J'ignorais où mon contrat devait s'arrêter pour préserver les bonnes moeurs. Il m'a fallu du temps et du courage pour oser m'en ouvrir au directeur. Curieusement le directeur a beaucoup ri et m'a traitée de petite fille.
J'étais toute propre. Je me reposais. Je restais sur mon lit et je n'avais plus mal au dos. Je m'efforçais de retrouver figure humaine, je dormais beaucoup, je me coiffais. Mes cheveux étaient presque tous tombés mais ils repoussaient. Je rognais mes ongles d'orteils, je rasais mes jambes, et je voyais mes mamelles dégonfler, devenir de moins en moins visibles.
« L’imaginaire est toujours hanté par la vie » .
J’ai passé une nuit horrible. A peine m’assoupissais-je sur mon tabouret que des images de sang et d’égorgement me venaient à l’esprit. Je voyais Honoré ouvrir la bouche sur moi comme pour m’embrasser, et me mordre sauvagement dans le lard. Je voyais les clients faire mine de manger les fleurs de mon décolleté et planter leurs dents dans mon cou. Je voyais le directeur arracher ma blouse et hurler de rire en découvrant six tétines au lieu de mes deux seins. C’est ce cauchemar-là qui m’a fait me réveiller en sursaut. J’ai couru vomir à la salle de bain, mais l’odeur des rillettes m’a soulevé le cœur encore plus. Ça a fait comme si mon intérieur se retournait, le ventre, les tripes, les boyaux, tout à l’extérieur comme un gant à l’envers. J’ai vomi sans pouvoir m’arrêter pendant plusieurs minutes. Après j’ai ressenti le besoin urgent de me laver. Je me suis frottée sur tout le corps, savonnée dans les moindres recoins, je voulais enlever tout ça. Il y avait une odeur très particulière attachée à ma peau. Les poils surtout me dégoûtaient. Je me suis séchée soigneusement dans une serviette bien propre, je me suis frottée au talc, et je me suis sentie un peu mieux. Ensuite, je me suis rasé les jambes et, comme je pouvais, le dos. Un peu de sang a coulé, c’est difficile de se raser le dos. La vue du sang m’a pétrifiée. (p. 52)
Je cherchais donc un travail. Je passais des entretiens. Et ça ne donnait rien. Jusqu'à ce que j'envoie une candidature spontanée, à une grande chaîne de parfumerie. Le directeur de la chaîne m'avait prise sur ses genoux et me tripotait le sein droit, et le trouvait visiblement d'une élasticité merveilleuse. A cette époque de ma vie les hommes s'étaient tous mis à me trouver d'une élasticité merveilleuse.
« Edgar a dit que ce serait tout de même marrant si on pouvait transformer les prisons en porcheries, qu’au moins ça fournirait des protéines pas chères. » (p. 109)
Honoré m'a embrassée sur le front et m'a dit que puisque j'étais en beauté ce soir, il m'invitait à l'Aqualand. J'en aurais pleuré de joie.
Il y avait une cabine réservée au nom d'Honoré quand nous sommes arrivés. Cela m'a fait un plaisir immense que de son coté il ait tout organisé. Dans la cabine, Honoré a fait un effort sur lui-même et il m'a sodomisée. Je crois qu'il ne pouvait même plus penser à mon vagin. Moi, penchée en avant, j'avais pour ainsi dire une vue imprenable sur ma vulve, et je trouvais qu'elle dépassait étrangement ; en quelque sorte les grandes lèvres pendaient un peu plus que la normale, c'est pour ça que je pouvais si bien les voir.
Dans "femme-femme" ou "ma beauté ma santé", je ne sais plus, j'avais lu que le plat préféré des Romains, et le plus raffiné, c'était la vulve de truie farcie. Le magazine s'insurgeait contre cette pratique culinaire aussi cruelle que machiste envers les animaux.
Je n'avais pas d'avis sur la question, je n'ai jamais eu d'opinions bien précises en politique.
Honoré a terminé. Nous sommes sortis de la cabine.
C'est la rationalité qui perd les hommes, c'est moi qui vous le dis.
Maintenant je sais qu'au moindre orage aussi il faut se concentrer très fort pour rester calme, pour ne pas céder à l'affolement qui monte au ventre, pour retenir un peu cette terreur qui revient dans le ventre des bêtes depuis le premier orage.
Lu un peu par hasard à sa sortie ou presque, je me souviens s'y avoir perçu ne métaphore sur la condition féminine, l'obligation de beauté.... à l'envers. Vite lu, c'est joyeusement trash et barré. On se prend à imaginer l'héroïne au fur et à mesure de sa transformation, des sensations de toucher, d'odeurs....