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EAN : 9782264014245
10-18 (08/01/1993)
3.67/5   18 notes
Résumé :
L'action de ce roman, le plus célèbre du grand romancier suédois qui s'est donné la mort à trente-deux ans, se déroule en vingt-quatre heures.
Hildur, la fille du vieux Victoire, épouse le boucher du village mais c'est d'un autre qu'elle est enceinte. Les nombreux invités de la noce ont chacun, comme la nouvelle mariée, leurs drames et leurs secrets. La bacchanale qui va durer jusqu'au petit matin devient un cruel "jeu de la vérité" où le tragique se mêle au ... >Voir plus
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QUI FRAPPE AU CARREAU DE LA MARIÉE ?

Doucement, pas si vite – un escargot va doucement. Dieu l’a fait ainsi. Le Bon Dieu ou quelqu’un d’autre. D’ailleurs peu importe qui l’a créé, c’est du travail bien fait. Quel besoin un escargot peut-il avoir de se presser ? Où qu’il mette le pied, c’est à lui. Où qu’il se déplace, sa maison se trouve toujours sur ses terres. Rien ne l’oblige à courir comme un dératé pour être de retour à la maison afin d’empêcher une vente judiciaire, une saisie ou un abattage forcé. L’escargot porte sa maison sur son dos et voilà bien le dos qu’il faut avoir.

Seulement si on l’a, ce dos, on se fait mal voir. Ils sont tous là, les métayers du samedi, les ratisseurs de cailloux, les suceurs d’écorce de Långmo, à traîner sur leurs perrons et à mâchonner leur chique en écarquillant les yeux. Y en a qui ont qu’ça à faire. Y en a qui ont d’immenses vérandas devant leurs baraques pourries, rien que pour enregistrer la plus petite des petites choses qui arrive à Fuxe sans avoir jamais à sortir de chez eux. Même que si on s’en va aux chiottes avec le journal, pour peu qu’il fasse clair, ils sont capables de le lire depuis là-bas. Alors si on ajoute un étage à sa maison, ils ne quittent plus leur perron et ils restent là, bouche bée, jusqu’à ce qu’ils aient la gueule pleine de mouches. Allez, crachez !

Le voilà devenu complètement cinglé, le Victor. C’est ce qu’ils disent, les autres, sur leurs perrons. Comme si la ferme du beau-père, l’Asp Johannes, ça ne lui suffisait pas à ce m’as-tu-vu de Palm. Sûr que non. Alors vous allez me monter une baraque juste sur le toit de l’autre. Ma parole, comme ça, il doit se figurer qu’il habite un château, une propriété d’au moins douze hectares ! Sûr qu’il va falloir lui donner du « patron » à cet ancien valet. Il paraît que le cheval dudit patron aurait attrapé la gourme et que sa fille aurait trouvé à se placer en ville, chez un chef-comptable. Oui, celle qui a le bâtard.

La première fois qu’on vous baptise, ça ne compte pas. Ce qui compte, ce sont les fois suivantes. Le seul nom qu’on porte vraiment, c’est celui qu’on a honte de porter. Celui que vous donnent les colporteurs de ragots et les langues de vipère. Alors, si on s’est construit une maison sur le dos d’une autre maison, on en a pour jusqu’à la fin de ses jours à s’appeler l’Escargot. Où qu’on aille, l’Escargot on le portera sur son dos. À la fin on a le dos cassé et on n’en peut plus. À la fin on ne supporte plus d’être vu. Alors on se barricade dans sa chambre, et une fois là-dedans, on crève. Seul, là-haut, dans la maison sur la maison, on se regarde le dos, voilà bien un travail qui vous occupe une vie. On baisse le store pour ne pas être vu des autres sur leurs perrons. Et les pendules, les trois pendules, on les monte là-haut. Accrochées au mur, elles font leur tic-tac et sonnent l’heure. Comme ça, on sait qu’ici le temps avance vers le calme et la délivrance. Doucement, comme un escargot. La vieille pourra apporter votre repas, marche doucement dans l’escalier, femme pour que les autres sur leurs perrons ne t’entendent pas. Et emporte le seau de toilette, il pue.

Qu’est-ce que c’était, cette histoire de maison ? Une idée ou une folie ? Quelle importance ? Pour les gens d’ici, les idées et la folie cela a toujours été la même chose. Oui, mais quand tard dans la nuit, le jour commence à poindre, le store remonte doucement, car on est bien un escargot, n’est-ce pas ? Alors, pourquoi se presser quand on ne voit rien d’autre que ce qui est à vous.

Il y quelque temps, ils ont fait les foins. Est-on descendu ? Non, ce sont les autres qui ont dû monter. On avait pensé faire les foins, papa. Ah oui – est-ce que la lame de la faucheuse coupe bien ? Le valet l’a aiguisée, papa. Ah oui – as-tu quelqu’un pour te donner un coup de main ? Lars le forgeron de l’Hospice sera là et Rullan, mon amie, râtellera. Elle est en vacances. Bon – eh bien alors, tu peux faire les foins. Mais retiens bien fort la jument. Et pense à acheter du sel et des pierres à fusil. Entendu ? Oui, papa.

Rudolf a-t-il un escargot partout où il va ? Un petit, ouais. Un petit qui un jour grandira. Alors, il montera sûrement à l’étage. Et il s’enfermera en faisant très attention et il ne redescendra que lorsqu’on le sortira les pieds devant.

