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Citations sur Autobiographie d'un épouvantail (40)

L'égoïste connaît l'altérité, mais il se donne la priorité. Le psychopathe n'a ni loi ni lien, seule son action répond à sa pulsion. Narcisse, lui, jouit de la représentation qu'il se fait de l'Autre ou de la récitation des slogans du Maître. Son amour n'est pas une relation, c'est un moment de plénitude où l'Autre, merveilleux ou horrible, n'est que l'image qu'il s'en fait.
p. 123
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La tendance actuelle étend la définition de la perversion aux inévitables stades pervers de l'enfance quand l'Autre n'existe pas encore et que l'éducation consiste à le lui faire découvrir. Mais quand un groupe clos n'admire que lui-même, l'isolement idéologique organise une situation de perversion culturelle comme ce fut le cas du nazisme, comme c'est aujourd'hui le cas de l'islamisme et de celui des sectes. Quand le contexte pousse au narcissisme, la passion amoureuse des possédés crée des moments d'extase qu'ils manifestent lors de fêtes sacrées ou profanes.
Chaque adepte éprouve un immense bonheur en se soumettant au Maître adoré et en récitant ses maximes vénérées. Dans une telle relation, l'autre homme, l'autre culture n'existent pas vraiment, ils ne sont que l'image floue que Narcisse se fait d'eux.
Dans la pensée empathique, nous devons percevoir des indices corporels et verbaux que l'Autre laisse échapper et qui vont nous permettre de nous représenter ses désirs, ses intentions et ses croyances. Dans la pensée narcissique, nous attribuons à l'ombre de l'Autre ce que nous croyons de lui.
p. 122
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« Un effacement de la trace de l'Autre dans le désir de l'Un ». Cette pensée psychanalytique est pratiquement éthologique : tout être vivant qui n'a pas reçu l'empreinte, la trace de l'Autre dans sa mémoire biologique au cours de son développement précoce ne saura pas, quand surviendra le désir, vers quel objet autre que lui-même orienter ses comportements sexuels. Un contexte affectif et culturel peut donc organiser une « situation sans autrui », où le sujet n'a pas la possibilité d'apprendre à aimer quelqu'un d'autre que lui-même. Un enfant qui découvre la vie dans un milieu sans autrui ne peut pas ne pas hypertrophier son narcissisme puisque l'Autre est affadi. Alors, il se centre sur lui-même, seul objet permanent de son désert affectif, comme en témoignent les expérimentations éthologiques qui servent de modèle à la compréhension de l'attachement.
p. 118
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À la différence des pervers structurels, les pervers culturels ne le sont que lorsqu'ils participent à l'épopée du Maître. Ils ne sont pas pervers dans les autres secteurs de l'existence où ils sont d'agréables compagnons. Un pervers développemental, lui, ne peut réagir qu'en pervers quels que soient le milieu ou la situation. Il n'a appris à répondre qu'à ce qui vient de lui-même parce que l'organisation de son milieu quand il était enfant a appauvri toute perception de l'autre.
Le pervers culturel révèle plutôt une pathologie de la doxa : anormalement normal, il fonctionne comme un pervers parce qu'il se soumet à un discours normatif qui lui dit qu'il n'y a pas d'autre.
p. 115
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Les kamikazes japonais en 1944-1945 ont été suicidés, puisque, même lorsqu'ils avaient atteint leur objectif, ils devaient ne pas revenir de façon que leur mort terrorise les agressés en signifiant « rien ne nous arrêtera, pas même la mort ». Ils mouraient tristement. Alors que les terroristes islamistes qui désirent mourir pour faire triompher leurs idées meurent en extase. Une telle décision émotionnelle correspond à l'amour-passion où un sujet normal, emporté par ses affects, est prêt à tout sacrifier, lui et les autres, pour réaliser son désir. La tornade affective est tellement violente que le sujet embarqué ne perçoit plus d'autres mondes que le sien. Quand on est emporté par un torrent, il n'est plus temps de penser, la violence du contexte est telle qu'on ne répond qu'à l'immédiat. Notre monde intime est rempli par la perception de tourbillons, trous d'eau, chutes, troncs d'arbre et rochers contre lesquels la puissance du courant nous projette.

