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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Comment fait-on pour écrire la souffrance d'un peuple justement vaincu? Est-ce possible? Oui, Stig Dagerman l'a fait. Ce journaliste et écrivain suédois, à la carrière fulgurante, a séjourné en Allemagne à l'automne 1946. Il en a tiré une série de reportages, émaillés de réflexions sur le sort des Allemands. Marié à la fille de réfugiés allemands anarcho-syndicalistes, l'auteur est peu suspect de sympathies nazies. Mais il est ressortissant d'un pays resté neutre pendant la guerre, et il peut porter un regard plus impartial sur les événements. du côté allié, en effet, et notamment britannique, les souffrances allemandes ne sont qu'un juste retour des choses. La punition fut d'ailleurs la principale raison du bombardement des villes allemandes et de la destruction de la plupart d'entre elles. En 1946, beaucoup d'Allemands vivent dans des ruines, des caves inondées alors que l'hiver approche, presque sans ravitaillement. Bien fait pour eux! Plus difficile encore à décrire est l'état moral de la population. Dans la lutte pour la survie, les questions d'idéologie et de responsabilité ne sont pas la première préoccupation. Et les procédures de dénazification sont vécues comme une persécution de plus. Bien souvent, ce sont surtout les personnes ordinaires qui en font les frais. Les personnalités plus impliquées s'en tirent souvent mieux, éventuellement avec la complicité des alliés.
Dans ces conditions, les premières élections démocratiques ne se font pas dans la joie d'une démocratie acquise. La "démocratie" est imposée par les vainqueurs, et l'on y répond d'une façon toute pragmatique. Comment pourrait-il en être autrement? Il arrive bien sûr aussi que les postes à responsabilité soient confiés à des opposants au nazisme, exilés, résistants de l'intérieur, ou simplement personnes qui sont arrivées à vivre plus ou moins en retrait. Mais cela ne fait pas une société démocratique et la contribution des uns et des autres au régime nazi gangrènera encore longtemps la société (ouest-)allemande. Tout cela, Stig Dagerman le voit et le décrit avec sensibilité et justesse. Y feront écho plus tard les oeuvres De W.G. Sebald et Heinrich Böll, des Allemands eux. Sans compter l'extraordinaire témoignage de Marta Hillers dans Une femme à Berlin. Il me semble qu'il est juste de ne pas nier les souffrances quelles qu'elles soient. Mais bien sûr cela n'entraîne aucunement une relativisation du mal inouï perpétré par le régime nazi.
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Automne 1946, quelque part dans les ruines d'un reich qui devait durer mille ans. L'auteur, essayiste et reporter suédois, poursuit des investigations journalistiques dans un pays ravagé par les bombes, dans un pays aux centaines de milliers de disparus, dans un pays ou la misère et la faim se lisent sur les visages laiteux et les corps faméliques d'une population plaine de rancoeur et de tristesse.

Des familles vivent dans les caves d'immeubles éventrés, les chevilles plongées dans une eau stagnante. Les enfants sont malades, les vieillards agonisent, on suit avec effroi la lute résignée d'une population en quête de survie. La vie ne tient plus qu'à un fil pour de nombreuses personnes, entre marché noir, vol et rapine (pour les plus forts d'entre eux), les tribunaux de dénazification ne font qu'exacerber une sorte de désillusion qui s'insinue dans l'esprit des gens. Beaucoup de dignitaires de l'ancien régime sont passés entre les mailles du filet, alors qu'on cherche avec acharnement à prouver un passé nazi au citoyen lambda.

Il y a aussi ce fossé qui se creuse entre les populations urbaines et rurales, les uns considèrent que les autres les ruinent en vendant à prix d'or le produit de leurs récoltes, tandis qu'à l'inverse, les ruraux accusent les citadins de tout prendre sans rien produire. C'est un monde de chaos dans lequel l'Allemagne s'est enfoncé en l'espace d'un an. Ou comment passer du statut de Grand Reich à celui de "sous-nation" divisée et occupée.

C'est un témoignage bouleversant que nous propose Stig Dagerman, sans prendre parti, il présente une société ravagée physiquement et moralement, une société gangrénée par la suspicion et la haine, dans laquelle règne la loi du plus fort... Mais plus encore qu'un "simple" état des lieux dans les ruines d'un passé fasciste, l'auteur invite le lecteur à se plonger dans une réflexion autour de la notion de "punition" de tout un peuple, ou comment ressentir une sorte d'indulgence à l'égard de personnes qui ont commis avec méthode des actes plus qu'odieux.

Une lecture dérangeante et difficile, mais qui a selon moi la vertu de proposer au lecteur un éclairage différent sur une des pire période de l'histoire de l'humanité.

Lien : http://testivore.com/automne..
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Stig Dagerman dit de façon remarquable à travers des reportages de journaliste les ruines dans l'Allemagne de 1946 , surtout celles de Hambourg .Il se livre à une lecture sociologique et politique de la situation et cette analyse pertinente est visionnaire.En particulier, quand il s'agit de voir ce qu'est un processus de domination.
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Ce recueil regroupe une série d'articles écrits par un jeune journaliste suédois (il n'a que 23 ans à l'époque), aussi grand écrivain (son roman L'enfant brûlé est exceptionnel à mon avis).

