Un endiablé règlement de comptes parodique à Natitingou, devenue logiquement Natingou City, dans l'extrême-nord du Bénin. Sous le signe de la bière de sorgho, des revenants et des kalachnikovs.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/02/note-de-lecture-
western-tchoukoutou-florent-couao-zotti/
Natitingou, extrême nord-ouest du Bénin, au pied du massif de l'Atakora, aux confins du Togo et du Burkina Faso, à plus de cinq cents kilomètres de Cotonou sur la côte du golfe de Guinée, et à neuf heures de route par les RN2 et RN3 souvent défoncées ou en travaux… le cadre parfait pour y installer un mystérieux aubergiste homme d'affaires, un gardien de troupeaux au coup de boule célébrissime et un policier municipal volontiers surarmé, et les confronter à une vengeance apparemment venue d'outre-tombe pour une somptueuse parodie de western, dans laquelle tant les spaghetti réputés chers (une fois passés les contenus initiaux sarcastiques) à
Sergio Leone, Tonino Valerii ou Ferdinando Baldi que la bière glacée qui rendit célèbre le juge Roy Bean (davantage que sa justice de paix, si l'on en croit le Lucky Luke de Morris) seront remplacés par le tchoukoutou, la boisson locale, fermentée à base de mil ou de sorgho, et omniprésente pour soulager les soifs souvent inextinguibles des travailleurs et des autres.
Le Béninois Florent Couao-Zotti, que l'on a connu en romancier poétique et politique particulièrement incisif de la transition démocratique au Bénin («
le cantique des cannibales », 2004), ou en nouvelliste attentif et inspiré du choc complexe de la tradition et de la modernité entre Ouidah, Cotonou et Porto-Novo («
L'homme dit fou et la mauvaise foi des hommes » en 2000 comme « Poulet-bicyclette & Cie » en 2008), cultive aussi depuis quelques années une veine de roman noir urbain et contemporain toujours inscrite dans la zone côtière et urbanisée qui concentre au sud du pays 75 % de la population béninoise, comme «
Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au porc de le dire » (2010) ou «
La traque de la musaraigne » (2014).
Avec ce «
Western tchoukoutou », publié en 2018 dans la belle collection éclectique Continents noirs, animée chez Gallimard par
Jean-Noël Schifano, l'auteur a clairement souhaité, tout en gardant une trame de roman noir joliment mâtiné de fantastique hystérique, avancer gaillardement sur le chemin de la parodie débridée. Là où le Libérien
Vamba Sherif avait conçu son «
Borderland » de 2007 tout en métaphores subtiles et en renvois implicites aux mythes de l'Ouest américain et de la Frontière,
Florent Couao-Zotti s'est lancé joyeusement dans une transposition directe particulièrement haute en couleurs, en folklore et en grossissement épique, mêlant la caricature relativement attendue (tant au niveau western qu'au niveau béninois) à la franche hilarité des effets comiques à contre-pied (l'épouse de l'aubergiste, Chinoise volontaire et naturellement douée en arts martiaux, valant par exemple le détour à elle seule, comme la mise en scène de la rivalité locale entre Police et Gendarmerie), pour composer un pastiche sombre, violent et rieur qui demeure surprenant jusqu'au bout.
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