Ce roman graphique ne paye pas de mine :
Guy Delisle raconte son quotidien en Corée du Nord où il est intervenu quelques mois pour aider un studio d'animation. C'est linéaire, détaillé, factuel, et presque parfois ennuyant.
Et pourtant ce quotidien vu par un européen s'avère riche en enseignements. Car même si ses hôtes l'ont eu à l'oeil de manière quasi permanente, ce simple quotidien dévoile des bribes d'informations sur ce pays si verrouillé. le culte de la personnalité (il est très mal vu de ne pas arborer un pins de
Kim Jong-Il, ou de son fils, ou de ne pas nettoyer leurs portraits ornant les murs), la propagande et la surveillance continue (il faut manifester et chanter les chansons du régime avec suffisement d'ardeur), les mensonges assortis de bourrage de crâne ("il n'y a pas d'handicapés, tous les nord-coréens naissent forts, intelligents et en santé"), tout ceci est exposé sans jugement (ou très peu) et même avec bienveillance envers les gens rencontrés.
Guy Delisle réussit à exposer sans paraître le dénoncer un système public de distribution alimentaire particulièrement inique rendant l'aide internationale très compliquée (le commun de la population ne recevant que 250g de riz par jour pendant que les cadres du parti et gradés de l'armée se taillent une part de lion, mais surtout que 5 à 6 millions de personnes sont tout simplement ignorés et errent sans aucune ressource) et une pauvreté généralisée (à l'hôtel où il loge, seul l'étage réservé aux étrangers est éclairé, les ascenseurs ne fonctionnent pas, les restaurants sont très mal achalandés).
À côté de ça j'ai été impressionnée par la précision de son travail dans les rares extraits le décrivant - le passage où il essaye d'animer correctement un personnage faisant le geste typiquement français "ouh là là dis donc" sans que cela ressemble à "je me suis brûlé les doigts" ou "je casse un mur de brique" est hilarant. Et ces anecdotes tranchent cruellement avec l'état désastreux de ce pays méconnu, qui grâce à cet album l'est un peu moins.