Ce qui rend les choses réelles, c'est de les vivre plus intensément au présent sans penser à l'avenir. (p. 158)
Ma vie est parsemée d'écrits abandonnés dans de jolis cahiers que j'oublie et qui révèlent, quand je les retrouve, une toute autre version de mon vécu, parfois à l'opposé de mes souvenirs si bien que ma mémoire me fait l'effet d'une sorcière qui saupoudrerait mon cerveau de philtres divers pour transcender l'oubli ou travestir le réel. (p. 68)
- Pourquoi crois-tu au miracle ? me murmurait-il chaque soir.
- Parce que j'ai toujours vécu dans un monde où l'homme a marché sur la lune ! Je ne sais pas ce qu'est l'inaccessible. Je crois que le désir d'abord, puis le rêve et enfin le travail, sont à la base de tout projet, si fou soit-il ! Et surtout, il faut s'aimer. Fort, inconditionnellement . (p. 383)
C'est là sans doute, entre zéro et cinq ans que toutes les histoires s'élaborent. Je construisais en osmose avec ce lieu magique. les adultes qui m'entouraient n'étaient que douceur et bienveillance. Je les faisais rire. Ils m'aimaient et cet amour faisait grandir la certitude d'avoir une place qui fut mienne, d'être accueillie. Ce n'est que plus tard que j'ai compris que partout où j'irais, il faudrait toujours recommencer pour avoir le droit d'être là...( p. 79)
A les regarder, Hélène éprouve ses propres envies de révolte, ce qui s'échappe du comportement quand la carapace se rompt. (p. 91)
Pourquoi ne fait-elle jamais ça en temps normal ? Se réjouir des moments pluvieux tout autant que de ceux qui ensoleillent. (p. 267)
Elle n'a pas plus de certitude que les autres mais elle n'a jamais eu besoin de ça pour vivre. Et puis comme le dit Camus, les doutes c'est ce que avons de plus intime. Alors autant s'abandonner à ce qui vient. (p. 17)
Une fille avait lancé qu'interroger quelqu'un sur son job n'était pas une bonne façon de faire connaissance. Hélène avait renchéri en ajoutant que bien des gens sur terre ne faisaient pas du tout ce qu'ils étaient en réalité , n'avaient rien choisi du tout et n'avaient pas la force de tout envoyer paître pour s'inventer un nouveau destin. (p. 187)
Il est difficile d'imaginer soixante filles et femmes de tout âge, en situation de huis clos et en silence au XXIe siècle. C'est ce qu'aime Hélène dans ces jours étranges, cet espace de vie inconnu et l'extrême respect qui baigne cette aventure. Tout ressemble à un pensionnat avec ses dortoirs, ses règles assez strictes mais c'est le contraire d'une vie de régiment qui mènerait à une autorité punitive. Chacun s'est engagé et reste responsable de cet engagement. Pendant la méditation du début de l'après-midi, une fille court soudain vers la sortie comme si elle s'échappait. Hélène ne peut s'empêcher de l'envier, de se dire que cette révolte, tous la portent en eux et n'osent pas la laisser déborder. Le mal être des autres sécurise, normalise le désarroi de chacun. (p. 90)
James Nachtwey, un photographe de guerre qu'il admirait énormément et qui avait sans doute contribué à ce qu'il choisisse ce métier, lui avait appris qu'il devrait toujours se poser cette question: quoi faire de sa colère ? (p. 290)