À l'automne 1946, Dagerman parcourt l'Allemagne, d'une ville en ruines à une autre. À travers les décombres, il va à la rencontre des Allemands ordinaires. Certains survivent dans des caves inondées ou dans des bâtiments administratifs à moitié écroulés. D'autres, réfugiés dans leur propre pays, attendent d'être relocalisés, entassés dans des wagons de marchandise. Ils se nourrissent de quelques pommes de terre, à la faveur du marché noir ou de kilomètres parcourus. L'auteur assiste également à des procès de dénazification du peuple et à des discours de politiciens.

Sans complaisance, les horreurs du nazisme en arrière-plan, Dagerman remet en perspective la morale face à la misère. Il réfléchit notamment aux notions de punition, de culpabilité et d'obéissance. Un excellent témoignage. Je regrette seulement quelques soucis d'édition ou de traduction (certaines phrases m'ont paru alambiquées, d'autres incorrectes en français).
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A un journaliste qui décrit les conditions de vie des Allemands dans l'immédiat après-guerre comme étant indescriptibles, Stig Dagerman répond qu'au contraire, tout cela est parfaitement descriptible. Et, même, qu'il faut avoir le courage d'écrire le quotidien de ces Allemands pataugeant dans l'eau de leur cave, toussant à cause de la fumée du poêle grâce auquel cuisent quelques pommes de terre, errant au milieu de ruines laissées par les libérateurs.

Automne allemand est le récit d'un jeune journaliste et écrivain suédois, marqué profondément par l'horreur de la guerre et de la nature humaine, et qui ira jusqu'à faire de la mort un acte de liberté absolue et même d'espoir. Ce récit prend place dans une Allemagne ravagée par la guerre, occupée par les Alliés qui s'obstinent à croire que l'omniprésence des armes et des soldats guérira les Allemands du nazisme, comme un traitement de choc pour une maladie. Et les journalistes occidentaux s'offusquent lorsque, interrogeant des familles devenues miséreuses, ces dernières déclarent qu'elles vivaient mieux sous le régime nazi. Documentaire exceptionnel, recueil d'articles pris sur le vif, le livre exprime le désastre autant matériel que psychologique d'une guerre sans pareille dans l'Histoire et qui laisse un peuple entier hagard. On se dit : les Allemands ont élu Hitler en 1933, ils ont soutenu son régime, ils ont provoqué la guerre, ils méritent ce qui leur arrive. Et pourtant, la misère et l'indignité qui touchent ce peuple ne grandit pas les vainqueurs.

Au-delà des conditions terribles qui règnent en 1946, il y a ces farces organisées par les nouvelles autorités : les procès de dénazification, les élections politiques, les politiques de reconstruction.

Evidemment, Automne allemand est un récit choc, dont la simplicité de la langue s'explique par ce que les événements décrits ne peuvent être habillés que de sobriété et d'humilité. Rien ne saurait embellir ces voyages en train interminables où les gens sont parqués, pareils à des bestiaux (rappelant fortement l'expérience des déportés dans les camps de concentration), rien ne saurait rendre glorieuse la folie de cet homme qui a perdu sa mère, sa femme et sa fille dans le bombardement du cabinet médical où elles se trouvaient, rien ne pourrait rendre beau cette petite forêt de campagne où, deux ans auparavant, on a pendu des adolescents.

La souffrance, et l'humiliation, sont omniprésentes et, pourtant, les mots sont trop faibles pour les décrire, les dire, les transmettre. Car le dilemme de l'écrivain est là : si les mots sont justes, c'est que la souffrance est irréelle ; si les mots ne suffisent pas, c'est que la souffrance est trop vive.
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Stig Dagerman, écrivain et journaliste suédois est envoyé en 1946 en Allemagne pour faire un reportage sur le peuple allemand vaincu. Cette série d'articles a été réunie dans ce livre intitulé Automne allemand. Je venais de le lire quand le hasard a voulu que je continue avec le roman de Bernhard Schlinck, le liseur. Ce qui m'a permis d'effectuer un survol de l'Allemagne de 1946, directement après la défaite, quand l'Allemagne est encore occupée par les armées étrangères jusqu'aux années 1960.
Si le liseur de Schlinck parle de la jeunesse née après la guerre sur laquelle repose tout le poids de la culpabilité des parents nazis, les témoignages de Stig Dagerman portent sur la génération qui a vécu la guerre et a été complice du nazisme

