Stig Dagerman, écrivain et journaliste suédois est envoyé en 1946 en Allemagne pour faire un reportage sur le peuple allemand vaincu. Cette série d'articles a été réunie dans ce livre intitulé
Automne allemand. Je venais de le lire quand le hasard a voulu que je continue avec le roman de Bernhard Schlinck, le liseur. Ce qui m'a permis d'effectuer un survol de l'Allemagne de 1946, directement après la défaite, quand l'Allemagne est encore occupée par les armées étrangères jusqu'aux années 1960.
Si le liseur de Schlinck parle de la jeunesse née après la guerre sur laquelle repose tout le poids de la culpabilité des parents nazis, les témoignages de
Stig Dagerman portent sur la génération qui a vécu la guerre et a été complice du nazisme
Le journaliste est là pour sonder les idées politiques du peuple allemand après la défaite, pour savoir s'il se sent coupable de s'être placé derrière Hitler, s'il en éprouve des regrets.
Stig Dagerman explore le thème de la culpabilité et de la honte mais en soulignant combien cette question est faussée en cet automne 1946, (c'est le titre du premier article) date à laquelle la population allemande exsangue vit dans les caves inondées des maisons en ruines, uniquement préoccupée par la survie, la recherche de nourriture et peu encline à se poser des questions de morale. Cette lutte de tous les instants contre le froid, la faim, l'humiliation de l'occupation étrangère souvent très dure, laisse peu de place pour les sentiments et le retour sur soi-même.. La misère n'a jamais été un facteur de régénérescence. Si les souffrances des allemands touchent
Stig Dagerman, elles ne constituent pas une excuse, encore moins une réhabilitation. Elles ne dédouanent pas les allemands des atrocités qu'ils ont commises ou laissés commettre. Mais souligne le journaliste, les Alliés, en imposant cette punition aux allemands n'en sortent pas grandi eux-mêmes.
« de plus la faim et le froid ne figurent pas dans la gamme des peines prévues par la justice, pour la même raison qui veut que la torture et les mauvais traitements n'y figurent pas. »
De plus, il pose le problème de l'obéissance à l'autorité et de la contrainte exercée par l'état envers ceux qui ne s'y plierait pas.
Le journaliste parle lui aussi de la jeunesse allemande qui dès le plus jeune âge a été embrigadée, modelée, pliée à l'idéologie nazie. Elle se retrouve maintenant sur la sellette devant des tribunaux de dénazification.
Or comme le proclame un jeune homme :
"-Mais Hitler était reconnu par le monde entier. Des hommes d'Etat sont venus ici signer des traités. le pape a été le premier à le reconnaître. J'ai moi-même vu un photo sur laquelle le pape lui serre la main."
En abordant toutes ces questions avec honnêteté et exigence à travers le vécu des allemands aux lendemains de la guerre,
Stig Dagerman renvoie à la propre responsabilité de la Suède alliée à l'Allemagne nazie mais aussi à celle de tous. Il révèle combien ces questions sont complexes et ne peuvent recevoir une réponse simple.
Un livre intéressant écrit par un jeune écrivain - il avait 23 ans- à la sensibilité exacerbée qui ira jusqu'au bout de l'angoisse et se suicidera en 1954.
Lien :
https://claudialucia-malibra..