A ce moment-là, j'ai dû comprendre pour la première fois que le mal est irrémédiable et qu'il est impossible de réparer un tort quoi que l'on fasse ensuite.
Il me fallut beaucoup de temps pour accepter mon nom, rendant ainsi hommage au fait que d'autres avant moi avaient porté le même. C'est seulement l'adulte qui remonta les générations. Enfant je n'admettais pas le passé.
Nous ne parlions pas napolitain. Nos parents se défendaient de la pauvreté et du milieu avec l'italien.Ils étaient très seuls et ne recevaient pas d'amis, ne pouvant les accueillir dans un lieu si exigu.
La mort de Maxime.
"Scese nel mare in uno dei minuti della mia assenza. Non posso ricordarlo, non posso conoscerlo, eppure lo conosco e lo ricordo meglio di tutti i nostri minuti.
Il mondo era lì per tradirci. Il nostro Tirreno conteneva agguati, la nostra età era condannata e non lo sapevamo. Schifo, mamma, schifo ho avuto della natura molto più che dei misfatti degli uomini, schifo del azoto, della luna piena comparsa a mare, schifo di aver perduto la scia dei suoi piedi, dietro i quali non avrei più messo le mie braccio magre. Ho avuto schifo di avere un'ombra et di tirare aria nel naso."
"Il descendit dans la mer dans une de mes minutes d'absence. Je ne peux pas m'en souvenir, je ne peux pas la connaître, et pourtant je la connais et m'en souviens mieux que d'aucun autre de nos instants.
Le monde était là pour nous trahir. Notre mer Tyrrhénienne était pleine de pièges, notre âge était condamné et ne le savait pas. J'ai été écœuré, maman, par la nature, bien plus que des méfaits des hommes, écœuré par l'azote, par la pleine lune surgie sur la mer, écœuré d'avoir perdu la trace de ses pieds, derrière lesquels je ne mettrais plus mes bras maigres. J'ai été écœuré d'avoir une ombre et d'aspirer de l'air par le nez."
Erri de Luca, le travail physique et l'écriture :
"Ho fatto il mestiere più antico del mondo. Non la prostituta, ma l'equivalente maschile, l'operaio, che vende il suo corpo da forza di lavoro. Ho saputo notizie precise e materiali del verbo lavorare. Non posso usarlo per quello che combino con la scrittura. Scrivere è stato e resta per me il contrario, il tempo festivo dentro una giornata di corpo venduto per salario. È stata il tempo salvato."
"J'ai fait le plus vieux métier du monde. Pas la prostituée, mais son équivalent masculin, l'ouvrier, qui vend son corps comme force de travail. J'ai eu des notions précises et physiques du verbe travailler. Je ne peux pas l'utiliser pour ce que je fais avec l'écriture. Écrire est et reste pour moi le contraire, un temps de fête dans une journée de corps vendu contre salaire. Elle a été du temps préservé."
"Si tu es capable de vivre sans attente, tu verras des choses que les autres ne voient pas.
Je viendrais te donner le bras. Que ferions-nous ? Nous comprendrions. Bras dessus, bras dessous nous comprendrions toute notre vie. Nous la verrions dans les séparations qui n'ont pas affaibli notre affection, dans les retrouvailles qui ne l'ont pas renforcée.
On grandit en se taisant, en fermant les yeux de temps en temps, on grandit en se sentant tout à coup très loin de tous les autres.
Tout cela venait-il vraiment à l'esprit de l'enfant qui cassait ses jouets ? Tout cela et bien plus, mais pas les mots qui le diraient.
Plus tard seulement, du jeu silencieux, du souvenir qu'il m'a laissé, je fais la réduction pour le décrire. Même si les mots, de par leur nature secourable, donnent de la lumière, ils font en réalité de l'ombre, ils sont les signes obscurs tracés contre l'immensité d'une enfance quelle qu'elle soit.
Beaucoup de détail ne forment pas un souvenir, beaucoup de souvenirs ne constituent pas un passé