Le journaliste est là pour sonder les idées politiques du peuple allemand après la défaite, pour savoir s'il se sent coupable de s'être placé derrière Hitler, s'il en éprouve des regrets. Stig Dagerman explore le thème de la culpabilité et de la honte mais en soulignant combien cette question est faussée en cet automne 1946, (c'est le titre du premier article) date à laquelle la population allemande exsangue vit dans les caves inondées des maisons en ruines, uniquement préoccupée par la survie, la recherche de nourriture et peu encline à se poser des questions de morale. Cette lutte de tous les instants contre le froid, la faim, l'humiliation de l'occupation étrangère souvent très dure, laisse peu de place pour les sentiments et le retour sur soi-même.. La misère n'a jamais été un facteur de régénérescence. Si les souffrances des allemands touchent Stig Dagerman, elles ne constituent pas une excuse, encore moins une réhabilitation. Elles ne dédouanent pas les allemands des atrocités qu'ils ont commises ou laissés commettre. Mais souligne le journaliste, les Alliés, en imposant cette punition aux allemands n'en sortent pas grandi eux-mêmes.
« de plus la faim et le froid ne figurent pas dans la gamme des peines prévues par la justice, pour la même raison qui veut que la torture et les mauvais traitements n'y figurent pas. »
De plus, il pose le problème de l'obéissance à l'autorité et de la contrainte exercée par l'état envers ceux qui ne s'y plierait pas.
Le journaliste parle lui aussi de la jeunesse allemande qui dès le plus jeune âge a été embrigadée, modelée, pliée à l'idéologie nazie. Elle se retrouve maintenant sur la sellette devant des tribunaux de dénazification.
Or comme le proclame un jeune homme :
"-Mais Hitler était reconnu par le monde entier. Des hommes d'Etat sont venus ici signer des traités. le pape a été le premier à le reconnaître. J'ai moi-même vu un photo sur laquelle le pape lui serre la main."

En abordant toutes ces questions avec honnêteté et exigence à travers le vécu des allemands aux lendemains de la guerre, Stig Dagerman renvoie à la propre responsabilité de la Suède alliée à l'Allemagne nazie mais aussi à celle de tous. Il révèle combien ces questions sont complexes et ne peuvent recevoir une réponse simple.

Un livre intéressant écrit par un jeune écrivain - il avait 23 ans- à la sensibilité exacerbée qui ira jusqu'au bout de l'angoisse et se suicidera en 1954.
Lien : https://claudialucia-malibra..
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Le parcours d'un Suédois dans l'Allemagne dévastée. le regard qui s'habitue aux amas de pierres, mais qui scrute surtout la réalité de la vie humaine dans ce chaos absolu. Culpabilité collective ? Punition massive ? le chemin est étroit pour comprendre comment chacun s'anime dans cette vie à reprendre, dans quelle humanité chacun pourra se reconstruire.
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Recherche du mot juste devant la misère des Allemands au lendemain de leur défaite en 1946, c'est ce qu'a voulu Stig Dagerman,journaliste et témoin suédois, qui rentre dans les caves inondées où vivent des familles allemandes, partage d'immondes repas - quand il y en a - accompagne un médecin sans pouvoir, sans moyen, pour découvrir des familles vivant dans des trains. C'est un voyage effrayant, où l'homme n'est guère grandi ; l'auteur épingle les réflexes nazis qui n'ont pas disparu, l'égoïsme, et une violence omniprésente que Dagerman explique, justifie presque par la faim qui tenaille, obsède ces habitants dans des villes en ruine.
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Il est rare que l'on écrive sur l'immédiat après guerre ; on a écrit beaucoup sur la guerre elle-même autant sur la guerre en France qu'en Allemagne, mais dans ce roman qui en fait est plus un reportage qu'un roman, la guerre est terminée et l'auteur explore un champ de ruines dans les différentes villes allemandes bombardées. En interrogeant les habitants qui restent et qui se terrent comme des rats, Stig Dagerman essaie de se fondre parmi la masse, essaie de nous faire pénétrer cette ambiance glauque, essaie de provoquer l'empathie chez le lecteur pour mieux appréhender le quotidien vécu par les populations survivantes. On ne ressort pas indifférent de ce texte, mais contrairement à certains écrits, on ne trouve pas de description de l'horreur, on trouve à la fois un accablement, une tristesse profonde, et en même temps un immense espoir de jours meilleurs. Un texte fort, incisif.
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La préface du traducteur donne vite un aperçu de qui était l'auteur:

Ce voyage au bout de l'angoisse a été écrit par un jeune homme de vingt trois ans, un journaliste et écrivain suédois dont toute la production littéraire fut concentrée en l'espace de cinq ans, un Rimbaud du Nord (mis à part le fait qu'il n'écrivit guère qu'en prose) qui choisit lui aussi de se taire, avant de disparaître de sa propre main à l'âge de trente et un ans.

Pour découvrir plus avant ce Jérôme Bosch littéraire, auteur d'oeuvres majeures comme L'île des condamnés ou encore comme le Serpent, dont les nuances passent du répertoire de Kafka à celui de Cioran, vous pouvez vous attarder sur ces quelques pages :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stig_Dagerman
http://cabanel.jennifer.free.fr/reserve_2/stig_dagerman.doc
(Pour ceux qui liraient le suédois : http://www.dagerman.se/ ).

En 1946, tandis que l'Allemagne est un immense champ de cendres encore fumantes, Stig Dagerman se rend sur les ruines du pays afin d'élaborer plusieurs reportages, dont la compilation sera effectuée dans cette oeuvre (...)

http://lelabo.blogspot.com/2006/08/stig-dagerman-automne-allemand.html
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