En 1785, entrait à l'atelier de David un beau garçon de quatorze ans. Ce jeune homme, ou plutôt cet enfant bien pris dans sa petite taille, portait sur des épaules un peu tombantes une tète irréprochablement conformée, sous les proéminences frontales de laquelle deux yeux noirs bien fendus, caressants et veloutés, un peu timides, mais non pas irrésolus, flamboyaient d'intelligence. Le nez droit donnait à la physionomie une véritable noblesse, que la fermeté de la bouche aux lèvres un peu minces et l'arc des sourcils finement estompés accentuaient encore.
A l'allure de cet écolier, à sa démarche, à sa façon de prendre place, il était aisé de se rendre compte du terrible mélange de crainte et de bonheur auquel il était en proie, et du respect dont le pénétraient la majesté du lieu autant que la gloire du maître qui venait de consentir à le compter au nombre des humbles desservants d'un culte dont il était le grand-prêtre.
Les choses allaient tant bien que mal : le jeune homme se soutenait à force de volonté et d'énergie au milieu d'un labeur persévérant et implacable. Mais la Révolution grondait et le troublait profondément, lui le doux et tendre artiste dont l'esprit nourri d'idéal grec cherchait dans la solitude de sa «petite chambre au quatrième étage du logis familial les formes, les groupements, les symboles nobles et purs sous lesquels son maître lui avait représenté le vague et divin rayon que les Dieux laissent tomber sur le front des peintres.