À l’aube, le seigle luit. Le seigle a son propre soleil. Mais il va bientôt falloir le couper. Alors une fois encore des pas dans l’escalier. Ne devrait-on pas couper le seigle, papa ? Apporte voir un épi que je sente. Il faudra bien que cette année encore, je morde dans le grain, puisque personne d’autre ne s’y entend. N’oublie pas de graisser les roues. Et la lame, elle coupe bien la lame ? Oui, papa. Dans ces conditions mon garçon, tu peux y aller.

Mais aujourd’hui. Faudra-t-il descendre ? Faudra-t-il sortir de sa maison, descendre et se mêler aux autres ? Parce que la vieille a dit en posant le hareng sur la table : tu sais, Fildur, elle va se marier. Allons donc. Et avec qui ? Avec ce va-nu-pieds de Martin de Långmo, avec qui elle restait des nuits entières sous ma fenêtre, sur le perron. Non, le Martin, il est parti. Après la mort de sa mère, il s’est fait bûcheron au Västmanland et ça a été terminé. L’anneau a été renvoyé. Elle se marie avec Westlund, le boucher, celui qui est allé en Amérique. On a pensé qu’on pourrait faire la noce ici, chez nous. Les bans ont été publiés dimanche pour la troisième fois.

La troisième fois ? Quand les nouvelles parviennent à un escargot, c’est aussi doucement que ça. D’ailleurs : un escargot a-t-il à se soucier d’une noce ? A-t-il à sortir de sa maison pour une noce ? Une noce, ça compte moins que le trou au bout de l’allée. Une seule chose compte, c’est la mort.

L’aube du samedi est en train de pointer, c’est aujourd’hui que ça va se faire. Hier, j’ai vu que le Westlund est venu. Un cigare au bec, et son costume du dimanche. La vieille, depuis l’escalier : tu ne descendras pas ? Non, jamais. Mieux vaut encore être où on est et celui qu’on est. Mieux vaut encore être celui qu’ils ont fait de vous. Les ceux qui font.

Mais une porte vient de grincer et voilà que tout à coup, la porte de la grange est ouverte. Un homme passe devant le puits, un long type maigre marche dans la rosée et se dirige droit sur la maison. La casquette sur le front. Tout penché. Qu’est-ce qu’il veut ? Ça doit encore être un de ces voyeurs de Långmo. Mieux vaut baisser tout doucement le store. Et le laisser venir, sans être vu.

Car un escargot, ça laisse tout venir. Et tout vient. Voilà pourquoi un escargot se déplace si peu. Parce que tout est à lui jusqu’où il peut voir. Même si on ne voit plus aussi loin. L’année dernière, on voyait plus loin que cette année. L’année dernière, on voyait le pré aux vesces de Ålasse. Cette année, on ne voit plus aussi loin. On est donc plus riche cette année, le plus riche étant celui qui ne voit que ce qui lui appartient.
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Tous nous nous demandons : à quoi pensent les autres hommes quand ils sont seuls ? S'ils pensent comme nous, pourquoi donc ne l'apprenons-nous jamais ? Peut-être savons-nous tous la même chose sans oser nous la révéler les uns aux autres. Peut-être nous demandons-nous tous : où est l'ami que partout je cherche ? Peut-être le trouvons-nous, tous, lorsque meurtris et sanglants, nous le découvrons couché, meurtri et sanglant lui aussi, au fond de cet abîme où notre désespoir nous pousse ?
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Vidéo de Stig Dagerman
Lecture de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman et concert autour des oeuvres de Théodore de Banville, Gérard de Nerval, Paul Eluard et Rabindranath Tagore.
« C'est l'angoisse de la séparation qui s'épand par tout le monde et donne naissance à des formes sans nombre dans le ciel infini. C'est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence toute la nuit d'étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les chuchotantes feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet. C'est cette envahissante peine qui s'épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, et c'est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons. »
L'Offrande lyrique, Rabindranath Tagore, traduit par André Gide.
Ces émotions douces et amères qui nous secouent ne sont-elles pas universelles ? Ne sont-elles pas l'essence même de notre existence ? Deleyaman, groupe franco-américain dans la veine céleste de Dead Can Dance, aborde ces questions vibrantes, parle d'art, d'amour, de beauté et de contemplation comme des réponses à nos contraintes existentielles.C'est une amicale collaboration artistique entre le groupe et Fanny Ardant qui a donné naissance à cette création. Au travers d'un texte lu, elle dialogue avec le groupe sur une musique créée par Deleyaman. Avec le son du doudouk, le groupe d'Aret Madilian interprétera les titres français de sa discographie
Fanny Ardant : voix Béatrice Valantin : voix, clavier Aret Madilian : piano, clavier, guitare, percussion Guillaume Leprevost : basse, guitare Artyom Minasyan : doudouk, plul, pku Madalina Obreja : violon Gérard Madilian : doudouk
Création en partenariat avec le Trianon Transatlantique de Sotteville lès Rouen – Scène conventionnée d'intérêt national art et création chanson francophone.
À écouter – Deleyaman, « Sentinel », 2020. Plus d'informations sur www.deleyaman.com À écouter : https://deleyaman.bandcamp.com/album/sentinel
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