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C'est ma première incursion dans l'univers de James Crumley pour découvrir le très iconoclaste détective privé C.W. Sughrue, ici dans sa deuxième enquête. Ça démarre en mode amuse-bouche avec une mission farfelue : Sughrue doit récupérer des poissons tropicaux d'une grande valeur auprès d'un malfrat dingue à la tête d'un gang bikers. Et une fois que c'est plié, il se voit confier par ce même malfrat la tâche de retrouver sa maman qu'il n'a jamais connue ( et qui vient d'être kidnappée ! ). Fichtre, dès les premières pages, tu sens bien que ce ne sera pas une enquête comme les autres. Rien de policé la-dedans, rien de politiquement correct, rien de traditionnel dans la façon dont l'intrigue avance en mode chaotique. Je me suis souvent perdue dans ce road-trip du Montant au Nouveau-Mexique qui carbure à l'alcool, aux rails de coke et autres délires névrotiques des personnages. Mais au final, malgré la faiblesse de l'intrigue à proprement parler, ce côté joyeusement foutraque ne m'a pas dérangée. J'ai pris du plaisir ailleurs que dans une enquête ultra calibrée où chaque étape a du sens et s'imbrique dans la suivante jusqu'à un dénouement impeccable d'horloger ! Mais c'est évident que ce style de narration pourra décontenancer certains voire complètement rebuter. Là, t'es clairement pas chez les Suisses, hein, mais dans l'Amérique des oubliés, des hors pistes du rêve américain, des vétérans du Vietnam encore hantés ( c'est le cas de Sughrue et de ses potes qui l'aident dans son enquête ). Et c'est dans ces portraits de rafistolés que l'auteur excelle. La galerie de personnages proposée est truculente entre l'ex-flic de Denver cancereux en phase terminale, le facteur alcoolique, la femme fatale qui nourrit son bébé son sein en planquant dans son sac à langer un flingue end co ! Voici comment l'auteur décrit Norman l'Anormal, celui qui veut retrouver sa Môman : « En plus d'avoir l'air encore plus fou qu'il ne l'était, Norman semblait être le seul survivant d'un cataclysme génétique, un homme fait de morceaux, et dont tous les morceaux provenaient de gens très différents sans aucun lien entre eux. Ses cheveux ternes et graisseux drapaient un visage long et pâle aux yeux gris clair, avec une moustache fine d'allure quasi orientale. Ses longs bras maigres s'achevaient sur des mains minuscules. Ses jambes courtaudes peinaient à charrier le torse d'un homme de grande taille sur des pieds si petits qu'un prince chinois eût pu les vénérer. Et puis bien sûr il y avait l'oeil, éternellement fixé avec grand intérêt sur un point situé juste un peu au-dessus de votre épaule, perdu dans un monde parallèle où règne la folie. Et l'odeur, mélange d'urine rance, dents pourries, de marijuana et aussi sans doute de pluies acides et de muqueuses mycosées, qui s'accrochait à lui comme un mauvais karma. » Bref, j'ai beaucoup ri dans ce détonnant roman noir bien barré, portrait peu flatteur d'une Amérique décadente. + Lire la suite |