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Citations sur Truismes (40)

J'entendais, en haut des arbres, les plumes des moineaux se froisser dans leur sommeil précoce, leurs paupières battre soyeusement dans les derniers réflexes de la veille, et je sentais leurs rêves glisser sur ma peau avec les derniers rayons du couchant. Ça faisait des rêves d'oiseaux partout dans l'ombre tiède des arbres ; et des rêves de pipistrelles partout dans le ciel, parce que les pipistrelles rêvent même éveillées. Ça m'émouvait tous ces rêves. Un chien s'est approché de moi pour pisser et j'ai senti qu'il voulait me parler pour ainsi dire, et puis il s'est ravisé et a rejoint prudemment son maître. J'ai senti la solitude au creux de la poitrine, là, avec violence, avec terreur, avec jouissance ; je ne sais pas si vous pouvez comprendre tout ça en même temps. Il n'y avait plus rien qui me retenait dans la ville avec les gens. J'aurais pu m'envoler comme les oiseaux si je n'avais pas été si lourde.
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Je me suis approchée des arbres. C'était la première fois que je voyais des arbres aussi hauts, et qui sentaient si bon. Ils sentaient l'écorce, la sève sauvage ramassée à ras de tronc, ils sentaient toute la puissance endormie de l'hiver. Entre les grosses racines des arbres la terre était éclatée, meuble, comme si les racines la labouraient de l'intérieur en s'enfonçant profondément dedans. J'y ai fourré mon nez. Ça sentait bon la feuille morte de l'automne passé, ça cédait en toutes petites mottes friables parfumées à la mousse, au gland, au champignon. J'ai fouillé, j'ai creusé, cette odeur c'était comme si la planète entrait tout entière dans mon corps, ça faisait des saisons en moi, des envols d'oies sauvages, des perce-neige, des fruits, du vent du sud. Il y avait toutes les strates de toutes les saisons dans les couches d'humus, ça se précisait, ça remontait vers quelque chose. J'ai trouvé une grosse truffe noire (...), j'ai croqué dans la truffe, du nez le parfum m'est entré dans la gorge et ça a fait comme si je mangeais un morceau de la Terre. Tout l'hiver de la Terre a éclaté dans ma bouche, je ne me suis plus souvenue ni du millénaire à venir ni de tout ce que j'avais vécu, ça s'est roulé en boule en moi et j'ai tout oublié, pendant un moment indéfini j'ai perdu ma mémoire. J'ai mangé, j'ai mangé. Les truffes avaient la saveur des mares quand elles gèlent, le goût des bourgeons recroquevillés qui attendent le retour du printemps, le goût des pousses bandées à craquer dans la terre froide, et la force patiente des futures moissons. Et dans mon ventre il y avait le poids de l'hiver, l'envie de trouver une bauge et de m'assoupir et d'attendre.
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J'ai senti la solitude au creux de la poitrine, là, avec violence, avec terreur, avec jouissance ; je ne sais pas si vous pouvez comprendre tout ça en même temps.
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Il y avait quand même des satisfactions. Les clients, une fois qu'ils avaient eu leur comptant, avaient toujours un petit mot gentil pour moi, ils me trouvaient ravissante, parfois ils employaient d'autres mots que je n'oserais pas écrire mais qui finalement me faisaient autant plaisir.
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Je sais à quel point cette histoire pourra semer de trouble et d'angoisse, à quel point elle perturbera de gens. Je me doute que l'éditeur qui acceptera de prendre en charge ce manuscrit s'exposera à d'infinis ennuis. La prison ne lui sera sans doute pas épargnée, et je tiens à lui demander tout de suite pardon pour le dérangement.
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Dans tout mon corps j'ai viré à nouveau avec le tournoiement de la planète, j'ai respiré avec le croisement des vents, mon cœur a battu avec la masse des marées contre les rivages, et mon sang a coulé avec le poids des neiges. La connaissance des arbres, des parfums, des humus, des mousses et des fougères, a fait jouer mes muscles.
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Désormais la plupart du temps je suis truie, c'est plus pratique pour la vie de la forêt. Je me suis acoquinée avec un sanglier très beau et très viril. Je reviens souvent à la ferme, le soir. Je regarde la télévision.
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Mais je grossissais de partout, pas seulement du ventre. Et mon ventre ne ressemblait pas du tout à celui d'une femme enceinte, ce n'était pas un beau globe rond mais des bourrelets que j'avais.
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