Voici un livre que j'avais repéré en librairie depuis bien longtemps – où il était, de façon étrange, présenté au rayon de la littérature blanche, et non en fantasy et/ou en jeunesse ! – mais, comme si souvent, je ne l'ai finalement jamais acheté, ma PAL étant déjà bien assez énorme, et je l'ai ensuite plus ou moins oublié. Jusqu'à ce jour récent où, cherchant plusieurs titres que j'avais listés sur Lirtuel, je suis tombée tout à fait par hasard sur celui-ci (un mot-clé commun ? Je ne saurais dire !). À vrai dire, depuis ce passage ancien en librairie, j'avais à peu près oublié ce que raconte le synopsis, que j'ai à peine re-survolé, mais j'avais le souvenir de cette couverture, peut-être pas exceptionnelle, mais pour le moins interpelante, et indéniablement féminine… J'ai aussitôt saisi l'occasion de pouvoir enfin lire ce livre !
Alors, oui, c'est un livre jeunesse, peut-être grand ado mais malgré tout ça se sent très vite – ce qui n'est pas une critique, je tiens à le préciser, plutôt un état de fait qu'on ne peut masquer. L'histoire commence dans un monde différent du nôtre, mais pas tellement en fait : on entre très facilement dans la dimension fantasy, qui est bien marquée sans être complètement déracinante. En effet, ce monde ressemble très fort à ce qu'on peut imaginer de l'Ouest américain au début de la conquête, c'est le côté western assumé, tandis que tous les éléments sont donnés pour que les différents types de personnages soient vite identifiables. Il y en a certes quelques-uns qui, pour moi, sont restés flous : Mère Fleur, par exemple, qui a en quelque sorte un rôle de « mère maquerelle », n'est jamais citée autrement que sous ce nom, on ne sait rien d'elle à aucun moment si ce n'est qu'elle est méchante (c'est un peu court ! j'y reviens), mais elle semble n'appartenir à aucune catégorie particulière, et ce flou crée un tout petit manque qu'il aurait été intéressant de combler, mais qui n'empêche en rien la compréhension de l'histoire !
Les fameuses « Filles de la Chance » sont évidemment en vedette, ces jeunes filles d'une sous-catégorie d'habitants de ces contrées, qui ont été vendues à ces « Maisons de Bienvenue » parfois très jeunes, où elles exercent comme bonnes à tout faire, constamment sous contrôle de la fameuse Mère Fleur et des Dévoreurs (qui m'ont fait penser furieusement aux Détraqueurs d'Harry Potter, même s'il y a quelques menues différences), tout en étant peu à peu préparées au jour soi-disant glorieux de la Chance, à leurs 16 ans… Chance d'être données pour la première fois à un « Bluffeur » !
C'est ainsi que l'histoire commence : la jeune Clémentine se prépare pour cette fameuse nuit de la Chance, mais se rend compte quand l'homme arrive, qu'elle ne peut pas, qu'elle n'est pas prête ! Dans son désarroi, elle cherche à se défendre, et ainsi tue par accident celui qui allait lui enlever pour toujours son innocence. Panique totale ! mais avec l'aide de sa soeur Aster, de ses amies de toujours (qui n'ont pas encore atteint 16 ans) Mauve et Tanaisie (je me demande pourquoi le synopsis parle d'une Tanny, car même si c'est un diminutif, il n'est jamais utilisé dans le livre?), et de l'énigmatique Violette qui était jusque-là plutôt la « méchante » toujours encline à dénoncer ses camarades auprès de Mère Fleur à la moindre occasion, elles parviennent à s'échapper, en quête d'un fol espoir de pouvoir vivre une vie libre.
De rencontres en événement hasardeux, entre l'ivresse d'une liberté qu'elles découvrent et la crainte constante d'être reprises et de vivre alors pire encore, et bien sûr poursuivies autant par les forces de l'ordre que par la puissante famille de l'homme que Clémentine a tué, elles vont affronter 1.000 dangers tout en évoluant, en grandissant, en se serrant les coudes malgré quelques dissensions. C'est un livre sur la sororité, au sens famille-famille, mais aussi plus largement cette complicité grandissante entre jeunes filles, sans oublier l'éclosion de l'une ou l'autre relation gentiment esquissées, et il y en a pour tous les goûts. (sourire)
La trame narrative est linéaire et classique, avec un fil rouge de road trip vers la liberté : on va d'un point A à un point B, puis quand le point B est bien exploité on passe au point C et ainsi de suite. Il y a quelques flashes back, notamment quand l'une ou l'autre des protagonistes se décide à raconter son passé aux autres, par bribes ou parfois tout en jet d'un seul coup. Les événements se succèdent en autant de rebondissement, mais aucun n'est une folle surprise, ce qui ne veut pas dire non plus que l'autrice aurait manqué d'imagination, oh non, mais à nouveau, c'est la trame qui est assez prévisible : on affronte un danger, on a peur et c'est chaque fois un peu plus terrible, mais évidemment toujours on en sort, relativement facilement en plus, ce qui enlève sans doute cette part d'inattendu qu'on aurait pu espérer – mais à nouveau, ce n'est pas une critique, juste une constatation.
Et ainsi, on atteint même, comme dans toute bonne histoire que l'on aurait appris à écrire en atelier d'écriture (eh oui !), le « pire du pire », ce climax où survient ce qui ne devait surtout pas arriver ! Et là aussi, bien sûr, on s'en sort, presque d'une pirouette. Quoique… pour tout dire, après « analyse », j'hésite entre deux événements qui pourraient porter ce titre de climax (est-ce la capture des jeunes filles par McClennon et leur emprisonnement pour une horrible durée de 6 jours ? ou est-ce le moment où elles découvrent que, en fait, leur Faveur ne pourra jamais être effacée ?), et c'est vrai que j'ai sué dans les deux cas, mais l'autrice parvient à chaque fois à retomber sur ses pieds.
Mon seul vrai reproche, finalement, est que j'ai eu du mal à m'attacher réellement à plusieurs des personnages, car je les ai trouvées tout carrément trop lisses pour la plupart. L'autrice nous présente un monde très manichéen, où le fait de faire partie des « bons » (qui sont, de manière générale, les opprimés) semble suffire à expliquer qui ils sont. de leur côté, les « mauvais » sont méchants, détestables etc. sans aucune nuance, sans aucune circonstance atténuante, et point : c'est un peu court.
Pour le dire autrement, ces différentes jeunes filles ont certes une capacité particulière chacune, une façon d'être un peu esquissée qui les distingue, mais leur seul vrai trait de caractère remarquable est… d'avoir été opprimées !? Bof, c'est plutôt réducteur ! On aurait aimé qu'elles aient chacune au moins une petite part d'ombre, une réaction réellement vive de temps en temps, une mauvaise habitude répréhensible quelconque qui les rende plus « vivantes », tout simplement !
C'est ainsi que, clairement, parmi elles toutes, j'ai préféré un personnage tel qu'Aster qui, dans son souci exacerbé de protection envers sa soeur, en devient parfois hargneuse, ose être fatiguée et râler, etc. de même, Violette a gardé tout du long une part de mystère, mêlé à sa condition initiale de « méchante » à qui on ne sait jamais si on peut faire 100% confiance, ce qui lui donne une vraie ampleur, qui manque tant à la plupart des autres.
Mais à part cette réserve - on sait que je n'adore pas les histoires trop manichéennes (qui sont hélas surreprésentées dans les univers fantasy et plus encore si c'est fantasy jeunesse) – ce livre est vraiment agréable et facile à lire, on se laisse entraîner par cette narration sans grande surprise mais où l'aventure est bien présente.
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