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En ouvrant les premières pages des Ignorants, on retrouve immédiatement l'univers des « oeuvres documentaires » de l'univers d'
Etienne Davodeau. Toujours ce trait qui se refuse à l'académisme et qui oscille sans cesse entre croquis instantanée et travail minutieux de fourmis. Tout est en nuance de gris mais pourtant on voit presque la couleur du paysage d'hiver et le ciel bleu de l'été. Faute au très bon travail de lavis qui permet véritablement de donner une luminosité à l'ensemble. Côté découpage, là encore on retrouve les mêmes formules. L'humain est au centre des préoccupations et les longues discussions/interviews voient sont l'occasion de plans successifs tournant autour des protagonistes nombreux. Vous y retrouverez des vignerons anonymes, des auteurs célèbres et même des héros de bande dessinée… Toutefois, la vigne, personnage presque à part entière, n'est pas oublieé et les longues discussions laissent bien souvent la place à de très belles planches muettes montrant les moments clefs des instants de cet échange improbable.
Car c'est bien d'un échange dont il s'agit ici. Enfin non, pas tout à fait. Car, comme je le laissais entendre plus haut, cette année d'apprentissages respectifs est aussi l'occasion de multiples rencontres, la plupart sympathique, entre deux mondes curieux l'un de l'autre. Davodeau apprend, écoute et enseigne par l'exemple avant de devenir à son tour élève d'un viticulteur professeur à la fois exigeant, militant et exalté. Fou pas si dingue, faisant preuve d'une connaissance remarquable dans de multiples domaines inhérents à sa tâche (biologie, géologie, agriculture, météorologie…) Richard Leroy est un personnage si enthousiasmant qu'il m'est arrivé parfois de me demander s'il était bien réel. Il est un quasi-personnage de fiction : homme l'été / ours l'hiver, bougon et sympathique, direct, droit, esthète. Toutes ses qualités et surtout ses défauts détonnent dans le petit monde de la bande dessinée. Son point de vue sur ses lectures, où il taille successivement un costard à
Trondheim et Moebius (oui rien que ça) pour ensuite être bouleverser par le travail de Spiegelman, d'
Emmanuel Guibert ou de
Marc-Antoine Mathieu sont des grands moments de poésie et de sourires. le candide n'est pas un naïf. Je regretterais juste qu'
Etienne Davodeau, par pudeur sans doute, n'arrive pas à impliquer son avatar de papier aussi profondément que celui de Richard. Mais là, je chipote pour trouver quelque chose de négatif à dire.
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http://www.iddbd.com/2012/01..