Un Sughrue sans issue
Rien que le titre..."The Last Good Kiss" évoque à la fois "The Long Goodbye" et "Kiss Me Deadly", alors si en plus on y retrouve un Privé alcoolique, plus désabusé que réellement cynique, capable de violence incontrôlée, attirant toutes les femmes...On est proche du souverain poncif.
Mais Sughrue est lui-même bien conscient de ce jeu ("s'il voulait que je me farcisse son numéro de l'homme du monde, il allait devoir endurer le mien, celui du privé blasé et alcoolique").
Et par ailleurs, difficile de décrocher de la quête menée par le détective CW Sughrue, accompagné de deux compagnons de beuverie : Trahearne, un écrivain en panne d'inspiration qu'il vient de retrouver pour le compte de son ex-femme et Fireball Roberts, un bouledogue accro à la bière.
Espoirs, fausses pistes jalonnent leur recherche de
Betty Sue Flowers, une jeune femme disparue il y a 10 ans. Jusqu'au dénouement plutôt inattendu dont on gage qu'il n'aidera pas Sughrue à retrouver foi en l'homme. Ni en la femme. Ni en les Gens, comme dirait l'autre.
Les trois-quarts du livre sont de très haut niveau, la fin est en peu en dessous.
Mais on s'en doute, l'histoire, voire l'intrigue, passent un peu au second plan et c'est, outre le personnage attachant du détective, le style de
Crumley qui emporte l'adhésion. On ne dira jamais assez l'importance des fins de chapitre. Beaucoup d'écrivains les ratent, pausant platement, tout comme certains dessinateurs ratent la dernière case d'une planche.
Crumley, non.
Enfin le style...Faut voir. Faute d'avoir lu ce roman en anglais, j'en suis réduit à supposer que la responsabilité de l'argot émaillant les conversations et les tournures maladroites doivent tout à
Philippe Garnier qui démontre si c'est le cas, qu'on peut être un excellent écrivain et un piètre traducteur. Là, c'est tellement épouvantable, qu'il rejoint directement
Boris Vian sur le podium de cette discutable performance.
Pour la route, un extrait.
Sughrue quitte un bar (Garnier dirait un rade ou un caboulot) et croise des ouvriers du bâtiment : " Je savais bien que ces hommes-là étaient probablement des sal.uds qui sifflaient après les jolies filles, traitaient leurs femmes comme des bonniches et votaient Nixon chaque fois qu'on leur en donnait l'occasion. Mais pour ce qui était de travailler dur et de rigoler fort, pour moi ils enfonçaient quand même une flopée de libéraux en Volvo, à tous les coups".