Je l'emmènerais sans doute sur une île déserte, ce livre. Il m'aiderait à refaire le monde en sauce liberté, à rêver plus coloré, plus ouvert, à avoir envie de partage...
En plus il est rédigé dans un style si surprenant, qu'à le relire 10 fois je découvrirais encore des choses, des jeux de mots qui m'auraient échappé, des images que je n'aurais pas eu le temps de conscientiser, faute de patience, c'est mon défaut de lectrice, ça, quand c'est trop bien, je ne savoure pas toujours, trop pressée de connaitre la suite, quand c'est rasoir, ben c'est pas mieux, je saute des lignes! Plus qu'un style, j'ai même envie de parler d'une expérience de lecture. le plus frappant aura été cette langue "incandescente" comme c'est écrit au dos du livre, car les mots semblent créer un mouvement, parfois, et de plus en plus au fur et à mesure du livre; Les mots se distordent, changent, évoquent une sensation, créent une musique. C'est un livre qui demande de l'implication!
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C'est un livre esthétique! A cette langue viennent se mêler des signes, une calligraphie originale, différente pour chaque personnage. Je n'avais pas compris, au départ, je chassais points, parenthèses et apostrophes d'un revers de mains, ou tout du moins ça m'en donnait l'envie, le temps de m'installer pour de bon dans cette manière peu commune d'écrire. Ainsi on peut être aussi bien dans "la tête" d'un personnage que dans celle d'un autre, et aussi avoir différentes facettes d'un même moment, c'est très confortable pour le lecteur et il se sent "tout-puissant" (lol).
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Il m'aura fallu un peu de temps pour tout à vrai dire...En examinant le livre avant de me lancer, j'avais des aprioris, la dédicace au départ par exemple, m'avait semblée un brin maniérée, un poil surjouée alors que j'en ressens une fois le livre lu toute l'immense tendresse. Un CD accompagne ce livre , où l'on découvre la voix de l'auteur qui reprend des passages du livre, accompagné d'une voix féminine et d'un guitariste, c'est un cd qui je pense a plus d'impact une fois le livre lu, tel un "flash back" sonore du monde silencieux et pourtant si dense que l'on vient de quitter. C'est en tout cas comme cela que je l'ai appréhendé, et il m'a beaucoup émue. Un beau cadeau de l'auteur de pouvoir découvrir sa voix, sa propre émotion, et de revivre avec une facette encore différente certains moments d'échange entre Sahar et Lorca ou ce moment où leur fille Tishka reprend forme humaine dans une simulation virtuelle.
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C'est un livre résolument politique. Il évoque une société de masse bien triste, en proie à une recherche exacerbée de confort matériel, où l'intimité est mise à nu au profit de la satisfaction rapide et sans effort. Où la prévention, la sécurité sont de véritables valeurs d'État. La masse manque d'âme, de bruit, de mouvement. Heureusement nous découvrons aussi tout un monde militant, une infinité de groupuscules; et ce chapitre où certains "volent" au-dessus de l'asphalte( chapitre 9 ), par des centaines de câbles au-dessus des toits m'a donné une grande bouffée d'oxygène.
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Un livre riche et dense qui assure non seulement une dimension stylistique et esthétique, un message politique très fort, et qui enfin ou en plus m'a fait vibrer plus d'une fois la corde émotionnelle. Il évoque avec beaucoup de force ce que peut être la disparition d'un enfant,
Alain Damasio. Tout ce que ça peut susciter d'espoir chez Lorca, dont les retrouvailles sont désormais l'unique moteur de vie; alors qu'au contraire pour sa femme Sahar il s'agit de faire un deuil, de respecter une mémoire. Ces personnages sont forts chacun à leur manière et leur histoire est très belle...
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Tant d'ingrédients que demander de plus à un roman? Peut-être qu'on en saura un peu plus encore sur ces furtifs lors d'un prochain tome, car ils restent malgré tout bien mystérieux,ainsi que leur capacité d'hybridation avec les (le) vivant (s).
Peut-être aussi qu'après un début qui monte en puissance jusqu'au chapitre 12, j'ai un peu pâti de quelques longueurs, en même temps que Lorca et Sahar qui cherchaient désespérément et en tout sens comment retrouver leur fille.
N'en demeure rien de moins qu'un livre dont la tendresse m'a transpercée, qui transpire d'humanité, qui transpore de vie.
Et dire qu'il existe une petite merveille d'après vous qui s'appelle "la horde..." , j'en salive déjà. Merci aux babeliotes qui m'ont rendue curieuse de lire du
Damasio.