La passion qui nous emporte
On retrouve la même passion qui nous emporte et nous isole au cours de la lune de miel avec une secte quand la nouvelle recrue, inondée de bonheur, adore les théories absurdes. Toute raison ferait tomber l'extase, toute remarque priverait le novice de son objet d'amour. En semant le doute dans l'esprit du passionné, vous abîmez son bonheur, vous diminuez son courage, vous réintroduisez dans sa vie l'angoisse et l'insipide quotidien dont sa passion venait de triompher. Vous, le raisonneur, vous devenez son ennemi, au même titre qu'un ami blesse l'amoureux quand il lui fait remarquer un petit défaut de celle qui enchante son âme.
Ce phénomène de passion crée une plénitude narcissique, un moment de grandiosité affective dépourvue d'altérité. C'est une manière d'être au monde, ce n'est pas une pathologie. Dans une telle intensité extatique, toute nuance prend un goût d'eau tiède, tout questionneur fait l'effet d'un rabat-joie. La différence n'est plus perçue ni pensée puisque le passionné est emballé par son seul monde.
p. 102 et 103
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« Je me sens mieux depuis que j'ai découvert celui par qui le malheur arrive. » Le mécanisme du bouc émissaire est délirant puisqu'il ne désigne pas le vrai coupable et pourtant ce délire logique est apaisant puisqu'il donne le sentiment de contrôler un monde insensé.
p. 100
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La femme prédatrice qui a mis une bombe dans un mariage jouissait du malaise qu'elle suscitait en racontant l'horreur qu'elle avait commise, mais ne se souciait pas du malheur qu'elle avait provoqué en tuant quarante personnes dont huit enfants : « Je n'ai pas besoin de leur acceptation, je ne fais aucun cas de leur monde, a dit la jolie terroriste. Je me moque de votre regard, je n'ai pas besoin de refouler puisque votre monde m'indiffère, je m'amuse de voir sur votre visage se dessiner l'horreur du crime qui m'a tant fait plaisir. » Dans la situation terroriste, l'altérité est tellement appauvrie que l'assassin reconnaît à peine l'appartenance de l'autre à l'espèce humaine.
p. 94
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AU BONHEUR DES PERVERTIS

Se soumettre pour triompher
Cette stratégie de la soumission mène à l'ivresse du pouvoir : « Je ne suis pas grand-chose, je n'ai pas d'idées claires, pas de convictions qui pourraient m'enthousiasmer », pense celui qui s'apprête à devenir terroriste. Je mène une non-vie, sans malheurs ni bonheurs. Tout va bien et je suis mal. Lorsque soudain j'admire un homme comme on reçoit la foudre. Un penseur, un chef politique ou un meneur mystique réveille mon narcissisme assoupi et provoque en moi un idéalisme passionné. J'éprouve pour lui un sentiment de merveille et, pour ses idées, une conviction qui n'a pas besoin de preuve pour être acceptée. Il parle et j'obéis. Ma soumission à sa grandeur et à la majesté de ses idées m'élève à sa hauteur puisqu'en lui obéissant je participe à sa victoire, je concours à sa gloire. En me soumettant à sa logique, je découvre en moi une force inattendue. En récitant ses préceptes mes idées deviennent claires. En l'admirant je me mire en Lui et ma passion exaltée ne connaît plus de limites : tout est possible en son nom ! Et puisqu'il est le Bien, le Beau et le Juste, mourir ou tuer pour Lui fait de moi un défenseur de la morale. Je lui donne tout pouvoir sur moi, car en échange j'éprouve une exaltation libératrice, le bonheur de ne plus m'appartenir, mais d'être à Lui à la vie à la mort.
Tous ces « raisonnements » qui ne font que donner une forme verbale à un sentiment extatique révèlent un monde sans altérité, une dilatation grandiose du moi qui ne laisse plus de place aux intérêts, aux projets ou au monde de l'autre. Cette absence d'empathie définit un type de perversion où le sujet tombe amoureux de lui-même en admirant le chef qui le représente.
p. 89
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Nous ne sommes pas maîtres des circonstances qui plantent dans nos âmes le sens que nous attribuons aux choses. Mais il nous reste une petite liberté quand nous agissons sur la culture afin de permettre aux blessés de reprendre un néo-développement résilient.
Chaque archive, chaque rencontre, chaque événement qui nous invite à créer une autre chimère narrative, constitue une période sensible de notre existence, un moment fécond, un bouleversement chaotique à partir duquel nous allons tenter douloureusement de réapprendre à vivre... avec bonheur 
p. 26
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AUTOBIOGRAPHIE D'UN ÉPOUVANTAIL
… je n'ai jamais menti en rappelant mes souvenirs, mais, selon les circonstances ou selon mon humeur, j'aurais pu faire revenir d'autres épisodes tout aussi vrais qui auraient composé une autre chimère.
La chimère de soi est un animal merveilleux qui nous représente et nous identifie. Elle donne cohérence à l'idée que l'on se fait de soi, elle détermine nos attentes et nos frayeurs. Cette chimère fait de notre existence une œuvre d'art, une représentation, un théâtre de nos souvenirs, de nos émotions, des images et des mots qui nous constituent.
p. 24
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