du héros et qui va causer son malheur comme il a probablement causé celui de son père avant lui. Tout à la fois suit la prise de pouvoir d'un homme lambda dans la masse grouillante extraterrestre qui a envahit la planète et se la joue à la Horribilis. Vortex capte les blessures de deux adultes piégés par les non-dits de leur enfance, perdus chacun à leur façon dans un monde qui les a roulé.
Les personnages de Dave Côté ont cette humanité fragile qui va à rebours des héros habituels du genre science-fictif ou fantastique.
C'est d'ailleurs ce genre de subtilités qui sauvent des textes plus faibles tels que le Talent d'Ati où l'on est bien moins intéressé par cette colonie humaine au bord de l'extinction tombée sur une planète qu'ils n'ont pas compris que par l'orgueil contrarié d'Ati lui-même qui s'aperçoit trop tard de son infériorité. Idem pour Emma qui recycle le cliché de l'amour perdu ayant tourné à l'obsession pour raconter l'histoire d'un homme triste piégé au fond de la mer et qui finit justement par submerger le lecteur par l'émotion qui en jaillit.
Dave Côté s'avère d'ailleurs curieusement plus doué pour échafauder des histoires farfelues et volontairement brumeuses que pour écrire des choses claires et normées.

Aux horizons perdus de vue
C'est d'ailleurs la grande force et la grande faiblesse de ce recueil.
Si l'on excepte quelques récits plus terre à terre tels que le Talent d'Ati ou Emma et Seigneur ou Esclave, Nés comme ça offre aux lecteurs une collection d'aventures où tout ne vous sera pas expliqué par le menu.
Vous ne saurez pas vraiment qui sont les Jardiniers du Casseur de branches et encore moins ce qu'est en réalité l'univers dans lequel évolue le héros de Dans le Sillage des Extérieurs. N'imaginez pas vraiment comprendre pourquoi une personne peut devenir un portail trans-dimensionnel ou pourquoi un autre peut avoir des chiots à la place des mains. C'est d'ailleurs le propre de la weird fiction de qualité : vous faire cauchemarder/rêver aux confins du réel sans jamais vous livrer toutes les clés du récit.
Dave Côté intrigue, dérange et amuse, mais surtout il s'immisce dans votre tête pour en y planter des visions que vous n'auriez jamais pensé voir germer un jour.

De genre en genre, Dave Côté balade sa plume dans des contrées horribles ou magnifiques pour vous faire rire et bousculer vos attentes de lecteur.
Nés comme ça donne voix à un auteur à l'imaginaire étrange que l'on a hâte de retrouver pour la suite de ses rocambolesques aventures.
Lien : https://justaword.fr/n%C3%A9..

Voici donc une anthologie des textes de l'auteur québécois Dave Cote. Bon déjà, je ne suis pas du tout la cible de ce genre d'histoires : je déteste les récits contemporains et l'encrage dans le quotidien m'ennuie à mourir.

Néanmoins il faut lire ce livre et pour une seule raison : la nouvelle Monsieur Gâteau.

D'une manière générale toutes les histoires sont de bonne facture et on voit le savoir-faire et le professionnalisme du milieu SFF québécois dont l'auteur est issu, particulièrement en matière de nouvelles - plusieurs notes de l'auteur donnent un aperçu des exigences et du circuit québécois. Et tout cela paye et se sent dans les textes : la prose est claire et efficace, personnage et trames sont travaillés et articulés, le format de la nouvelle est maîtrisé, histoires et thèmes sont proprement développés. On est loin de ce que l'on voit souvent dans les anthologies publiées en France de nos jours…

Donc les histoires sont pas mal, même si elles ne sont pas dans mes goûts ; c'est relativement bien écrit, avec des idées intéressantes, de l'humour, du cul, de l'horreur, un peu de Sf, etc.
Et… il y a Monsieur Gâteau.

Cette nouvelle va entrer dans toutes les anthologies de la SF francophone de notre période, c'est certain. C'est malin, plein de sensibilité, cru et provocant - un assez bon reflet de l'époque et des préoccupations actuelles.
Je peux vous garantir que vous allez crier « Putain !!! » au moins 3 fois en lisant cette nouvelle. C'est vraiment bien vu et amusant.

Pour mettre en perspective, selon moi Dunyach a écrit 2 ou 3 nouvelles de ce niveau peut-être, Bordage une et les autres (Lainé, Denis, Fazi, Henry etc. ) ne s'en approchent même pas.

L'histoire ? Et bien c'est simple : un homme fait de gâteau décide d'affronter sa peur des inconnus. Si, si... de gâteau !